Les effets de l’hypertension artérielle sur l’œil

Dernière mise à jour 16/01/18 | Article
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L’hypertension artérielle présente de nombreuses comorbidités, dont des atteintes ophtalmologiques. Observables pour la plupart par de simples examens du fond de l’œil, ces dernières sont révélatrices du niveau de gravité de la maladie et doivent être prises en charge.

L’hypertension artérielle est le grand mal de notre temps: on estime sa prévalence mondiale à 26%. En ligne de mire, les sujets de sexe masculin et vivant dans des pays industrialisés. Elle est reconnue comme le principal facteur de risque de la morbidité et de la mortalité cardiovasculaires et provoque aussi toute une série de pathologies au niveau ophtalmologique.

Le domaine oculaire devrait donc être davantage considéré dans la prise en charge de l’hypertension artérielle, et ce d’autant plus que le niveau d’atteinte de l’œil est un indicateur de la gravité de la maladie et de l’atteinte des autres organes. En effet, la présence de signes oculaires secondaires à la maladie hypertensive est corrélée à un plus grand risque de lésions cérébrales (hémorragies, ischémie ou atteintes de petits vaisseaux). Plus particulièrement, dans sa forme sévère, la rétinopathie hypertensive engendre un plus grand risque d’accident vasculaire cérébral, de dysfonction rénale et de décès.

Détecter et dépister: techniques d’imagerie

Le dépistage ophtalmologique a ceci d’unique que les vaisseaux sanguins oculaires peuvent être directement observés via un examen du fond de l’œil: on peut y étudier de façon immédiate l’état des réseaux vasculaires et les détailler grâce à différentes technologies d’imagerie.

Angiographie de la rétine et de la choroïde: grâce à un phénomène de luminescence et d’injection de produit de contraste, l’angiographie rétinienne permet de prendre des clichés photographiques de l’architecture vasculaire de l’œil. Associée au produit de contraste de fluorescéine, elle permet de visualiser la dynamique de perfusion rétinienne, les parois vasculaires de la rétine, des éventuelles zones d’occlusions, d’ischémie (diminution ou arrêt de la circulation sanguine) et de proliférations néovasculaires. Associée au vert d’indocyanine, l’angiographie permet d’étudier selon les mêmes modalités la circulation dans la choroïde (tissu très vascularisé et profond), qui ne peut pas être observée par simple examen du fond de l’œil.

Tomographie par cohérence optique (OCT): très importante dans le diagnostic des pathologies de la rétine, la tomographie est une imagerie du fond de l’œil non invasive. En utilisant une longueur d’ondes proche de l’infrarouge, elle permet d’obtenir une biopsie tissulaire in situ de façon rapide, très précise et sans contact direct avec l’œil. Les nouvelles technologies OCT permettent de visualiser les vaisseaux rétiniens sans injection de produit de contraste, remplaçant dans certaines situations l’angiographie avec produit de contraste.

Manifestations oculaires

L’hypertension systémique engendre trois atteintes ophtalmologiques principales: la rétinopathie (la plus fréquente et souvent asymptomatique), la choroïdopathie et la neuropathie optique (la plus rare et la plus grave).

La rétinopathie hypertensive: l’artère centrale de la rétine est directement liée à l’artère carotide interne, par le biais de l’artère ophtalmique. D’elle découlent des artérioles (de petits vaisseaux sanguins) reliées à des vaisseaux encore plus petits, les capillaires. Le flux sanguin dans tous ces vaisseaux se régule de façon automatique en fonction de la tension artérielle du reste du corps: en cas d’hypertension, les vaisseaux se contractent (vasoconstriction) et en cas d’hypotension, ils se dilatent (vasodilatation), ce qui permet de garder un niveau de pression stable. Or, en cas d’hypertension chronique, ce mécanisme d’autorégulation se fige complètement et de façon irréversible. S’ensuit alors toute une série d’effets collatéraux qui sont directement observables dans l’œil: des parois vasculaires nécrosées et rigidifiées, des exsudats mous (signant un défaut de perfusion de la rétine) ou durs (épanchements protéiques intrarétiniens). Par manque d’oxygénation chronique des tissus, les capillaires forment des microanévrismes et diverses lésions (télangiectasies, saignements). A mesure que la maladie s’aggrave, des altérations artérielles et veineuses peuvent être observées (signe de Gunn, signe de Salus), voire des œdèmes de la papille optique en cas de crise hypertensive aiguë.

La choroïdopathie hypertensive: plus rare et moins connue que la rétinopathie, la choroïdopathie hypertensive survient principalement lors de crises hypertensives chez les jeunes patients. Elle est liée aux artères choroïdiennes qui découlent de l’artère ophtalmique. Celles-ci irriguent la rétine externe via des artères ciliaires. Contrairement au flux rétinien qui se régule tout seul, la vascularisation de la choroïde est régulée par le système nerveux autonome. Elle est donc plus rapidement altérée.

Ses principaux effets sont des lésions de la choroïde (taches d’Elschnig, visibles au fond de l’œil), d’abord blanches puis de plus en plus pigmentées. Dans le cas d’une atteinte plus étendue, on peut assister à un décollement choroïdien exsudatif.

La neuropathie optique: symptomatique ou non, elle ne survient qu’en cas d’hypertension artérielle maligne et se déroule de façon spécifique. Tout d’abord, une phase ischémique aiguë (œdème papillaire, hémorragies dans la rétine et exsudats mous qui peuvent être observés par examen du fond de l’œil et qui concernent la plupart du temps les deux yeux); une phase de résolution quelques mois plus tard (l’œdème et les exsudats disparaissent); puis, 5 à 21 mois plus tard, une phase où le nerf optique s’atrophie. Dans le cas où il s’atrophie trop rapidement, il arrive que la cécité survienne dans les deux yeux.

Autres complications de l’hypertension

Hémorragies sous-conjonctivales (hyposphagma): l’hémorragie sous-conjonctivale est la complication oculaire la plus fréquente. Elle survient comme une tache rouge dans le blanc de l’œil. Fréquente et sans symptômes, elle disparaît la plupart du temps de façon spontanée. Elle pourrait toutefois être révélatrice d’une hypertension artérielle: en cas de survenue, il est impératif d’en informer le médecin et de faire un contrôle de l’œil et de la tension artérielle.

Occlusions vasculaires rétiniennes et artérielles: les blocages des vaisseaux sanguins de l’œil peuvent être liés soit au flux sanguin des veines, soit à celui des artères. Les occlusions vasculaires rétiniennes sont fréquentes en cas d’hypertension artérielle, souvent signalées par une baisse de la vision: elles peuvent être dues à un petit thrombus qui se forme dans la veine de la rétine ou un croisement artérioveineux défectueux. Elles peuvent être traitées par injections intravitréennes (anti-VEGF ou cortisone). Les occlusions vasculaires artérielles sont, quant à elles, dues soit à des mécanismes de vasoconstriction artérielle sévère lors de crise hypertensive, soit à des occlusions thromboemboliques découlant de l’artère carotide. Dans ce cas, la baisse de la vision est drastique et il faut agir très vite.

Macroanévrisme rétinien: lorsque la tension artérielle est chroniquement trop élevée, la paroi des vaisseaux rétiniens devient plus fragile ou plus rigide. Les artérioles rétiniennes risquent alors de se dilater en un lieu de fragilité, ce qu’on appelle un macroanévrisme. En cas d’atteinte visuelle, le traitement au laser est recommandé.

En conclusion

L’hypertension artérielle peut provoquer de nombreuses atteintes de l’œil et parallèlement, l’examen oculaire permet un suivi des conséquences de l’hypertension sur les vaisseaux du corps. Un dépistage du fond de l’œil est donc recommandé au moment du diagnostic de l’hypertension artérielle ainsi qu’en cas de crise hypertensive aiguë, ou de tout problème visuel chez le patient hypertendu.

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Adapté de «Hypertension artérielle et œil», Dr A. Ambresin et Pr F. X. Borruat, Service d’ophtalmologie, Université de Lausanne et Hôpital ophtalmique Jules Gonin, Fondation Asile des aveugles, Lausanne. In Revue Médicale Suisse 2015;11:2366-72.

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