L’infarctus féminin: mal connu mais meurtrier

Dernière mise à jour 19/12/22 | Article
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Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de décès en Suisse. Souvent considérées comme un problème masculin, elles représentent pourtant près d’un décès sur trois chez les femmes, contre un sur quatre chez les hommes.

Dans la grande famille des maladies cardiovasculaires, on distingue les maladies chroniques (hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, etc.) et aiguës. Parmi ces dernières, le syndrome coronarien aigu est provoqué par l’obstruction d’une artère irriguant le cœur et mène la plupart du temps à un infarctus du myocarde. Aujourd’hui bien connue, cette maladie a cependant été, durant des années, étudiée sous le prisme du modèle masculin, influençant les campagnes de prévention et les recommandations. Résultat: alors que les femmes sont moins souvent touchées par l’infarctus, leur risque d’en mourir est plus élevé. 

On sait désormais que les femmes présentent des symptômes et des facteurs de risque qui peuvent être différents de ceux des hommes. La sensibilisation, la prise en charge et les traitements doivent donc être adaptés en conséquence.

Détecter les signes

Lors d’un infarctus, certains signes sont similaires entre hommes et femmes. Ainsi, l’un des symptômes les plus fréquents est une oppression au niveau du thorax qui irradie souvent dans l’un ou les deux bras, la mâchoire, le cou ou la région de l’estomac. 

Mais alors que chez les hommes cette douleur typique est souvent constatée, chez les femmes, d’autres manifestations apparaissent fréquemment en première ligne. Parmi celles-ci : un mal-être général ou une fatigue inhabituelle, des nausées ou vomissements, des vertiges et sueurs froides, parfois des palpitations ou encore une sensation d’indigestion. Une présentation moins «typique», qui retarde la prise en charge. Pourtant, l’infarctus constitue une urgence extrême. Plus le diagnostic et les soins sont retardés, plus les risques de complications et de séquelles sont importants. «La surmortalité chez les femmes est due à plusieurs facteurs, dit la Dre Sarah Hugelshofer, médecin associée au Service de cardiologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Les femmes et le personnel médico-soignant connaissent moins ces symptômes "atypiques", ce qui retarde le diagnostic. De plus, lorsqu’ils surviennent, les femmes –surtout si elles sont jeunes– ne pensent pas à l’infarctus et hésitent à se rendre aux urgences par peur d’être prises pour des "hystériques".»

Des délais de prise en charge tardifs

D’après une étude1, les médecins aussi, face à ces signes spécifiques, penseraient moins fréquemment à un infarctus chez une femme et proposeraient donc moins systématiquement un bilan diagnostic. Ces méconnaissances communes des différences liées au sexe mènent à un retard de consultation et de prise en charge, qui survient en moyenne au bout de 53 heures chez les femmes versus… 15 heures chez les hommes.2 

Les traitements indiqués en urgence en cas d’infarctus sont eux aussi moins souvent proposés, ou plus tardivement, aux femmes. Et là encore, le modèle de base est l’homme. «Pendant longtemps, les études menées pour comprendre la maladie et la recherche de médicaments incluaient majoritairement des hommes, regrette Sarah Hugelshofer. Les choses évoluent mais on a encore insuffisamment de données sur les spécificités de la maladie et les effets des traitements chez la femme.» 

Mieux contrôler le risque

Il est acquis que les hormones féminines, les œstrogènes, jouent un rôle protecteur contre les maladies cardiaques en préservant les vaisseaux. Encore pas entièrement compris, cet effet bénéfique disparaît cependant totalement à la ménopause, où les risques d’incidents cardiaques rattrapent, voire dépassent ceux des hommes. Mais cela ne veut pas dire –loin de là– que le danger n’est pas présent avant la ménopause. Plusieurs facteurs de risque dits «modifiables» sont communs aux deux sexes mais ont, chez les femmes, un impact souvent plus important. 

Le tabac prédispose ainsi fortement à l’infarctus en général, tout comme les cigarettes électroniques contenant de la nicotine, qui ont un effet néfaste sur les vaisseaux coronariens. Chez les fumeuses, avant la ménopause, le risque d’événement cardiovasculaire est 25% plus élevé que chez les fumeurs. «Avant 40 ans, quasiment 100% des femmes qui font un infarctus fument, note la Dre Sarah Hugelshofer, médecin associée au CHUV. La bonne nouvelle, c’est qu’en cessant de fumer jeune, le risque de développer une maladie coronarienne chute drastiquement.» 

Autre facteur de risque important, l’hypertension artérielle. Souvent méconnue chez les femmes, elle est pourtant facilement décelable et traitable. «Comme le diabète gestationnel, une hypertension pendant la grossesse peut prédisposer au développement d’une maladie coronarienne plus tard, ajoute la spécialiste. Les pathologies de la grossesse et les grossesses à risque ont longtemps été négligées, mais devraient être prises en compte dans la mesure du risque individuel.» 

Enfin, la dépression –qui touche majoritairement les femmes– apparaît également comme un facteur de risque de maladie cardiaque.

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1 Pelletier R, Humphries KH, Shimony A, et al. Sex-related differences in access to care among patients with premature acute coronary syndrome. CMAJ. 2014 Apr 15;186(7):497-504.

2 Pagidipati NJ, Peterson ED. Acute coronary syndromes in women and men. Nat Rev Cardiol. 2016 Aug;13(8):471-80.

Paru dans Planète Santé magazine N° 47 – Décembre 2022

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