L’endométriose, une maladie aux multiples présentations

Dernière mise à jour 02/08/23 | Article
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Il existe probablement autant de formes d’endométriose que de femmes atteintes. Le symptôme le plus fréquent est la douleur, parfois très violente durant les règles ou lors des relations sexuelles.

Cette maladie complexe, qui se caractérise par la présence anormale de cellules de l’endomètre (tissu tapissant l’utérus) en dehors de la cavité utérine, peut revêtir une multitude de formes en fonction de sa localisation. La plus fréquente touche le petit bassin autour de l’utérus et concerne les lésions dites «superficielles» sur les parois intérieures de l’abdomen, les lésions sur les ovaires, les lésions profondes pouvant infiltrer la vessie et le rectum, et l’adénomyose qui touche le muscle utérin.

La recherche avance enfin

Parent pauvre de la recherche, l’endométriose fait l’objet, depuis quelques années, d’un intérêt scientifique grandissant. Parmi les dernières découvertes, une équipe japonaise[1] a identifié une bactérie, Fusobacterium, chez plus de 60% des femmes atteintes d’endométriose et chez seulement 10% des autres. Présente dans le microbiote, elle stimulerait la prolifération de l’endomètre. D’après les chercheurs, la mise en place d’un traitement antibiotique aurait permis de faire régresser la maladie chez des souris, posant l’hypothèse que l’endométriose pourrait être en lien avec une maladie infectieuse. «Ces résultats, expérimentaux, ouvrent de nouvelles perspectives mais restent à confirmer», tempère le Pr Patrick Dällenbach, responsable de l’Unité de périnéologie du Service de gynécologie et médecin spécialiste du centre endométriose des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). 

Du côté des traitements, les ultrasons focalisés à haute intensité, développés à l’origine pour le cancer de la prostate, ont récemment été utilisés par une équipe française pour dévitaliser un certain type de nodules d’endométriose situés entre l’utérus et la paroi du rectum. Une technique prometteuse, notamment pour éviter la chirurgie qui peut s’accompagner de complications.

Mais l’endométriose peut migrer vers d’autres parties de l’organisme, comme le diaphragme, les poumons, le foie, la rate, les intestins ou même le système nerveux central. On parle alors d’endométriose extra-pelvienne. Dans ces cas, aux symptômes fréquents (douleurs, saignements, troubles urinaires, etc.) peuvent s’ajouter des complications localisées, par exemple des troubles digestifs lorsque l’endométriose colonise l’intestin ou des difficultés à respirer si des lésions se placent sur la plèvre (membrane enveloppant les poumons). «Mais attention, une endométriose qui se propage ne signifie pas forcément que les symptômes seront plus importants. Une femme avec une endométriose très localisée pourra ressentir de très fortes douleurs et inversement, des lésions disséminées ne sont pas forcément accompagnées de symptômes», constate le Pr Patrick Dällenbach, responsable de l’Unité de périnéologie du Service de gynécologie et médecin spécialiste du centre endométriose des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). 

Côté prise en charge, la question de la chirurgie doit alors se poser au cas par cas. Elle permet certes d’ôter des zones atteintes – par exemple pour libérer les ovaires et faciliter la conception – mais s’accompagne d’un risque non négligeable de complications. «Ces opérations sont très délicates. Si le réseau nerveux autour de l’organe est endommagé, cela peut mener à des troubles fonctionnels importants, souligne l’expert. D'où l'importance d'une prise en charge au sein de centres de références, par des chirurgiens spécialisés.» 

Des traitements personnalisés

Face aux différentes formes que peut prendre l’endométriose, on comprend donc que la prise en charge se doive d’être multidisciplinaire. «La maladie doit être considérée dans sa globalité, explique le Pr Dällenbach. Le plus souvent, on ne se contente pas uniquement d’un traitement hormonal ou chirurgical, mais on travaille aussi avec des ostéopathes, des physiothérapeutes, des acupuncteurs… Car le simple traitement local ne résout pas toujours les choses.» 

Un diagnostic précoce est primordial pour prendre en charge les symptômes et tenter de freiner le développement de la maladie. Pourtant, on estime que le délai moyen pour qu’il soit posé est de sept ans[2]. «La non-spécificité des symptômes, ajoutée au fait que cette maladie a longtemps été banalisée, participe à ce temps de latence», poursuit le Pr Dällenbach. Par ailleurs, les lésions sont parfois difficilement détectables. «Certains nodules sont palpables lors de l’examen clinique, mais des lésions plus profondes nécessitent une échographie, une IRM, voire une observation via une ouverture de la paroi abdominale», explique l’expert.

Depuis 2022, un test salivaire, développé par une start-up française, permet de détecter la maladie avec une fiabilité de plus de 95%. S’il est déjà disponible sur le marché (au coût de près de 800 francs), des études supplémentaires sont en cours pour confirmer son efficacité. «Dans quels cas sera-t-il vraiment utile? Son résultat changera-t-il la prise en charge? s’interroge le Pr Dällenbach. Ces questions sur la finalité de ce test doivent se poser, afin de l’utiliser à bon escient, notamment chez les patientes pour qui un doute subsiste après le recours à d’autres méthodes diagnostiques.»

Cyntia, 38 ans: «On peut bien vivre avec la maladie, même à un stade avancé»

«J’ai des douleurs depuis que j’ai eu mes premières règles à 13 ans. Mais, comme pour beaucoup de jeunes filles, cela a été banalisé par mon gynécologue qui s’est contenté de me mettre sous pilule sans creuser davantage. Ce n’est qu’à 28 ans que le mot "endométriose" a été prononcé, suite à des examens parce que je n’arrivais pas à tomber enceinte. J’ai donc mis quinze ans à être diagnostiquée!

Chez moi, l’endométriose est assez étendue et touche non seulement l’utérus et les ovaires, mais aussi la vessie, les reins, le péritoine, le diaphragme et les intestins, ce qui entraîne divers symptômes extrêmement handicapants au quotidien: douleurs lors des rapports sexuels et en position assise, troubles urinaires, digestifs, du sommeil… L’endométriose impacte la santé physique, mais aussi d’autres domaines de la vie: amoureuse, financière, sexuelle, familiale, professionnelle, amicale…

Avec le temps, j’ai pu améliorer ma qualité de vie grâce à l’association de différents traitements: TENS (électrostimulation), alimentation anti-inflammatoire et anti-œstrogènes, massages, physiothérapie, phytothérapie, hypnose ou encore méditation. Il faut être patiente et trouver ce qui nous convient. Car on peut arriver à vivre avec la maladie, même à un stade avancé. Il ne faut pas non plus trop inquiéter les femmes à propos de l’infertilité. Car si 40% des personnes touchées auront des problèmes de conception, la moitié d’entre elles réussiront à tomber enceintes avec ou sans aide médicale.»

Témoignage recueilli avec l’aide de l’association S-Endo (www.s-endo.ch).

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Paru dans Le Matin Dimanche le 16/07/2023

[1] https://www.science.org/doi/10.1126/scitranslmed.add1531

[2] Nnoaham KE, Hummelshoj L, Webster P, et al. Impact of endometriosis on quality of life and work productivity: a multicenter study across ten countries. Fertil Steril. 2011.

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