Rééduquer la mémoire

Dernière mise à jour 02/03/12 | Article
Un piano a queue
Les neuropsychologues utilisent les multiples facettes de la mémoire pour améliorer l’autonomie des victimes d’une lésion cérébrale.

Le 27 mars 1985, Clive Wearing,un pianiste britannique, contracte une encéphalite. La maladie provoque une amnésie foudroyante. Toutes les 30 secondes, son passé est entièrement effacé de sa mémoire.

Depuis ce jour, dans son journal intime, le musicien consigne inlassablement une seule et unique expérience existentielle: «Je viens, à l’instant, de prendre pleinement conscience de moi-même.»

Etonnamment, dès qu’il s’assied à un piano, Clive Wearing est capable d’exécuter à la perfection les morceaux de musique qu’il avait appris avant son amnésie. «En fait, il existe plusieurs mémoires. Notamment la déclarative et la procédurale. La première traite des connaissances que nous pouvons transmettre verbalement. La seconde met en jeu ce que nous appelons: des habilités. Typiquement, la maîtrise d’un instrument de musique», explique le Dr Radek Ptak, neuropsychologue au service de neurorééducation.

Déclarative ou procédurale, visuelle ou auditive, à court terme (quelques secondes) ou à long terme (après quelques minutes, etc.), les mémoires ne sont pas localisées en un endroit unique du cerveau. Par conséquent, chaque lésion, selon sa nature et son emplacement, affecte différemment les capacités cognitives du patient.

Agenda

Agenda d’une patiente. En l’absence d’une stratégie adéquate, l’utilisation d’un support matériel ne suffit pas à palier le déficit cognitif.

Encodage et stockage

«Schématiquement, on peut distinguer les troubles liés à l’encodage des informations de ceux qui ont trait au stockage. Dans le premier cas, nous élaborons des stratégies mnémotechniques pour renforcer l’acquisition des données. Dans le second, c’est plus compliqué, car les traces de mémoire s’effacent progressivement et le patient n’est souvent pas conscient du problème», reprend le Dr Ptak.

Dès lors, le neuropsychologue appuie sa thérapie sur la mémoire procédurale. Par la répétition quotidienne d’un geste, il s’efforce d’ancrer chez le patient une habitude utile dans sa vie de tous les jours. Comme l’utilisation d’un agenda papier ou électronique. «La fonction atteinte est remplacée par une autre, intacte. C’est une forme de plasticité», conclut le Dr Radek Ptak.

«J’entraîne ma mémoire»

Anne*, 42 ans, svelte Romaine aux yeux bleus, et maman de trois filles adolescentes, a encore des séquelles de sa récente rupture d’anévrisme (éclatement d’un vaisseau dans le cerveau). «Je me souviens très bien d’événements antérieurs à un an ou plus. Mais j’oublie encore souvent ce qui s’est passé il y a cinq minutes», témoigne-t-elle.

Après son opération aux HUG fin 2011, elle a entrepris un programme de rééducation avec le Dr Radek Ptak et une logopédiste, Marie Di Pietro-Bachmann. «J’entraîne ma mémoire et ma vélocité mentale. J’ai appris aussi à utiliser des plannings hebdomadaires et journaliers. Je fais des progrès. Vous savez, j’ai vécu longtemps à Rome et à Londres. Genève est sûrement l’un des meilleurs endroits au monde pour faire un accident vasculaire cérébral», dit-elle dans un grand sourire.

* Prénom fictif

Source

Pulsations - mars-avril 2012

Article original: http://bookapp.fr/api/hug/viewer/viewer.php?mag=HUGE_123#15

Articles sur le meme sujet
LMD_amnesie_traumatique

L’amnésie traumatique permet de survivre à l’inceste

Alors que les témoignages des victimes d’inceste et d’abus sexuels subis durant l’enfance se multiplient, comment comprendre les sursauts de la mémoire des années, parfois même des dizaines d’années, après les faits? Décryptage d’un phénomène.
LMD_mémoriser_donner_récompense

Pour bien mémoriser, il faut donner la juste récompense

Selon une étude de l’Université de Genève, trouver la bonne dose de récompense permet un fonctionnement optimal de la mémoire. Un savant équilibre qui pourrait être bénéfique pour de nombreux types d’apprentissages.
Videos sur le meme sujet

Rencontre avec Gilles Allali, grand spécialiste de la mémoire

Tous les vendredis, "CQFD" reçoit un homme ou une femme de science pour parler de son travail et de ses recherches.

Oublier n’est pas une maladie

Le 13 octobre dernier, la ville de Vernier dans la Canton de Genève organisait une conférence intitulée "Oublier n'est pas une maladie" et destinée aux seniors.

Une juste récompense pour une bonne mémoire

Notre cerveau aime les récompenses et en recevoir l'aide à retenir des informations.