Au secours, je fais une crise d’angoisse
«En proie à une attaque de panique, on a l’impression que l’on va mourir ou que l’on devient fou.» Cette description de Paolo Cordera, psychologue au sein du programme Troubles anxieux des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), illustre bien l’intensité des symptômes que peuvent ressentir les personnes qui subissent une crise d’angoisse dans sa forme la plus aiguë. Sensations d’oppression, d’avoir le cœur qui bat trop vite et trop fort, de boule dans le ventre, de gorge serrée ou encore essoufflement, tête qui tourne, mains moites et picotements dans les membres: autant de manifestations qui peuvent faire croire à la personne qui les vit qu’elle a un problème physique et qu’elle est en danger. Et pourtant, il n’en est rien. «C’est une grande souffrance, mais il faut savoir que l’on ne risque rien. Le système d’alerte du corps se déclenche face à une forte montée d’anxiété, mais l’alarme en tant que telle n’est pas dangereuse», rassure Paolo Cordera.
Les bienfaits de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
Bien qu’impressionnantes, les crises d’angoisse ne sont pas dangereuses. Cependant, la force des symptômes peut, sur le moment, donner l’impression que l’on est en danger. Parvenir à modifier cette perception est au cœur de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) qui s’avère très efficace pour traiter le trouble panique, ainsi que de nombreux autres troubles anxieux, comme les phobies. «Il s’agit de désamorcer l’idée de danger. Pour traiter le trouble panique, la TCC vise à amener la personne à s’exposer aux sensations corporelles qu’elle interprète comme dangereuses, afin qu’elle se rende compte qu’elles sont inoffensives. Petit à petit, et toujours dans le cadre thérapeutique, l’idée est qu’elle parvienne à tolérer les symptômes désagréables jusqu’à ce que son organisme comprenne qu’il n’y a pas de menace réelle. Le principe est que le seuil de déclenchement de l’alerte se régule à nouveau, afin que son système d’alarme soit moins sensible», explique Paolo Cordera, psychologue au Programme troubles anxieux des HUG.
Menace perçue
Aucun risque pour la santé physique, donc, mais des crises envahissantes qui peuvent avoir un lourd impact sur la santé mentale et sur la vie quotidienne. «La crise d’angoisse peut se déclencher face à un stress objectif: une prise de parole en public, un accident, une explosion…», explique Emmanuelle Jeker, psychologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Dans ces cas-là, l’attaque de panique est une réaction presque normale, voire utile, à une situation particulièrement anxiogène. Une manière pour le corps de nous signifier, dans la partie primitive de notre cerveau, qu’il faut fuir ou se battre. «Dans notre société actuelle, les besoins ne sont plus les mêmes, il est assez rare de devoir prendre ses jambes à son cou. Dans bien des cas, la menace est donc moins réelle que ce que perçoit l’individu», poursuit l’experte.
Trouble panique
Mais parfois, le système s'enraye et l’alarme se déclenche sans qu’il y ait de menace, qu’elle soit réelle ou perçue. C’est ce qu’on appelle un trouble panique. «Si on allume une bougie et que les pompiers arrivent, c’est que l’alarme de la maison est mal réglée. Face à l’imprévisibilité et à l’intensité des crises, les personnes développent alors une peur de la prochaine attaque. Elles se focalisent sur les symptômes, dans une hypervigilance, et commencent à éviter les lieux où se sont produites les crises», décrit Paolo Cordera. Un trouble panique qui alors peut vite devenir handicapant.
Heureusement, toutes les crises d’angoisses ne se transforment pas en trouble panique. Seule une minorité de personnes, 1 à 3% de la population, le développent. Pour toutes les autres, soit 10 à 12% de la population, les crises d’angoisse resteront anecdotiques. Elles se produiront lors de périodes de vie plus difficiles ou plus stressantes, sans forcément devenir pathologiques. «La première attaque de panique a souvent lieu pendant les années du passage à l’âge adulte», précise Emmanuelle Jeker, soulignant cette époque de la vie particulièrement intense en raison de ses nombreux changements et défis qui se présentent.
Un trouble peut en cacher un autre
À noter que lorsqu’une première crise d’angoisse survient, il n’est pas rare que ses symptômes soient considérés comme la manifestation de problèmes cardiaques ou respiratoires. «Il est très important d’exclure d’autres pathologies avant de parler de problème psychologique», souligne Paolo Cordera. Une démarche indispensable à entreprendre car si les attaques de panique sont inoffensives en tant que telles, il arrive qu’elles cachent d’autres problèmes, notamment chez les femmes. «Certaines crises d’angoisse peuvent provoquer des crises d’asthme, par exemple. Mais il y a aussi des problèmes thyroïdiens qui peuvent causer des désordres hormonaux et générer des attaques de panique. Dans ce cas, il est prioritaire de traiter la cause hormonale avant d'envisager une approche psychologique», précise Emmanuelle Jeker.
Lorsque la piste psychologique se confirme, des solutions existent. «Qu’il s’agisse d’une crise d’angoisse ou d’un trouble panique, cela se soigne très bien, pas de panique!» rassure Paolo Cordera. Pour les personnes qui connaissent bien leurs crises et leurs symptômes, il est par exemple possible d’apprendre à les gérer grâce à des techniques respiratoires. Dans les cas de troubles paniques avec des crises répétées, une prise en charge plus poussée est nécessaire. La thérapie cognitivo-comportementale est particulièrement efficace avec de très bons résultats (lire encadré). «Si on ne fait rien, il y a rarement de résolution spontanée des troubles. Mais avec un traitement, la plupart des personnes observent une réduction, voire une disparition totale, des crises. La psychothérapie peut par ailleurs apporter des bénéfices au-delà du trouble lui-même pour aider à changer des schémas de pensée, par exemple», note Emmanuelle Jeker avec optimisme.
Et les traitements médicamenteux ?
La question des traitements médicamenteux dans le cas des crises d’angoisse est complexe. Lorsque ces crises sont associées à d’autres troubles, comme la dépression par exemple, la prise d’antidépresseurs peut avoir un effet bénéfique sur l’humeur de la personne et apaiser également l’anxiété. En revanche, la prescription d’anxiolytiques qui ciblent spécifiquement les symptômes de la crise d’angoisse n’est pas systématique, selon Paolo Cordera, psychologue au programme Troubles anxieux des HUG. Et de préciser: «Ils fonctionnent très bien sur le moment mais sur le moyen ou long terme, ce n’est pas une solution. En réduisant les symptômes, ils peuvent devenir une sorte de mécanisme de sécurité pour la personne. Celle-ci peut alors penser qu’elle ne va mieux que grâce aux médicaments, tout en continuant à percevoir ses symptômes comme dangereux. Cela crée une forme de dépendance comportementale qui ne résout pas le problème anxieux.»
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Paru dans Le Matin Dimanche le 03/11/2024
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