La pollution de l'air augmente le risque d'attaque cérébrale

Dernière mise à jour 03/02/16 | Article
La pollution de l'air augmente le risque d'attaque cérébrale
On savait que la pollution de l'air favorisait les infarctus. Mais son rôle dans les attaques cérébrales n'était pas clair. Une nouvelle étude écossaise lève le doute, et montre qu'un air pollué contribue aussi à l'augmentation de ces accidents vasculaires.

L'attaque cérébrale, que les médecins nomment plus volontiers accident vasculaire cérébral (AVC), est à l'origine chaque année dans le monde de plus de cinq millions de décès. Lorsqu'elle ne tue pas, cette affection provoque un nombre encore plus impressionnant d'invalidités, surtout dans les pays à faibles ou moyens revenus, où surviennent les deux tiers des AVC enregistrés dans le monde.

Or, ces chiffres augmentent d'année en année. Si cette progression peut être partiellement attribuée, dans les pays riches, à l'augmentation substantielle de la longévité, ce sont plutôt des facteurs environnementaux, ou liés au mode de vie, qui doivent être incriminés dans les pays moins favorisés.

Et une fois que l'on a cité le tabagisme ou l'obésité comme causes incontestables, il faut bien évoquer la qualité de l'air, qui ne cesse de se dégrader partout dans le monde et qui doit probablement jouer aussi un rôle, même s'il n'est que secondaire, dans la survenue des AVC.

D'où l'étude qu'a décidé d'effectuer un groupe de chercheurs de l'Université d'Edimbourg, en regroupant toutes les données sur le sujet qu'ils ont pu récolter dans la littérature médicale.

Très vaste enquête

Dans un premier temps, les chercheurs ont identifié 2748 publications évoquant les AVC et la pollution de l'air. Un peu plus d'une centaine satisfaisaient aux critères d'inclusion qu'ils avaient fixés (notamment que les mesures de pollution soient quotidiennes et que leur effet soit mesuré sur le court terme). Ils en ont finalement retenu 94, qui ont servi de base à leur travail. Ces études prennent en compte toutes les admissions à l'hôpital pour un AVC ainsi que tous les décès imputables à ces attaques cérébrales.

En tout, ce sont ainsi 6,2 millions d'événements qui sont regroupés, couvrant 28 pays.

Pour leur analyse, et pour les confronter aux chiffres d'AVC, les médecins écossais ont considéré d'une part les augmentations quotidiennes de polluants gazeux tels que le monoxyde de carbone, les dioxydes de soufre et d'azote, et l'ozone, et d'autre part les augmentations en concentration de particules fines.

D'une façon générale, il apparaît alors clairement que les admissions à l'hôpital pour attaque cérébrale et les décès par AVC sont positivement associés aux polluants gazeux ainsi qu'aux particules fines, quoique de façon assez modeste en ce qui concerne l'ozone.

Un effet immédiat

Dans le détail, les chercheurs d'Edimbourg sont parvenus pour la première fois à chiffrer l'effet de chaque polluant sur l'augmentation du risque d'incidence d'un AVC. C'est ainsi que pour chaque tranche supplémentaire de 10 microgrammes par mètre cube de particules fines PM2,5 (c'est-à-dire d'une taille de 2,5 microns ou moins) ils constatent une augmentation du risque relatif d'un peu plus de 1%. Cette augmentation se révèle maximale le jour même de l'augmentation de la pollution, et concerne davantage les attaques cérébrales ischémiques («infarctus cérébraux») que les hémorragies cérébrales.

Pour les polluants gazeux, l'augmentation de risque relatif est plus ou moins similaire. Elle est en effet de 1,4 à 1,9% pour chaque tranche supplémentaire de 10 ppb (parties par milliard) de concentration en dioxyde d'azote et dioxyde de soufre, et de 1,5% pour chaque tranche supplémentaire de 1 ppm (partie par million) de concentration en monoxyde de carbone. A noter que l'association est plus forte dans les pays à faibles ou moyens revenus, et que la concentration en ozone est peu associée à une augmentation de risque d'AVC.

D'une pierre deux coups

Quant aux mécanismes qui expliqueraient cette influence de la pollution de l'air ambiant sur la survenue des AVC à court terme, les auteurs en sont réduits à quelques hypothèses. Ils pensent que les polluants pourraient affecter la couche interne (l'endothélium) des vaisseaux sanguins, là où s'accumulent les dépôts graisseux susceptibles de mener à des thromboses. Le système nerveux sympathique pourrait aussi être impliqué, et provoquer une vasoconstriction des vaisseaux et une augmentation de la pression artérielle, connue pour être associée à un AVC.

En conclusion, les chiffres obtenus par les médecins d'Edimbourg s'ajoutent à ce qui a déjà été écrit au sujet de l'action de la pollution atmosphérique sur le risque d'accident cardiaque (voir ici même «La pollution de l'air participe à la survenue de l'infarctus»), et soulignent donc encore plus l'urgence d'améliorer la qualité de l'air partout dans le monde. Ajoutée aux mesures de prévention individuelle, une telle action publique à grande échelle permettrait à coup sûr de faire baisser le fardeau associé à l'AVC, deuxième cause de décès dans le monde et troisième cause d'invalidité.

Or, quand on voit en outre que ce sont essentiellement les polluants résultant de la combustion qui sont en cause, on ne peut s'épargner de faire le rapprochement avec la lutte contre le réchauffement climatique. Car en réduisant la production des gaz à effet de serre, majoritairement issus de la combustion, on pourrait faire d'une pierre deux coups, et en faire bénéficier également l'état de santé du monde.

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Référence

BMJ 2015;350:h1295

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