Les hantavirus, des agents infectieux émergents rares mais dangereux

Dernière mise à jour 17/09/12 | Article
Les hantavirus, des agents infectieux émergents rares mais dangereux
Jeudi 13 septembre dernier, les autorités américaines ont décidé d’alerter les 230'000 personnes concernées par une possible infection à l’hantavirus avec lequel ils ont été en contact. Tour d’horizon avec le Pr Louis Loutan, chef du Service de médecine internationale et humanitaire aux Hôpitaux universitaires de Genève.

Durant l’été 2012, dans le parc national de Yosemite en Californie, l’un des sites touristiques les plus courus des Etats-Unis, huit visiteurs ont développé une maladie appelée le syndrome pulmonaire à hantavirus. Trois en sont morts. Un taux de mortalité qui correspond aux habitudes de cette maladie émergente (jusqu’à la moitié des personnes infectées décèdent) dont l’agent infectieux, un hantavirus baptisé Sin Nombre, n’est connu que depuis 1993. Il n’existe contre lui aucun remède, ni préventif ni curatif.

Malgré ce portrait peu engageant, Louis Loutan, chef du Service de médecine internationale et humanitaire aux Hôpitaux universitaires de Genève, tient à rassurer les éventuels voyageurs qui reviennent de ou s’apprêtent à se rendre dans le parc national de Yosemite. «Les cas sont rares, précise-t-il. Moins de 600 infections ont été reportés dans tous les Etats-Unis en vingt ans.»

Les hôtes naturels de ces virus sont des rongeurs, des souris sylvestres (Peromyscus maniculatus) pour être précis. Mais il arrive qu’ils se transmettent à l’homme par contact avec les urines, les déjections et la salive des animaux infectés. Il faut donc croiser la route de ces rongeurs. «Cela signifie que les personnes qui ont simplement traversé ce parc sans camper, par exemple, n’ont rien à craindre», explique le médecin genevois.

Ce sont en effet souvent des provisions non protégées durant la nuit qui attirent ces animaux, provoquant ainsi le contact fatal avec l’être humain. Tous les cas californiens ont pu être associés à deux campements dont l’un dispose de tentes fixes avec un socle en bois. Un paradis pour les petits rongeurs. Ces derniers ont installé leurs nids dans les doubles cloisons de ces habitations dans lesquelles ils ont pu se balader à leur guise, profitant du moindre petit passage pour piller un peu de nourriture et laisser quelques traces contaminées.

On estime que dans la région, entre 15 et 20% des souris sylvestres véhiculent la maladie. Les autorités du parc conseillent aux visiteurs de ne pas toucher de rongeurs, vivants ou morts, de protéger la nourriture, de veiller à ne pas remuer la poussière, de ne pas camper près des habitats naturels des souris (broussailles denses, tas de bois…), d’éviter de dormir à même le sol, etc.

«Ce virus ne se transmet pas entre êtres humains, poursuit Louis Loutan. Cela réduit sérieusement le risque sanitaire.» Depuis sa première description, le syndrome pulmonaire à hantavirus a fait son apparition bien au-delà des frontières des Etats-Unis. A ce jour, il a été diagnostiqué dans au moins 24 autres pays du Nouveau Monde, du Canada à la Terre de Feu. En Amérique latine, il semble être causé par un virus différent mais très proche du Sin Nombre. Au total, des milliers de cas ont été reportés avec un taux de mortalité toujours semblable de 50%.

Le virus Sin Nombre compte également des cousins en Europe et en Asie, ces derniers étant connus des scientifiques depuis quelques décennies de plus. Il s’agit notamment des virus Hantaan et Séoul, qui sévissent surtout en Extrême-Orient (Chine, Corée), et du virus Puumala, qui touche principalement l’Europe du Nord (Scandinavie, Russie) mais aussi les Balkans.

Bien qu’ils appartiennent à la même famille que leurs congénères américains, les virus eurasiens sont moins dangereux. Le taux de mortalité se situe en effet entre 10 et 15%. Par ailleurs, ils ne provoquent pas un syndrome pulmonaire mais une fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR). Cette dernière entraîne entre 150 000 à 200 000 hospitalisations par année, surtout en Asie.

«Cette fièvre hémorragique est très rare en Suisse, voire inexistante, souligne Louis Loutan. Cela vient peut-être simplement du fait qu’elle n’est pas recherchée. Dans les cas légers, les symptômes peuvent facilement se confondre avec ceux d’une grippe ou d’une autre fièvre.»

Il est possible dès lors que le nombre de cas diagnostiqués augmente ces prochaines années si les moyens diagnostiques spécifiques permettent plus facilement de détecter la FHSR. Cette perspective n’est pas exclue puisque l’événement survenu au parc national de Yosemite, très médiatisé, a eu comme résultat d’intéresser un certain nombre de chercheurs à ce thème.

Bien qu’il n’existe aucun remède, il est néanmoins possible, dans le cas d’une infection par un virus eurasien ou américain, d’augmenter ses chances de survie. «Il faut une prise en charge rapide dès les premiers symptômes, estime Louis Loutan. Plus le diagnostic est posé tôt – encore faut-il que le médecin ait la maladie en tête –, plus il est possible d’envoyer rapidement le patient aux soins intensifs pour soutenir, si nécessaire, les fonctions risquant de défaillir.»

Tableau clinique

Les maladies à hantavirus sont des infections virales. Les espèces de virus présentes en Amérique entraînent un syndrome pulmonaire à hantavirus (SPH) alors celles d’Europe et d’Asie provoquent une fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR).

Dans les deux cas, la première réaction du corps à l’infection est une réponse immunitaire au niveau des poumons. S’en suit un endommagement de l’endothélium vasculaire, c’est-à-dire de la couche interne des vaisseaux sanguins, qui entraîne des saignements.

Le temps d’incubation dure entre une et six semaines. Les premiers symptômes sont de type grippal. La maladie commence par une fièvre, des maux de têtes, des frissons, des douleurs musculaires et des nausées.

Dans le cas d’un SPH, la maladie peut dégénérer en provoquer une détresse respiratoire. La caractéristique de la FHSR, elle, est une insuffisance rénale.

Source: OMS

Le saviez-vous?

Un virus sans nom

La souche de l’hantavirus qui a causé trois morts dans le parc national de Yosemite en Californie durant l’été 2012 porte le curieux nom de Sin Nombre, c’est-à-dire «sans nom» en espagnol. Un choix qui traduit la diplomatie dont les virologistes doivent parfois faire preuve.

Ce virus a en effet été identifié pour la première fois en 1993 après qu’il a déclenché une épidémie parmi une population d’Amérindiens Navajos dans l’Etat du Nouveau-Mexique. Par habitude, les chercheurs l’ont d’abord appelé d’après le lieu où l’épidémie a commencé, en l’occurrence Muerto Canyon.

Le problème, c’est que les virologistes, obligés de s’entretenir avec les Navajos pour en savoir plus sur l’ampleur de l’épidémie, se sont heurtés à un mur. Dans la tradition de ce peuple, en effet, on ne mentionne pas la mort. D’ailleurs, pour ne rien arranger, Muerto Canyon est aussi le site historique d’un massacre d’une centaine de leurs ancêtres perpétré en 1805 par les Espagnols. Il fallait manifestement trouver autre chose.

Le deuxième choix s’est tourné vers Four Corner virus, en référence au célèbre point géographique où se rencontrent quatre Etats et qui se trouve dans la région. Les autorités locales, désireuses de promouvoir le tourisme local, s’y sont opposées.

La décision finale est revenue à Clarence Peters, de l’Université du Texas. «Il fallait faire vite, se souvient-il dans un article paru dans la revue New Scientist du 4 septembre 2012. Les enquêteurs avaient de toute urgence besoin d’identifier les patients susceptibles d’avoir été infectés.»

Conservant l’idée de choisir un nom de lieu indiqué sur la carte topographique, les chercheurs sont alors tombés sur un petit ruisseau, situé dans un rayon de 50 km du départ de l’épidémie, baptisé arroyo Sin Nombre. Un nom dont personne ne peut se plaindre.

Quelques dates

1960: Une fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR), qui pourrait avoir été causée par un hantavirus, semble avoir été décrite, comme l’atteste une description dans un livre de médecine chinoise.

Début du XXe siècle: Diverses fièvres hémorragiques (FH) avec des syndromes analogues sont signalées en Europe et en Asie: la fièvre de Sogo en Chine, FH avec syndrome rénal en Union soviétique, FH épidémique au Japon, néphropathie épidémique en Scandinavie, FH de Corée.

1951: Lors de la guerre de Corée, plus de 3200 soldats américains sont atteints d’une maladie hémorragique sévère accompagnée d’une insuffisance rénale. La mortalité s’élève à 10 voire 15%. Cette maladie, connue localement sous le terme de fièvre hémorragique de Corée, est considérée par les médecins occidentaux comme nouvelle.

1976: Le virus est isolé pour la première fois. Les auteurs lui donnent le nom d’Hantaan en référence à une rivière qui coule près du 38e parallèle à travers la péninsule coréenne.

1985: Le virus Puumala, agent de la néphropathie épidémique sévissant en Scandinavie, est isolé. Il s’agit, là-aussi, d’un hantavirus.

1993: Identification au Nouveau-Mexique de l’hantavirus Sin Nombre, responsable d’un syndrome pulmonaire cette fois-ci.

2012: Huit cas d’infection au virus Sin Nombre ont lieu dans le parc national de Yosemite en Californie. Trois personnes en sont mortes.

Source: Encyclopeadia Universalis

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