La web thérapie pour soulager le syndrome du côlon irritable?

Dernière mise à jour 24/07/19 | Article
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Une étude britannique menée auprès de 558 patients atteints du syndrome du côlon irritable révèle l’efficacité des thérapies cognitivo-comportementales mais également de programmes de web thérapie. Une piste à suivre?

Douleurs abdominales, ballonnements, épisodes de diarrhée, de constipation ou les deux, et ce des mois durant: le syndrome du côlon irritable est un mal qui touche 15% de la population, des femmes dans 80% des cas. D’un «simple» inconfort à des hospitalisations sur plusieurs jours, ce trouble peut avoir de lourdes incidences sur le quotidien. «Bien qu’il ne comporte pas de danger en soi, le syndrome du côlon irritable engendre des conséquences dramatiques chez certaines personnes», révèle le Pr Jean-Louis Frossard, médecin responsable du Service de gastro-entérologie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Omniprésence de la douleur, transit incertain, digestion désagréable, obsession de devoir disposer de toilettes à tout moment, la vie ne tourne parfois plus qu’autour de ces symptômes, entraînant une réelle détresse.

De là à inclure une prise en charge psychologique? «Absolument. C’est déjà le cas pour certains patients en proie à des douleurs rebelles, relate l’expert. Mais il n’est pas si simple pour une personne souffrant de troubles intestinaux de se voir prescrire un suivi psychologique. Pour beaucoup, la démarche reste stigmatisante. Et pourtant les bienfaits peuvent être réels». Un fait que confirme une étude menée par des chercheurs de l’Université de Southampton et du King's College de Londres et publiée dans le journal Gut*. L’idée: proposer à certains des 558 patients suivis d’ajouter à leur traitement habituel une thérapie par téléphone ou sur le web, sur une période de douze mois. Pour une partie des participants, huit séances téléphoniques avec un thérapeute. Pour les autres, huit modules de thérapie cognitivo-comportementale en ligne complétés par cinq séances par téléphone. L’objectif? Assurer un suivi psychologique et développer les connaissances sur la maladie, le fonctionnement des intestins ou encore les habitudes alimentaires à privilégier pour atténuer les symptômes. Les conclusions des chercheurs sont sans appel: les participants ayant bénéficié de ces soutiens – que ce soit par téléphone ou par le web – ont noté de nettes améliorations, tant sur le plan physique que psychologique.

Mieux comprendre la maladie

«Cette étude est très intéressante et bien réalisée, réagit le Pr Alain Schoepfer, médecin-chef du Service de gastro-entérologie et d'hépatologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Et surtout, elle confirme l’importance d’une prise en charge globale, intégrant l’information et le soutien psychologique.» Mieux comprendre la maladie pour mieux la gérer, un axe clé. «En Suisse, nous avons des progrès à faire sur ce plan, confirme le Pr Frossard. Organiser pour les cas les plus sévères des consultations associant gastro-entérologue, psychologue et diététicien serait bénéfique.» Quant à imaginer des thérapies par téléphone ou sur le web? «Pourquoi pas, estime l’expert. Ces démarches indirectes ont le mérite de faciliter l’accès au plus grand nombre, même si le contact réel entre un patient et un médecin reste l’idéal.»

Qu’en est-il de la prise en charge actuelle? Première étape: le diagnostic, pas toujours simple en l’absence de test spécifique. Le syndrome du côlon irritable reste en effet une pathologie dite «par exclusion», autrement dit annoncée après que divers examens aient exclu toute maladie. Le diagnostic repose ainsi généralement sur l’entretien avec le spécialiste, un examen clinique, une prise de sang et un test dans les selles afin de rechercher les signes d’une inflammation au niveau du tube digestif. Les investigations peuvent si nécessaire se poursuivre par une endoscopie, une imagerie abdominale et des tests fonctionnels, pour rechercher par exemple une intolérance au lactose.

«Une fois le diagnostic confirmé, l’urgence est de rassurer les patients qui bien souvent sont hantés par la peur d’avoir une maladie grave, explique le Pr Schoepfer. Puis la prise en charge se fait sur plusieurs axes. Le premier est la prescription de médicaments pour soulager douleurs, diarrhées ou constipation. Le second porte sur l’alimentation. Il est crucial d’identifier les aliments consommés pouvant exacerber les troubles.» Parmi eux: les aliments «fermenticides», autrement dit à l’origine d’une fermentation dans les intestins, dont font partie nombre de fruits (pommes, abricots, etc.), légumes (brocolis, artichauts, ail, etc.), produits laitiers (lait, crèmes glacées, etc.) ou encore céréales (blé en tête).

Atteinte physiologique réelle

Puis s’ouvre le volet psychologique. Si le stress est intimement lié au syndrome du côlon irritable, en est-il la cause ou la conséquence? Les deux sans doute. «Il existe une atteinte physiologique réelle, anticipe le Pr Frossard. On a par exemple pu démontrer que le seuil de tolérance à la douleur est abaissé chez les patients atteints. Mais le cerveau n’est pas étranger au phénomène puisqu’il semble surréagir à la douleur en activant des zones cérébrales inhabituelles.»

En découle l’un des enjeux clés de la prise en charge: apaiser une relation devenue intempestive entre les intestins et le cerveau. «La communication entre les deux est intense et d’une complexité inouïe, rappelle la Dre Vanessa Fleury, neurologue aux HUG. Doté de quelque 100 à 600 millions de neurones, le tube digestif s’apparente à un deuxième "cerveau", même s’il reste loin des 100 milliards de neurones cérébraux. Par le biais de ce système nerveux, mais également des voies hormonales et immunologiques, une liaison permanente s’établit des intestins au cerveau et du cerveau aux intestins. Dès lors, stress et troubles intestinaux s’auto-entretiennent dans une spirale qui peut devenir infernale.»

D’où le recours parfois nécessaire à des antidépresseurs pour apaiser cette interaction et atténuer une perception exacerbée de la douleur, mais également à l’autohypnose (lire encadré). «Pour rompre le cercle vicieux inhérent au syndrome du côlon irritable, les résultats obtenus avec l’autohypnose peuvent réellement être spectaculaires», révèle le Pr Schoepfer.

Reste que la recherche continue pour mieux comprendre les causes de la pathologie et détecter de nouveaux axes de traitement. Parmi les pistes privilégiées: le microbiote et ses quelque 1,5 kg de bactéries nichées au creux de nos intestins…

* https://gut.bmj.com/content/early/2019/05/03/gutjnl-2018-317805

La carte de l’auto-hypnose

Surtout proposée en cas de syndrome du côlon irritable réfractaire aux traitements médicamenteux, l’auto-hypnose vise à replacer la douleur dans des proportions «vivables». «C’est un peu comme le locataire du troisième étage d’une maison qui serait constamment dérangé par les sons de la chaudière pourtant située au sous-sol et en parfait état de marche, que ce soit parce qu’il a l’oreille trop fine, ou que le bruit est trop intense», explique la Pre Chantal Berna Renella, responsable du Centre de médecine intégrative et complémentaire du CHUV. Alors par un travail notamment basé sur la métaphore, l’autohypnose aide à transformer le sens donné aux symptômes: ce mal de ventre est-il le signe d’une vraie menace? D’un surmenage? Un appel du corps à un changement? Autre enjeu: détourner l’attention et laisser place à des sensations plus douces émanant d’autres parties du corps.» Des démarches accessibles à tous? «Oui, à condition d’être ouvert à s’engager dans cette expérience», estime la spécialiste. Et de poursuivre: «Les personnes chez qui cela fonctionne le mieux sont celles qui n’ont pas d’attentes "magiques", mais qui s’approprient ces techniques et les intègrent à leur quotidien.»

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Paru dans Le Matin Dimanche le 21/07/2019.

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