Jouer, aussi naturel qu’essentiel

Dernière mise à jour 18/01/18 | Article
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Les enfants y consacrent une grande partie de leur temps. Et c’est tant mieux, puisque le jeu est une activité indispensable à leur santé, à leur développement et à leur intégration sociale.

«On joue au petit chat? Toi tu es le chaton et moi je suis la maman chat.» Comme tous les enfants, Louise, 7 ans, joue et s’invente des mondes, des personnages et des histoires. Les enfants aiment jouer, c’est même leur occupation favorite. Ils jouent seuls, en groupe, en famille, avec ou sans jouet, à la maison, au parc ou à la campagne. Bien que fondamentalement associé à la notion de plaisir, le jeu reste néanmoins, comme le dirait le Petit Prince, «quelque chose de très sérieux».

Le saviez-vous?

Le jeu est un droit fondamental inscrit dans la Charte des Nations Unies depuis 1989. Selon l’article 31: «Les États parties reconnaissent à l’enfant le droit au repos et aux loisirs, de se livrer au jeu et à des activités récréatives propres à son âge et de participer librement à la vie culturelle et artistique.» Aussi: «Les États parties respectent et favorisent le droit de l’enfant de participer pleinement à la vie culturelle et artistique et encouragent l’organisation à son intention de moyens appropriés de loisirs et d’activités récréatives, artistiques et culturelles, dans des conditions d’égalité.»

Charte complète sous:www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CRC.aspx

Mais aussi de fondamental et constructif. Il participe en effet, dès le plus jeune âge, à la construction de l’individu, à son besoin forcené d’exploration du monde. Il est une source de bienfaits, puisqu’il favorise un développement harmonieux tout en intégrant des principes de vie sociale. Du point de vue de la santé, il est une barrière solide contre les méfaits de la sédentarité. Or, l’évolution de nos sociétés est marquée, dès le plus jeune âge, par une diminution vertigineuse de la quantité de mouvements et de temps de jeu des enfants. Les enfants de familles précarisées et vulnérables en sont les premières victimes. Les conséquences sont connues, et fort regrettables: retard du développement psychomoteur, troubles psychologiques, progression de l’obésité. Autre désolation de notre époque, le jeu connaît une forme de détournement capitaliste: on le présente comme une activité commerciale, avec la promotion de jeux informatiques, la création de parcs d’attractions technologiques, la multiplication des écrans, etc.

Les bénéfices du jeu

Le jeu a fait l’objet de nombreux articles scientifiques, essentiellement dans le domaine des sciences humaines et sociales. Psychologues, psychiatres, éducateurs et sociologues relèvent tous l’importance du jeu chez l’enfant. Depuis quelques années, les sociétés médicales traditionnelles s’y intéressent également. Quels sont les bénéfices du jeu? Le jeu favorise un développement cérébral sain et stimule la créativité, l’imagination, la dextérité, et le développement physique, émotionnel et cognitif. Par les interactions qu’il suscite, il permet la découverte d’un monde que l’enfant peut progressivement comprendre, maîtriser et conquérir, en lien avec d’autres enfants et / ou des adultes. Il favorise l’apprentissage du mode de vie en groupe par le partage d’enjeux, la résolution de conflits, les négociations, etc. Aussi, le jeu spontané, hors d’une présence «dirigiste» des adultes, encourage une activité physique intense, indispensable pour contrecarrer les comportements sédentaires et le développement de l’obésité, ceci dès le plus jeune âge. Et, finalement, il permet aux parents, par une observation attentive, mais non intrusive, d’apprécier et de mieux découvrir et admirer les potentiels de leur enfant. Ils voient ainsi le monde à travers les yeux de leurs enfants et non plus seulement à travers leurs référentiels d’adultes.

On l’a dit, dans les faits, le temps consacré au jeu libre est en diminution constante au profit d’activités dites «académiques» telles que la lecture, le calcul, etc. Or, cela entraîne une augmentation importante des comportements sédentaires avec un impact négatif sur le développement, l’habileté, le risque d’accident, le surpoids, ainsi que la santé osseuse et le métabolisme. Il a également été observé que, en comparaison avec les activités créatives et spontanées, plus les jeux sont «réglés», diffusés par des vidéos, des écrans, par des adultes ou des organisations comme des parcs d’attractions, plus se développent chez l’enfant des attitudes de stress, d’angoisse, de mal-être. C’est sans compter que la valorisation des jeux «commerciaux», des écrans et des parcs d’attraction, a aussi des répercussions sur le budget des familles. Les familles précarisées se trouvent d’autant plus lésées par ces tendances.

Trois bouts de bois et deux cailloux

Jeux interdits

Tout n’est pas bon à prendre dans le jeu. Certains sont dangereux pour ceux qui y participent, et pour les plus petits qui pourraient y assister. Refuser de jouer à de tels jeux, signaler leur existence aux adultes et, pour ces derniers, y mettre fin, est une nécessité pour éviter tout accident.

Les jeux d’agression violents comme la mêlée ou le jeu du cercle, ainsi que tout jeu intentionnel dans lequel une victime est désignée puis punie par les autres. Les violences psychologiques sont également à bannir. De même, les jeux de type «catch» avec des prises dangereuses impliquant des strangulations ou des chutes sont à éviter. Souvent, les enfants ignorent que de telles activités sont en réalité des «combats-spectacles».

Les jeux d’asphyxie ou d’évanouissement du type «jeu du foulard» sont extrêmement dangereux. Un enfant sur quatre y a déjà assisté, de près ou de loin, selon une enquête française. Chaque année, y compris en Suisse, des décès surviennent. À éviter, et à ne jamais essayer.

Et pourtant, toutes les recherches mais aussi le bon sens, indiquent que c’est surtout jouer à l’extérieur, dans des espaces les plus naturels possible, qui favorise un développement harmonieux. Un toboggan, même si c’est amusant, est un jeu beaucoup moins riche qu’un tronc d’arbre sur lequel l’enfant monte, saute, s’agrippe, etc. Les enfants sont en effet 25% plus actifs dans une activité de jeu libre en comparaison avec des jeux organisés.

Vous l’aurez compris, qui dit «jeu» dit «activité physique». Celle-ci est indispensable pour développer un appareil locomoteur performant (os, muscles et articulations), un cœur et des poumons sains, une conscience neuromusculaire –la coordination et le contrôle des mouvements diminuent le risque d’accident– et pour garder un poids approprié. L’activité physique a aussi des bienfaits au niveau psychologique puisqu’elle aide les jeunes à surmonter les symptômes anxieux et dépressifs. Elle donne aussi l’occasion de s’exprimer, d’améliorer la confiance en soi et d’avoir des interactions sociales.

Pour toutes ces raisons, les experts sont pour une démocratisation du jeu. Ils prônent des activités libres, accessibles à tous, simples, mais sources de richesse, d’épanouissement et de santé.

Quels jeux à quel âge ?

Stades de développement

Jeux et jouets

Tranche d’âge

Description

Jeux et jouets

Remarques

Nouveau-né (0-2 mois)

Mouvements anarchiques; Réflexes archaïques

Tissu; Mobile; Peluche; Petite musique animée

Mobilise les sens (toucher, odorat, vision, audition…)

Nourrisson (2-12 mois)

Acquisition des premiers gestes coordonnés; Perte progressive des réflexes archaïques

Hochet; «Sophie la Girafe»; Balle, jouet à poignée; Livre en tissu interactif avec miroir

Porte à la bouche; Découverte de la «répétition»

Jeune enfant (1-3 ans)

Acquisition de mouvements variés et motricité de plus en plus fine (marcher, lancer, empiler…)

Chariots à pousser; Anneaux, boîtes, gros «Légo»; Voitures; Crayons, gros puzzles; Jeu «coucou-caché»

Permanence de l’objet

Préscolaire (4-7 ans)

Perfectionnement des différentes formes de mouvement; Acquisition des premiers mouvements coordonnés

Jeux de balle; Tricycle, vélo; Jeux en groupe à l’extérieur

Favorise l’autonomie des enfants, les jeux à plusieurs.

Veiller à la sécurité des activités (casque, route, trafic…). Penser aux jeux «dangereux»

_______

* Adapté de «Le jeu: petite revue de promotion de la santé pour l’enfant et sa famille», Dr Gehri Mario, Revue Médicale Suisse 2017, vol. 13, 1343-8.

Paru dans Planète Santé magazine N° 28 - Décembre 2017

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