«Sans l’adhésion de la population, on ne gagnera pas face au virus»

Dernière mise à jour 26/05/21 | Questions/Réponses
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Médecin formée en médecine communautaire, santé publique, médecine tropicale et protection de l’enfance, la Dre Aglaé Tardin a succédé en 2020, à 48 ans, à Jacques-André Romand au poste de médecin cantonale de Genève. Rencontre.

           

Nommée en janvier 2020 au poste de médecin cantonale, vous deviez prendre vos fonctions le 1er mai, mais l’actualité sanitaire liée au Covid-19 en a décidé autrement…

Dre Aglaé Tardin: En effet, le 28 février 2020, le téléphone sonnait pour m’annoncer que je venais en renfort dès le 1er mars, soit deux mois avant la date prévue. Le démarrage s’est fait sur les chapeaux de roues. Mon prédécesseur – Jacques-André Romand – a lui-même annulé ses vacances et décalé son départ à la retraite de deux mois. Au plus fort de la première vague, être à deux sur ce poste n’était vraiment pas de trop.

Il n’est en effet pas banal d’endosser de telles fonctions en pleine pandémie, comment avez-vous vécu ces premiers temps?

Je suis arrivée dans un climat d’incertitude et d’urgence qui était en réalité le lot de toutes et tous. Bien sûr, la charge de travail a été immédiatement immense, la nécessité de prendre des décisions, impérieuse. Mais il y a également eu des points positifs, comme le fait de collaborer dès le départ avec tout un réseau que j’aurais sans doute mis plusieurs mois à rencontrer dans son ensemble. Par ailleurs, un lien de confiance a pu s’instaurer tout de suite avec les équipes en place, mais également avec les acteurs de terrain et les instances politiques.

À l’heure où une troisième vague fait trembler de nombreux pays, quel enjeu vous semble prioritaire?

Une certitude demeure: sans l’adhésion de la population, nous ne gagnerons pas face au virus. Malgré l’arrivée de vaccins, nous savons que la crise sanitaire va durer au moins deux ans. Notre mission est d’orienter les stratégies et décider des mesures les plus justes et adéquates possibles en fonction de l’état des connaissances à un instant «t». En effet, il ne s’agit pas de tenir une ligne stricte et rigide, mais bel et bien de nous adapter en permanence pour faire face au mieux à cette épidémie mouvante et infiniment complexe.

Autant de mesures évoluant mais susceptibles également de faire le nid de messages complotistes, émanant de groupes «anti-masques» ou «anti-vaccins»…

Dans une telle situation, ces mouvements sont inévitables. Je peux comprendre les interrogations, les résistances. Mais il y a des chiffres indéniables, comme le nombre d’hospitalisations ou de personnes en réanimation. Et l’interprétation que l’on peut en faire. Quand celle-ci est clairement erronée, la démentir est aisé. Quand elle est déformée, c’est plus compliqué. Nous devons intégrer tout cela, en restant sur notre objectif global de santé publique. Et favoriser le dialogue bidirectionnel avec la population, pour pouvoir répondre aux questions, aux doutes, en temps réel, selon les connaissances à disposition. J’ajouterai que face aux dissensions, il nous faut garder en tête notre point commun à tous: au-delà des mesures de protection mises en place, c’est surtout du virus dont nous avons tous marre... Et ce n’est qu’ensemble que nous pouvons l’affronter.

Comment, dans un tel climat d’urgence, s’assurer de l’avancée des autres dossiers incombant à votre service?

Grâce aux équipes en place qui ont l’expérience et la mobilisation requises. Car même si depuis des mois, nous pensons, dormons, mangeons «Covid», il est certain que d’autres priorités subsistent, comme les actions de prévention et de promotion inhérentes aux axes définis par le plan cantonal, le renouvellement des contrats de prestations avec les partenaires du milieu associatif ou encore la mise en place du tout nouveau secteur «Maladies transmissibles». Pour affronter la crise sanitaire, nous avons procédé à de nombreux engagements, passant de l’équivalent de 40 postes à temps plein à près de 350.

Vous avez exercé la médecine communautaire au Mexique, au Sénégal, dans le milieu associatif, avant de rejoindre le Service de santé de l’enfance et de la jeunesse, puis d’endosser la fonction de médecin cantonale. Quelle force tirez-vous de ce parcours?

Je garde en tête les valeurs auxquelles je crois profondément et qui m’ont guidée jusque-là: l’accès aux soins pour tous, ainsi que les principes d’éthique et d’équité. Quant à la crise qui nous occupe aujourd’hui, elle constitue un défi dont l’ampleur me marquera assurément très longtemps…

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Article repris du site  pulsations.swiss

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