Mieux armés contre les infections attrapées à l’hôpital

Dernière mise à jour 23/09/15 | Article
Mieux armés contre les infections attrapées à l’hôpital
Aux soins intensifs, après quelques jours, 30% des patients attrapent des infections. Et si, au lieu de tuer les bactéries responsables, on les affaiblissait?

Comment lutter contre les infections ne répondant pas aux traitements antibiotiques, toujours plus fréquentes dans les hôpitaux? En recherchant de nouveaux médicaments capables de tuer les bactéries multirésistantes, bien sûr. Mais cette démarche a ses limites, car le recours aux antibiotiques favorise justement la sélection d’agents pathogènes capables de leur résister. Des chercheurs américains ont choisi d’utiliser des médicaments pour «désarmer les bactéries plutôt que pour les tuer». Le médicament n’élimine donc pas la bactérie, mais empêche l’infection de se développer. La stratégie s’est avérée efficace sur des souris infectées par la bactérie A. baumannii, connue pour résister à un très large éventail d’antibiotiques1. Une nouvelle approche thérapeutique en vue? Analyse du professeur Christian van Delden, responsable du Laboratoire des thérapies antimicrobiennes aux Hôpitaux universitaires Genevois.

Créer une nouvelle classe d’antimicrobiens visant à affaiblir les bactéries plutôt qu’à les éradiquer, est-ce réaliste?

Christian van Delden: Cette approche est prometteuse, et la recherche actuelle va dans le sens de désarmer les bactéries. Dans l’étude américaine, qui est très bien faite, c’est une bactérie qui résiste à tout qui est ciblée: A. baumannii. Elle sévit dans les hôpitaux du sud de l’Europe et de la France, aux Etats-Unis. Pour l’instant nous n’avons en Suisse que des cas isolés, la plupart importés, mais ce n’est qu’une question de temps. Il est donc très important de trouver un moyen de la combattre. Cette étude représente un pas important dans la recherche de nouveaux antimicrobiens, même si elle n’est encore qu’au stade de l’animal.

Comment peut-on «désarmer» une bactérie?

Les bactéries ont de nombreuses armes que l’on peut essayer de bloquer. Dans le cas de A. baumannii, les chercheurs ont agi sur la virulence de la bactérie et sa capacité de déclencher une réponse de défense de l’organisme (réaction inflammatoire). C’est important car souvent c’est une réaction inflammatoire excessive qui tue le patient et non la bactérie elle-même. Mais on peut choisir d’autres cibles pour affaiblir l’attaque des bactéries. A Genève, nous avons réalisé la première étude humaine sur cette nouvelle approche antimicrobienne. Nous nous sommes intéressés à P. aeruginosa, une bactérie multirésistante que l’on trouve dans nos hôpitaux. Nous avons choisi un médicament qui empêche la communication entre les bactéries et les rend donc moins efficaces. L’agent infectieux, qui colonise par exemple les voies respiratoires du patient, ne peut donc plus envahir l’organisme en profondeur et le rendre malade. On évite ainsi l’infection.

Les patients restent porteurs de l’agent infectieux. L’infection peut-elle se déclarer plus tard, à la faveur par exemple d’une autre maladie?

On compte sur le système immunitaire du patient pour contenir, voire éliminer l’agent infectieux Mais si, pour une raison ou une autre, une baisse des défenses se produit, l’infection pourrait effectivement se développer. C’est pourquoi on envisage ce genre de traitement soit comme complémentaire à un autre antibiotique, soit comme préventif.

Et administrer ces nouveaux médicaments de manière préventive?

Aux soins intensifs, on compte qu’au bout de dix jours d’intubation, 30-50% des patients sont colonisés par des germes résistants. Ce pourcentage peut atteindre 90% en Grèce! L’idée fondamentale est donc d’empêcher l’agent infectieux de passer de la colonisation, où le patient n’a pas de symptômes, à l’infection, dont certains vont mourir. Ce que devrait permettre cette nouvelle classe d’antimicrobiens. Car trop souvent, les personnes meurent non pas de la maladie pour laquelle ils ont été hospitalisés mais d’une infection à germes multirésistants.

1. Mbio, 2 octobre 2012.

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Extrait de :

Check-Up. Les réponses à vos questions santé
de Marie-Christine Petit-Pierre
Ed. Planète Santé / Le Temps, 2014