La goutte: un rhumatisme en pleine expansion
On la surnomme «la maladie des rois»: de Charlemagne à Louis XIV, la goutte a terrassé de douleur des grands noms de l’histoire. Loin d’appartenir au passé, cette pathologie rhumatismale est même en pleine recrudescence. En Europe occidentale, environ 5% de la population serait atteinte de goutte. Des chiffres en partie liés à l’augmentation générale du taux d’obésité, mais pas seulement. Si dans l’imaginaire collectif, la goutte est associée à l’opulence et aux repas caloriques, d’autres facteurs de risque entrent en ligne de compte.
Des cristaux dans les articulations
Traiter une crise de goutte aiguë
En cas de première crise de goutte aiguë, il n’est pas nécessaire d’introduire directement un traitement à vie pour modifier le taux d’acide urique dans le sang. Cependant, quelques réflexes permettent de gérer la douleur.
Repos et décharge: en cas de crise de goutte, ne sollicitez pas trop votre articulation endolorie. Vous pouvez utiliser des cannes anglaises afin de ne pas mettre de poids sur la zone qui vous fait mal.
Application de glace: le froid est un excellent remède pour calmer les douleurs. Vous pouvez appliquer un «coldpack» ou de la glace pilée sur votre articulation pendant 20 minutes, 3 à 4 fois par jour (au maximum toutes les deux heures). Si vous n’avez pas de glace, vous pouvez aussi utiliser un paquet de lentilles ou de petits pois congelés.
Médicaments anti-inflammatoires: les anti-inflammatoires stéroïdiens sont efficaces contre la douleur et peuvent permettre de diminuer la durée de la crise.
La goutte est une maladie rhumatismale, principalement liée à une concentration trop élevée d’acide urique dans le sang. «Il s’agit d’un déchet naturel que produit notre organisme. Il résulte en partie de la dégradation de certains aliments et est éliminé grâce aux reins», explique la Dre Zina Fumeaux, spécialiste en médecine interne et néphrologie au Groupement Hospitalier de l’Ouest Lémanique (GHOL). Or, lorsque le taux d’acide urique dans le sang est trop élevé, il a tendance à précipiter et se déposer sous forme de cristaux d’urate dans de nombreux tissus (en particulier les articulations).
Dans un premier temps, la goutte se manifeste sous forme de crises aiguës: de violentes inflammations locales, liées au dépôt de ces fameux cristaux, provoquent des douleurs et des gonflements dans une articulation (souvent le gros orteil). «Au début, ces crises durent seulement quelques jours, détaille le Pr Jean Dudler, médecin-chef du département de rhumatologie de l’hôpital fribourgeois (HFR). Mais petit à petit, elles peuvent survenir de manière récurrente, jusqu’à devenir chroniques. Sur le long terme, la goutte peut être très invalidante». Le traitement recommandé va alors dépendre du stade de la maladie. Lors d’un premier épisode de crise aiguë, la priorité consiste à soulager la douleur. En revanche, lorsque la maladie s’installe durablement, des médicaments peuvent être prescrits pour faire baisser le taux d’acide urique dans le sang et le maintenir à un niveau normal. «Le patient devra alors prendre des médicaments à vie pour être protégé, souligne la Dre Fumeaux. Un tel traitement peut parfois entraîner des effets secondaires. Par conséquent, on n’entreprend pas de traitement de fond dès la première crise de goutte, mais uniquement si la maladie devient chronique».
Des facteurs de risque multiples
Au-delà du traitement médicamenteux, intervenir sur certains facteurs de risque peut aussi être bénéfique. Le diabète, l’hypertension artérielle et l’obésité sont connus pour être souvent associés à la goutte. Globalement, il est donc recommandé de suivre certaines règles d’hygiène de vie, comme pratiquer une activité sportive, se nourrir sainement et bien s’hydrater. «Certains aliments comme les fruits de mer, la charcuterie, les abats, la bière, le vin blanc ou encore les boissons sodées ont tendance à augmenter le taux d’acide urique dans l’organisme, indique la Dre Fumeaux. Il vaut donc mieux en limiter la consommation».
Malheureusement, ces réflexes ne sont pas toujours suffisants. «L’alimentation joue certainement un rôle, mais les causes de la goutte sont surtout génétiques, commente le Pr Dudler. Certaines personnes ont une propension génétique à avoir des reins qui sécrètent moins d’acide urique que d’autres».
Il n’existe actuellement pas de médicament préventif qui permette de prévenir une première crise de goutte. En revanche, sa survenue ne doit pas être négligée. «La goutte est une maladie facile à diagnostiquer et bien connue du corps médical, relève le Pr Dudler. C’est même tellement simple qu’elle a tendance à être banalisée. Pourtant, si on la laisse évoluer, elle peut grandement empiéter sur la qualité de vie et finir par détruire les articulations. Il est donc important de la prendre en charge assez tôt». Si plusieurs membres de votre famille souffrent de goutte, n’hésitez donc pas à le signaler à votre médecin.
Acide urique et calculs rénaux
L’acide urique peut également être responsable de la formation de cristaux dans les voies urinaires, qu’on appelle calcul rénal ou calcul urinaire. La plupart du temps, les calculs sont composés de calcium et d’oxalate (une molécule contenue dans de nombreux végétaux et aliments). Dans 5 à 10 % des cas cependant, les calculs sont composés d’acide urique. Une partie du traitement va consister à alcaliniser les urines pour empêcher la cristallisation de l’acide urique. Comme dans un cas de goutte chronique, un traitement pour stabiliser le taux d’acide urique pourra être proposé si celui-ci est élevé, afin d’éviter les récidives. « Si vous souffrez de calculs, pensez à essayer de les récupérer au moment de l’expulsion, conseille la Dre Zina Fumeaux, spécialiste en médecine interne et néphrologie au GHOL. Ils pourront ainsi être analysés afin de déterminer leur nature et adapter le traitement ».
Paru dans le Quotidien de La Côte le 08/11/2017.
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