Du citron dans le café: la nouvelle tendance pour maigrir fonctionne-t-elle?

Dernière mise à jour 16/02/22 | Article
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Ananas, thé vert, concombre… nombreux sont les aliments vantés pour leurs vertus amincissantes. Certains se trouvent au centre de régimes farfelus. La dernière tendance sur les réseaux sociaux? Le «lemon coffee challenge», comprenez le «défi citron-café». Bonne ou mauvaise idée?

Ces autres challenges tout aussi inquiétants

La toile regorge de conseils saugrenus mais aussi de défis stupides qui font l’apologie de l’extrême minceur. En voici quelques-uns qui doivent absolument vous faire fuir:

  • Le Thigh gap challenge a suscité un fort engouement chez des jeunes femmes du monde entier. Il consiste à creuser le plus possible l’écart entre le haut des cuisses lorsque les jambes sont l’une contre l’autre.
  • Le Cinderella challenge se base sur les mensurations du personnage Cendrillon de Disney pour établir un référentiel de base… bien sûr totalement impossible à atteindre.
  • Le A4 challenge nécessite de faire un selfie avec une simple feuille de papier format A4 placée devant le ventre. Si aucune partie du corps ne dépasse, c’est que vous avez réussi le challenge. Sinon, c’est que vous êtes comme la majeure partie de la population.

3,7 millions. C’est le nombre de fois où le hashtag #lemoncoffeechallenge a été cité sur Tiktok, réseau social très prisé des jeunes, à l’heure où nous écrivons ces lignes. Le principe est simple. C’est à celui ou celle qui perdra le plus de kilos grâce à ce mélange étonnant: une bonne rasade de jus de citron dans un grand bol de café. Le tout consommé à jeun, plusieurs fois par jour, pour un effet «garanti et immédiat». Le problème, vous l’aurez compris, c’est que cette recette miracle… ne fonctionne pas. Pire, elle pourrait être nocive pour la santé. 

Pourquoi ça ne marche pas

Certes, le café possède un léger effet coupe-faim grâce à son effet stimulant, mais celui-ci est très limité. Boire du café (comme n’importe quelle boisson, y compris l’eau) peut aussi tromper l’organisme en remplissant l’estomac de liquide pour provoquer une sensation de satiété, mais uniquement sur un court laps de temps. Quant à l’effet laxatif du café, même s’il est réel chez certaines personnes, «à part accélérer la vidange des selles, n’a aucun effet sur le poids», tempère Maaike Kruseman, diététicienne consultante*. 

L’autre croyance véhiculée par ce régime est que la caféine aurait la capacité d’accélérer l’oxydation des graisses. «En laboratoire, on peut parvenir à cet effet, mais plusieurs études montrent qu’il n’a aucun impact dans la vraie vie, sauf peut-être en cas de consommation de quantités phénoménales de caféine», ajoute la diététicienne. 

Le citron, lui non plus, n’aurait pas le pouvoir brûle-graisses qu’on lui attribue parfois. Il est en revanche riche en vitamine C et en potassium, ce qui en fait un aliment utile dans le cadre d’une alimentation saine. «Le café et le citron n’ont rien de mauvais en soi, mais il n’y a aucun argument en faveur d’une association de ces deux éléments dans un but amincissant. En plus, de mon point de vue, c’est assez dégoutant gustativement!» réagit Maaike Kruseman. 

Attention danger?

Comme pour de nombreux autres aliments, la nocivité potentielle du café tient surtout à la quantité consommée. Or ce type de challenge peut justement amener à des comportements extrêmes. Tout dépend bien sûr de la sensibilité de chacun, mais au-delà de 3 à 5 tasses par jour, le café peut provoquer une agitation, des troubles du sommeil, une augmentation de la fréquence cardiaque et pourrait – bien que cela reste à confirmer – accroître le risque d’infarctus chez des personnes à risque. 

Pour perdre du poids efficacement, inutile donc de se ruer sur le café. L’important est de veiller à une régularité et une variété alimentaires, et d’éviter les aliments à très haute densité énergétique et à très basse densité nutritionnelle, en particulier ceux qui sont ultra-transformés et les boissons sucrées. «Pour les personnes qui ont, malgré cela, du mal à perdre du poids, il faut essayer de diminuer les quantités consommées, qui ne sont peut-être pas adaptées», ajoute Maaike Kruseman. 

Tous les régimes sont-ils pour autant à bannir? «Certains peuvent aider, chez certaines personnes, sur une période courte… admet la diététicienne. Mais pour quelqu’un qui a des troubles du comportement alimentaire ou une relation pas très sereine avec l’alimentation, je conseillerais d’éviter les régimes qui bannissent toute une catégorie d’aliments.» 

Enfin, ce type de «challenge» sur les réseaux sociaux soulève une problématique plus profonde. «L’idée que ça promeut, c’est que maigrir est absolument souhaitable, explique Maaike Kruseman. Ça peut être vrai pour certaines personnes, mais sûrement pas pour toutes.» En généralisant des comportements potentiellement néfastes, ces défis banalisent la perte de poids et participent à l’éloge de la minceur. «En quoi est-ce désirable de chercher à perdre du poids à tout prix? s’interroge la diététicienne. Maigrir est une démarche qui n’est absolument pas anodine et qui ne peut pas relever d’une simple mode.»

Réseaux sociaux et TCA

Le «lemon coffee challenge», comme tout autre «défi» incongru a, au-delà de son inefficacité, un autre effet pervers. Il peut en effet accroître ou réactiver des troubles du comportement alimentaire (TCA) chez des personnes vulnérables. Avec entre 3 et 5 heures** quotidiennes passées sur les écrans, les jeunes sont particulièrement exposés à ces sollicitations pour mincir. Et si les TCA ont des origines multifactorielles, les réseaux sociaux, en favorisant une survalorisation de l’image et une comparaison permanente, peuvent exacerber un trouble préexistant. «En particulier lorsque l’individu n’est pas armé face à cela ou dans une période délicate de sa vie, comme l’adolescence», ajoute Maaike Kruseman, diététicienne consultante. 

Une étude a ainsi montré que les jeunes qui passent le plus de temps sur les réseaux sociaux doublent leur risque d’être concernés par un trouble alimentaire (anorexie, boulimie, etc.).

La solution pour limiter le risque? Garder de la distance vis-à-vis des contenus que l’on consulte et demander conseil auprès d’un ou d’une diététicienne en cas de problème de poids ou de rapport à l’alimentation. «On devrait également apporter aux adolescents une compétence de lecture de ces contenus, voire tenir ces derniers à distance des personnes les plus vulnérables, car ils peuvent s’avérer destructeurs», propose l’experte. 

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* Auteure de Changer de poids, c'est changer de vie, éd. Planète Santé, 2020.

** Source : JAMES stands for Youth, Activities, Media – Swiss Survey, 2020.

Paru dans Le Matin Dimanche le 23/01/2022

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