Proches aidants: comment préserver sa santé

Dernière mise à jour 11/01/21 | Article
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Trop longtemps ignorés par l’État et le système de soins, les proches aidants font un travail remarquable pour assister des proches dépendants. Cette aide parfois très exigeante peut peser sur la santé. Savoir se préserver est une clé pour assumer ce rôle.

Pratique

Les associations de proches aidants offrent du soutien et de précieux conseils. Elles organisent également des rencontres et des groupes de parole. Le site www.journee-proches-aidants.ch regroupe des informations pour tous les cantons. D’autres structures apportent des aides et des soins à domicile, comme Pro-XY, la Croix rouge et l’ASSASD (association d’aide et soins à domicile).

Les proches aidants sont près de 1,9 million en Suisse. Ils offrent du temps et de l’énergie, sur le plan physique ou psychique, à une personne proche qui est en dépendance, par exemple à cause d’une maladie, d’un handicap ou de la vieillesse. Un travail qui représente quelque 80 millions d’heures par année, soit environ 3,7 milliards de francs: tâches administratives et ménagères, consultations, appels, visites… «La plupart des personnes proches aidantes offrent leur soutien sans réfléchir, la question ne se pose pas, explique Jean Bigoni, psychologue responsable de la consultation psychologique pour les proches aidants du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Souvent, on ne choisit pas d’être une personne proche aidante, on le devient.» S’il y a des similitudes dans chaque situation, chacune est toutefois unique et dépend de l’histoire personnelle du proche aidant, de son identité propre et de sa relation avec la personne aidée.

Un travail gratifiant mais épuisant

Les impacts sur la vie quotidienne des personnes proches aidantes sont multiples. «Sur le plan psychique, il y a souvent une satisfaction à aider et soutenir une personne proche, constate Jean Bigoni. Tout dépend de la relation qui est en amont.» La maladie ou le stress font souvent office d’élément révélateur d’une situation déjà présente, positive ou négative. Si la relation est bonne au départ, le rôle de proche aidant peut se faire avec sérénité. Mais s’il y a des tensions, la maladie peut renforcer les problèmes. D’autres facteurs impactent aussi la vie de la personne proche aidante, comme le revenu, très souvent réduit, et la capacité à supporter le stress. En effet, devoir jongler entre les tâches quotidiennes, la charge de l’aide apportée et le travail est particulièrement éprouvant.

Ce stress occasionné va également se transférer sur le plan physique. Troubles du sommeil, maux de dos, troubles cardiovasculaires ou encore diminution des défenses immunitaires peuvent apparaître. «Les études montrent qu’il y a 30 % de mortalité supplémentaire chez les proches aidants en comparaison avec les personnes n’ayant pas ce statut. Mais les problèmes somatiques sont propres au stress et à la fatigue et non au rôle de proche aidant.»

Connaître ses limites et demander de l’aide

Pour se préserver des effets stressants du rôle de proche aidant, il est crucial de savoir quels sont ses besoins et de tenir compte de ses propres limites. Certaines personnes ont besoin d’être seules, ou au contraire de voir des gens, de faire de la méditation, de prendre part à des groupes de parole… Cela demande donc d’apprendre à se connaître et savoir de qui fait du bien – ce qui est plus facile à dire qu’à faire. Il est important ne pas s’isoler et de demander de l’aide à des connaissances ou à des spécialistes. «La coupure avec l’extérieur n’est jamais bonne, car cela nous empêche de garder de la distance avec la situation, avance le psychologue. Il faut continuer à avoir des contacts pour prendre du recul.» Mais il est parfois compliqué pour les proches aidants de demander de l’aide, car ils peuvent avoir l’impression d’abandonner la personne aidée ou d’avouer une faiblesse. Ils peuvent aussi penser qu’il n’y a pas d’autre choix et que rien ne peut changer. Pourtant, si s’occuper d’une personne proche est une réalité, il faut parfois modifier son point de vue pour réaliser que d’autres possibilités existent, comme changer son approche relationnelle ou faire appel à la relève à domicile.

Il existe également des associations cantonales de proches aidants* qui délivrent des conseils et guident les personnes en difficulté. Pour, surtout, ne pas rester seul (lire encadré).

Vers une reconnaissance de l’État

Une prise de conscience de la part du gouvernement s’est faite sur le travail immense accompli par les personnes proches aidantes. La récente réforme annoncée par le Conseil fédéral promet dès 2021 un congé de 10 jours par an pour les absences professionnelles, une extension des bonifications pour tâches d'assistance dans l'AVS, une adaptation du droit à l'allocation pour impotent et au supplément pour soins intenses, ainsi que l'adaptation des loyers pour les colocations. La deuxième étape, dès juillet 2021, permettra aux parents d'un enfant gravement malade d’avoir 14 semaines de congé par an. «C’est bien, mais insuffisant, remarque Waltraut Lecocq, secrétaire générale de l’association Proches aidants Vaud. Cette réforme est un début, mais ça ne change pas grand-chose sur le terrain. Elle est surtout utile pour des cas spécifiques, mais comme chaque situation est très différente, les personnes ne remplissant pas les conditions sont laissées de côté, notamment celles qui ne travaillent pas. Mais il y a tout de même une meilleure reconnaissance politique aujourd’hui.»

Le travail se poursuit par exemple au niveau de la communication, avec la Journée des proches aidants. Indispensable pour faire connaître ce qui existe aux personnes concernées, comme l’allocation pour impotent, la bonification pour tâches d’assistance, la carte d’urgence et la charte des proches aidants, de même que les formations. Un travail se fait aussi sur la création d’un statut généralisé de personne proche aidante, ce qui permettrait une vraie reconnaissance à tous les niveaux. Un allègement fiscal est également à l’étude. Un travail très long qui ne répond pour l’instant que partiellement aux problèmes rencontrés sur le terrain: «C’est toujours un parcours du combattant, d’un point de vue financier, administratif et dans les relations avec le milieu professionnel. L’État devrait notamment investir dans la formation du personnel de santé afin de le sensibiliser aux personnes proches aidantes.»

Témoignage

«J’apporte avant tout un soutien moral à ma mère»

Grand-mère de trois petits-enfants, Sara* s’occupe de sa mère qui vit seule. Les autres membres de la famille résident à l’étranger. «Je fais le maximum pour lui rendre la vie facile, raconte-t-elle. Mon plus grand travail est un accompagnement psychologique, pour lui remonter le moral.» Elle commence par l’appeler le matin pour prendre de ses nouvelles et savoir quels sont ses besoins. Même si sa mère est autonome sur de nombreux plans, Sara lui rend visite quand elle n’exerce pas d’activité professionnelle afin de s’occuper de la cuisine, des réparations dans la maison, des courses, des visites chez le médecin et des tâches administratives. À part une femme de ménage, personne d’autre n’aide sa mère. Quand Sara l’accompagne pour rendre visite à de la famille ou qu’elle l’héberge pendant les périodes d’opérations et de maladie, elle s’en occupe 24 heures sur 24. Et si elle ne peut pas être présente physiquement, elle reste en pensée avec sa mère et l’appelle toutes les trois à quatre heures. Sa mère peut elle aussi l’appeler de nombreuses fois dans la journée.

Être proche aidante rend les activités personnelles de Sara très compliquées. «Je ne sais pas toujours si je peux me rendre à mes rendez-vous car j’ai la crainte que ma mère ait besoin de moi. Je suis tiraillée de la savoir seule ou souffrante.» Les manières de se préserver sont rares: «À part le jardinage ou recevoir mes petits-enfants, prendre du temps pour moi-même, je ne connais pas. Les rares fois où j’accepte une invitation de mes amis, c’est avec un certain stress.» Elle trouve parfois un peu de répit grâce à certaines amies de sa mère qui prennent le relais pour la voir ou l’appeler et lui tenir compagnie. «J’en suis très reconnaissante, c’est dans ces moments-là que je me sens aidée.» Sara trouve aussi du soutien psychologique et pratique dans l’association de personnes proches aidantes à laquelle elle se rend. Les groupes de parole permettent de rencontrer des personnes qui traversent la même situation et de partager les expériences. «Malgré la difficulté de la situation, je n’apporte pas mon aide par obligation mais par l’amour que je porte à ma mère, le plaisir et le réconfort que je trouve en sa compagnie.»

* Prénom d’emprunt.

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Paru dans le hors-série « Votre santé », La Côte, Novembre 2020.

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