«Dès qu’on bouge, tout va mieux»
P.S.: L’activité physique est considérée comme l’un des piliers du traitement du surpoids et de l’obésité. Fait-elle pour autant perdre des kilos?
C.G.: Il y a plusieurs manières de répondre. Si l’on observe l’évolution de personnes sédentaires et d’autres qui pratiquent une activité physique, on constate que le premier groupe a tendance à prendre plus de poids avec l’âge que le second. C’est comme si l’activité physique avait un effet protecteur contre la prise de poids. En revanche, si l’on observe une personne en surpoids qui se met à pratiquer une activité physique, c’est plus complexe. D’un seul point de vue comptable, la situation est la suivante: imaginons une personne qui pèse 70 kg, dont 25% (soit 17 kg) sont constitués de graisse. Un kilo de graisse est équivalent à 9000 calories. Si elle se lance dans un marathon, elle va peut-être perdre 250 à 300 grammes de graisse au maximum. Il faudra donc beaucoup d’efforts pour perdre une quantité notable de masse grasse.
La perte est-elle donc aussi infime?
On peut globalement dire qu’il y a une tendance à la perte de poids suite à la pratique d’une activité physique, mais celle-ci n’est pas nette. D’une part parce que lorsque l’on fait du sport, on prend plus d’eau (le volume sanguin augmente), de l’autre parce qu’on a tendance à prendre du muscle. Même si la masse grasse baisse, on ne verra pas forcément de différence notable sur la balance parce que la masse maigre augmente en parallèle.
Alors à quoi bon faire des efforts?
Dans la mesure où on ne peut pas assurer que le poids va baisser, il ne faut pas se braquer sur la balance et le nombre de kilos à perdre, mais sur la silhouette, qui se modifie, et sur le fait qu’on se sent mieux. Dès que l’on bouge, tout va mieux parce que «ce que j’utilise, je le renforce». De nombreuses études montrent que l’activité physique améliore globalement la santé et réduit l’occurrence de certains cancers, maladies cardio-vasculaires et autres troubles corporels. Elle agit non seulement sur le corps mais aussi sur notre humeur et notre capacité à apprendre. Il y a une très grande continuité entre le mental et le corps. Quand l’un va mieux, l’autre aussi. Bouger permet de sortir plus facilement d’une dépression ou peut la prévenir. On se sent plus belle ou plus beau…
Comment convaincre les sédentaires de bouger?
Quelqu’un qui ne veut pas pratiquer d’activité physique ne le fera pas, quelle que soit l’argumentation. Tout ce qui ne fait appel qu’à la seule volonté ne fonctionne pas. A cela s’ajoute que les personnes en surpoids et sédentaires sont doublement culpabilisées: non seulement elles mangent trop mais en plus elles ne bougent pas! La question centrale à se poser touche nos émotions. Elle réside dans le «Que faut-il pour que je bouge un peu plus?». La réponse, c’est qu’il faut sortir de la culpabilité et faire confiance à son corps. C’est quand la personne est dans la contradiction («Je sais que je devrais, mais je ne le fais pas») que le dialogue est possible. Une étincelle de volonté est nécessaire, mais ce qui est central, c’est d’aller chercher en soi ce qui procure du plaisir. Cela signifie éviter d’aller dans les zones de douleurs et ne pas se fixer des objectifs irréalisables. Si le corps n’y trouve pas son compte, il est clair que ce sera un échec et c’est le plus sûr moyen d’arrêter l’activité physique après seulement quelques séances.
A quelle fréquence faut-il bouger?
Il n’y a pas de limite inférieure. Tout mouvement compte. Actuellement encore, on recommande de bouger à un rythme assez soutenu au moins cinq fois 30 minutes par semaine, mais dans de nombreux cas, ces conseils sont irréalistes. On a appris depuis que même cinq minutes de course chaque jour améliorent l’espérance de vie et réduisent l’occurrence des pathologies. Ne restons pas braqués sur une limite à atteindre. Il s’agit de donner de la valeur et une place à ce corps qui sait bouger, se faire du bien et le ressentir. C’est un cercle vertueux. Lorsque les personnes commencent à bouger, elles mangent aussi mieux, les relations avec les autres s’améliorent. La volonté, c’est l’étincelle. L’envie se lève quand l’activité plaît au corps. Il faut sortir des objectifs de performance à atteindre, c’est un rapport entre soi et soi. Pour les personnes handicapées par leur poids, même la marche à petits pas et sur un terrain plat permet de redonner une place au corps et au mouvement. L’idée est d’aller vers des endroits où l’on sait que l’on va trouver du plaisir, de pratiquer par exemple l’activité en groupe parce que la convivialité est partie intégrante d’une vie qui s’infléchit.
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*Cyrille Gindre est l’auteur de Je cours pour ma forme et Courir en harmonie, parus aux éditions Volodalen.
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