Quand nos cheveux nous parlent de nos affaires de cœur

Dernière mise à jour 13/05/13 | Article
Quand nos cheveux nous parlent de nos affaires de cœur
L’analyse de nos follicules pileux peut révéler bien de secrets. On utilise déjà les cheveux pour rechercher des traces d’une consommation chronique d’alcool, de substances interdites ou dopantes. Ces mêmes cheveux commencent désormais à nous en dire un peu plus sur le niveau de risque auquel nous exposons (sans le savoir) notre système cardiovasculaire.

On avait appris que l’on pouvait les retrouver dans les fèces, mais elles peuvent aussi être cachées dans les cheveux. Le niveau d’hormones de stress dans certaines parties de notre organisme reflète les perturbations invisibles dont l’organisme peut être le siège et, à terme, la victime. Dans le cas des fèces, il s’agissait d’observations faites chez le macaque et extrapolées aux travailleurs pouvant être des victimes répétées de stress sur leur lieu de travail. Les chercheurs avaient évalué les niveaux des «hormones du stress» à partir des métabolites des glucocorticoïdes dans des échantillons fécaux.

Il s’agit cette fois d’une analyse d’échantillons de mèches de cheveux. Trois centimètres suffisent pour identifier des niveaux d'hormones de stress élevés que l’on sait associés à un risque cardiovasculaire accru. Telle est la conclusion d’une étude menée par des chercheurs de l’Erasmus Medical Center de Rotterdam associés à des chercheurs australiens1. Elle ouvre la voie à un nouvel outil à la fois simple et non invasif permettant la détection et l’évaluation du stress et de ses effets sur le long terme.

Une fenêtre ouverte sur le corps

Il est bien établi que des niveaux répétés de stress élevé (qui peuvent se traduire par des niveaux élevés de cortisol) correspondent à une augmentation du risque de maladie cardiaque et d’accident vasculaire cérébral (AVC). De ce point de vue, ces niveaux fournissent des indications similaires à l’hypertension artérielle, à des anomalies de la répartition des graisses dans le sang ou à certaines caractéristiques anatomiques (obésité abdominale). Des corrélations avec le stress avaient déjà été établies à partir de dosages dans le sang et la salive. Restait à mieux mesurer l’existence d’un stress chronique.

Les cheveux peuvent alors être une parfaite solution. Ils fournissent en effet une sorte de fenêtre ouverte gardant en mémoire certaines évolutions biologiques de l’organisme. Et ce à la différence des analyses biologiques sanguines qui ne fournissent, elles, qu’une mesure instantanée des paramètres analysés. L’analyse des cheveux établit donc, au contraire, les tendances et les évolutions des niveaux de cortisol et ce sur une période de plusieurs mois. «Les cheveux capturent des informations sur l’évolution des niveaux de cortisol au fil du temps et leur analyse nous apporte un nouvel outil d’évaluation», explique le Dr Laura Manenschijn (département de médecine interne de l’Erasmus Medical Center).

Trois centimètres pour trois mois

Les auteurs de ce travail ont mesuré les niveaux de cortisol de 283 personnes volontaires, âgées de 65 à 85 ans. En analysant des échantillons capillaires de trois centimètres de long prélevés à proximité du cuir chevelu, les chercheurs sont parvenus à mesurer avec précision les niveaux de cortisol sur une période de trois mois. Ces mesures ont été faites indépendamment de la connaissance des antécédents des personnes ainsi examinées. Une fois ces renseignements connus, les scientifiques ont pu confirmer que les personnes ayant des niveaux élevés de cortisol étaient bien celles qui avaient été les plus concernées par des antécédents de maladie coronarienne, d’AVC, d’artériopathie ou plus encore de diabète de type 2 (qui est également un facteur de risque).

On observe également que les niveaux de cortisol dans les cheveux étaient nettement moins élevés chez les femmes que chez les hommes (21 vs 26,3 pg/mg cheveux). Faudrait-il en conclure que les femmes sont, en moyenne, nettement moins stressées sur le long terme que les hommes? Les auteurs ne l’affirment pas. Selon eux des études supplémentaires sont nécessaires pour valider et préciser la meilleure interprétation des taux de cortisol considérés comme des éléments permettant d’évaluer le risque de maladies cardio-vasculaires. En cas de confirmation ce type de test pourrait être aisément utilisé pour mieux cibler les stratégies de prévention.

La cardiologie après la médecine légale

L’analyse fine des prélèvements capillaires est une technique aujourd’hui très couramment utilisée en médecine légale et en sciences criminelles. En laboratoire, l’analyse des cheveux permet d’identifier avec certitude la présence d’un ou plusieurs composés et d’en déterminer la quantité avec une grande précision. Il peut s’agir de substances dont la consommation est prohibée par la loi comme de substances allergènes (pneumallergènes) ou toxiques présentes dans notre environnement. Des entreprises commerciales proposent, à des prix souvent élevés, des kits permettant de faire tester à partir de ses cheveux une exposition à des toxiques ou des pesticides, voire une consommation plus ou moins chronique et élevée d’alcool. Et, déjà, des expositions au stress. Une cinquantaine de cheveux dans une enveloppe suffisent. La présence de teintures et autres permanentes doit être prise en compte. En cas d’absence chronique, d’autres poils du corps peuvent être utilisés. Rien, bien évidemment, n’interdit ici de faire analyser des cheveux qui ne sont pas les vôtres. Mais, en retour, aucune garantie médicolégale ne pourra alors être fournie. Restera l’inquiétude. Ou les soupçons.

1. Ses conclusions sont publiées dans le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism. On trouvera ici (en anglais) un résumé de ce travail.

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