Médecine génétique: une révolution en marche

Dernière mise à jour 01/03/13 | Article
Médecine génétique: une révolution en marche
Le décryptage et la compréhension toujours plus approfondie de l’ADN annoncent la médecine prédictive et individualisée.

La médecine génétique est en marche. En vingt ans, elle a décuplé ses forces aux HUG. La poignée de spécialistes des débuts s’est étoffée pour devenir aujourd’hui, avec quelque 70 collaborateurs triés sur le volet, l’un des centres les plus avancés d’Europe. «De plus, nous avons mis sur pied en 2012 une structure interdépartementale pour promouvoir l’approche et la pensée génétique dans la maison», s’enorgueillit le Pr Stylianos Antonarakis, médecin-chef du service de médecine génétique, et pointure internationale dans le domaine.

La pensée génétique? C’est, comme il se doit, une révolution. Au milieu du XIXe siècle, la médecine avait fait un grand pas vers un savoir réellement scientifique en comprenant deux choses: tous les organismes sont formés de cellules, elles-mêmes issues d’autres cellules. Un siècle plus tard, au cœur de cette même cellule, Francis Crick et James Watson, deux chercheurs britanniques, trouvent le Graal, la clé du mystère de la vie: l’ADN.

L’ADN est au monde organique ce que l’atome est à la matière inerte. Tout ce qui est vivant sur Terre est l’expression évoluée d’une molécule d’ADN (acide désoxyribonucléique). Au microscope électronique, celle-ci se présente sous la forme d’une longue chaîne d’atomes disposés les uns à côté des autres, comme les barreaux d’une échelle. En regardant de plus près, on voit quatre types de barreaux. Ils sont représentés par les lettres G, A, T et C.

Erreurs de copie

En réalité, l’ADN est un texte écrit avec des atomes. Composé de millions de mots, il contient le plan de fabrication de tous les êtres vivants: plantes, champignons, animaux ou microbes. Mieux encore, il fournit la recette pour la production de toutes les protéines nécessaires à la survie des organismes – entre deux humains, seul 0,9% du texte diffère. Entre un chimpanzé et un humain, c’est 1,7%. Tout le reste est parfaitement identique.

Ce qui distingue l’ADN de toutes les autres molécules, c’est sa capacité à se répliquer lui-même. Au cours de ce processus, il se produit de temps en temps, mais très rarement, des erreurs de copie. «Ces différences, la variation génétique, jouent un rôle fondamental. Sans elles, il n’y aurait pas eu d’évolution. Au sein d’une même espèce, elles fournissent à cette dernière le potentiel, le réservoir biologique nécessaire pour survivre aux transformations de l’environnement. On parle alors d’adaptation», précise le Pr Stylianos Antonarakis.

Pr Stylianos Antonarakis

Le Pr Stylianos Antonarakis entre les brins d’ADN monumentaux de l’exposition «Génome» au Centre médical universitaire.

© JULIEN GREGORIO/PHOVEA

ADN décrypté

Cet avantage évolutif se paie cher cependant. Les variations génétiques ont souvent des conséquences néfastes sur l’organisme. Elles peuvent être la cause directe de maladies graves comme l’hémophilie ou la mucoviscidose. Ou elles prédisposent à presque toutes les maladies fréquentes de l’âge adulte, du diabète à la schizophrénie, de la maladie d’Alzheimer à l’asthme en passant par les affections maniaco-dépressives. «Pour trouver des liens entre les variations et la maladie, il a fallu d’abord décrypter l’ADN complet de l’homme. Ce projet – d’envergure internationale – commencé en 1990, s’est achevé en 2003. Il a coûté quelque trois milliards de dollars. Soit environ un dollar par lettre», s’amuse le Pr Antonarakis. Aujourd’hui, la même tâche est effectuée en six semaines pour 10000 francs.

En 2002, un second projet a été lancé: HAP-MAP. Cette fois, il s’agissait de dessiner une carte des variations du génome humain. L’objectif étant d’établir des liens entre les variations génétiques et les prédispositions aux maladies. Last but not least, en 2003, la communauté scientifique a mis en route un troisième projet: ENCODE. Son ambition est d’explorer les vastes territoires encore inconnus du génome. Les premiers résultats de ces recherches ont été publiés en septembre.

«Tout ceci va révolutionner nos connaissances et déboucher sur une médecine nouvelle, prédictive et individualisée. L’analyse d’un génome particulier permettra de détecter les prédispositions aux maladies, choisir les médicaments adéquats et les dosages exacts pour éviter les effets secondaires», assène le Pr Stylianos Antonarakis.

Pulsations-janvier-février 2013

Article original: http://bookapp.fr/api/hug/viewer/viewer.php?mag=HUGE_131#11

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