Les pédiatres face à la pénurie de vaccins de base

Dernière mise à jour 29/03/16 | Article
Les pédiatres face à la pénurie de vaccins de base
Le marché mondial des vaccins de base connaît des ruptures de stocks. Les conséquences ne sont pas encore alarmantes pour la population suisse.

«Non disponible»: l’information apparaît à plusieurs reprises sur la liste de vaccins fournis par les deux principaux fabricants, le Britannique GlaxoSmithKline (GSK) et le français Sanofi, dont les chiffres d’affaires pour ces produits se sont élevés à 4,6 milliards et 4 milliards de francs respectivement en 2014. Si vous avez été récemment amené à vouloir vacciner votre enfant, votre médecin vous a sûrement informé du retard de livraison. Une situation qui ne concerne pas seulement la Suisse mais également d’autres pays qui dépendent tous du même stock de vaccins. Existent-ils des alternatives et quelles sont les conséquences pour les patients?

Vaccins conseillés

En Suisse, il n’y a pas de vaccins obligatoires hormis la diphtérie dans les cantons de Genève et de Neuchâtel. Mais le Plan de vaccination de base publié par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) préconise de se protéger contre certaines maladies comme la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la coqueluche qui sont combinées dans un même vaccin dit «tétravalent» (DTPPa). Chez l’enfant, on peut faire une première injection vaccinale quelques mois après la naissance puis des rappels entre 4 et 7 ans. La plupart du temps, on utilise le vaccin dit «pentavalent» (DTPPa-Hib), dans lequel on ajoute la protection contre certaines méningites et infections respiratoires graves – causées par Haemophilus influenzae B (Hib). Il est aussi possible d’opter pour un vaccin «hexavalent», avec la protection contre le virus de l’hépatite B en plus des autres maladies.

Depuis des mois, les industries pharmaceutiques ne livrent plus aux pédiatres de doses de vaccins tétravalents comme l’«Infanrix» de GSK, ni de doses uniques de pentavalent, qui seront disponibles au plus tôt en avril ou mai 2016 pour le pentavalent, et en 2017 pour le tétravalent, selon le site de la Confédération. «Cette pénurie ne pose que peu de problèmes chez les nouveau-nés tant que les parents acceptent de vacciner leur bébé avec l’hexavalent, commente Pierre Alex Crisinel, pédiatre à l’Hôpital de l’enfance à Lausanne. Mais il y a des parents qui refusent la vaccination contre l’hépatite B même s’il n’y a pas de risque pour le nouveau-né. Plusieurs médecins ont donc été contraints de différer les vaccinations, ce qui n’est pas optimal».

Le problème est plus délicat pour les rappels des enfants entre 4 et 7 ans, ajoute le pédiatre. «A cet âge, il n’est plus nécessaire de vacciner contre l’Haemphilus influenzae de type b». Dans un état des lieux publié en juillet 2015, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) recommande d’utiliser un vaccin avec un dosage réduit d’antigène de la diphtérie et de la coqueluche, le «Boostrix Polio» de GSK, autorisé dès 4 ans. «Cette option est valable uniquement lorsqu’il s’agit d’une injection de rappel», complète Pierre Alex Crisinel.

Attendre un peu sans induire de retard

«Tant que la situation n’empire pas, il n’y aura pas trop de problèmes pour la vaccination de base car il existe des alternatives sur le marché», précise Pierre Alex Crisinel. Potentiellement, la pénurie de vaccins «peut conduire à des retards dans l’administration de rappels, à des consultations supplémentaires, ou à l’utilisation de deux vaccins au lieu d’un combiné», selon Mona Neidhart, la porte-parole de l’OFSP. Dans certaines situations, le médecin peut conseiller aux parents qui souhaitent vacciner leur enfant d’attendre un peu en fonction de l’évolution prévue des stocks. «Cependant il est important de ne pas dépasser les intervalles d’administration afin d’éviter des retards dans les rappels, insiste le pédiatre lausannois. Sinon il y a un risque de mauvaise couverture de la population».

Si d’avantage de vaccins venaient à manquer, il pourrait ne plus y avoir d’alternatives et une grande partie de la population ne serait plus ou mal protégée. «Les maladies qui n’existent plus en Suisse pourraient réapparaître, explique Pierre Alex Crisinel. Comme ça a été le cas pour la diphtérie en Europe de l’Est dans les années 90 ou à Haïti après le tremblement de terre. La coqueluche ou l’infection par Haemophilus influenza B –disparue en Suisse depuis la fin des années 90 grâce à la vaccination– sont très graves chez les tout petits». Mais le pédiatre rassure: «Ce scénario est très improbable».

A quoi est due la pénurie de vaccins ?

La production de vaccins par l’industrie pharmaceutique est un processus complexe et extrêmement contrôlé. «Les critères de validation sont très sévères, explique Pierre Alex Crisinel. Le processus peut durer entre 18 et 24 mois. Si les tests ne sont pas probants, tout le lot de vaccins est mis de côté et des délais importants s’ensuivent.» Par ailleurs, la planification des quantités produites est déterminée en fonction du marché mondial. Après l’épidémie de coqueluche en 2012-2013, dix-sept pays ont décidé de l’ajouter aux vaccinations de base, ce qui a fait exploser la demande. A cela s’ajoute un rendement plus faible des souches de coqueluche cultivées pour produire les vaccins, selon les propos de Soizic Courcier, directeur médical de GSK en France, récemment rapportés dans Le Monde.

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