Mieux manger pour performer ?
Ces vingt dernières années, le domaine de la recherche en nutrition s’est développé et a suscité des avancées intéressantes dans la préparation des athlètes pour les compétitions sportives. Il n’en existe pas moins toujours un grand écart entre la science et la pratique sur le terrain.
Pour le sport, l’alimentation est un paramètre crucial. Elle influence en effet pratiquement tous les processus de notre organisme qui sont impliqués dans la production d’énergie et dans la récupération après un effort physique. Dans ce domaine, les connaissances de la physiologie ont augmenté significativement ces dernières années. Malheureusement, ces données viennent souvent de la recherche fondamentale ; elles sont donc difficiles à appliquer sous forme de recommandations pratiques pour les sportifs qui aspirent à augmenter leur capacité de performance par une amélioration – qualitative et quantitative – de leurs apports nutritionnels.
Ce que l’on connaît bien
Il y a cependant des secteurs où nos connaissances sont établies et irréfutables. Le rôle des glucides (sucres) dans la performance a ainsi bien été exploré : leur importance est indiscutable dans l’optimisation de la performance et dans la vitesse de la récupération après un effort physique. Les dernières avancées scientifiques les concernant ont mis en évidence des moyens d’améliorer la reconstitution des stocks de glycogène musculaire (réserves de sucres dans le muscle) dans lesquels l’organisme puise les glucides utilisés lors de l’effort. Nos certitudes concernent aussi l’hydratation en général et les aspects délétères de la déshydratation, respectivement de l’hyperhydratation.
Une nourriture taillée pour s’entraîner?
D’autres domaines, en revanche, ont suscité moins d’intérêt de la part du monde scientifique. Ainsi la nutrition joue un rôle important dans l’entraînement, servant de catalyseur des processus par lesquels l’exercice régulier stimule l’adaptation des muscles à l’effort. On peut donc imaginer d’allier une intervention nutritionnelle et un type déterminé d’entraînement pour optimiser l’adaptation de notre organisme à la pratique sportive – par exemple pour accroître la masse musculaire ou sa capillarisation (son irrigation sanguine) ou convertir la fibre musculaire de type I (adaptée à l’endurance) vers une fibre musculaire de type II (adaptée aux efforts de sprint). Ce secteur de la recherche reçoit actuellement une grande attention de la part des scientifiques.
L’assiette de Morphée
Le lien entre qualité du sommeil et nutrition constitue un autre terrain de recherche à défricher. Bien dormir est essentiel pour la récupération puisqu’on observe à ces périodes une sécrétion importante d’hormones qui participent à la reconstitution des réserves et à la réparation des tissus. Ces faits sont reconnus par les scientifiques, par les athlètes et par leurs entraîneurs. Très peu de chercheurs ont pourtant étudié les moyens d’améliorer le sommeil par l’alimentation, évitant notamment de le perturber par l’apport de substances qui nuisent à sa qualité. Des projets débutés récemment devraient cependant offrir des applications pratiques effectives dans les années à venir.
Compléments superflus
Comme le prouvent des enquêtes réalisées lors des Jeux olympiques de Sydney en 2000 ou lors de la dernière Coupe du monde de football, les athlètes professionnels sont friands de compléments alimentaires susceptibles d’avoir un effet positif sur la performance. Pour leur part, les sportifs amateurs qui souhaitent se préparer à une compétition d’envergure (marathon, Patrouille des glaciers, trail, etc.) s’adressent souvent au clinicien pour des conseils nutritionnels. Il est donc important de pouvoir trier entre fait et fiction parmi les différents produits que propose l’industrie. D’ailleurs, sur les quelque six cents que l’on recense actuellement sur le marché, seuls dix ont vu confirmer leur effet positif sur la performance.
Plus spécifiquement : les glucides, les protéines et les acides aminés sont les composants essentiels d’un régime alimentaire. Mais en consommer de manière exagérée n’augmente ni l’endurance ni la force. Pour ce qui est des antioxydants, on n’a jamais pu mettre en évidence une amélioration de la performance par leur prise ; bien au contraire, ils pourraient même nuire à la capacité qu’a notre organisme de s’adapter à l’entraînement. La caféine est l’un des rares suppléments pour lequel on a pu démontrer une amélioration de la performance dans certaines activités aérobies (effort prolongé où les muscles travaillent en présence d’oxygène), cependant son utilisation n’est pas anodine et peut avoir des effets défavorables sur le transit intestinal. Il en va de même pour ce qui concerne la créatine, qui permet d’améliorer la capacité anaérobie (effort brusque et important où le muscle travaille sans oxygène) dans des sprints sur vélo par exemple, mais non lors des efforts de la course ou de la natation.
La prise des précurseurs d’androgènes, en particulier l’hormone DHEA, n’a jamais permis d’augmenter les paramètres de puissance ou de force et ses effets indésirables sont potentiellement dangereux. Quant au fer, sa prescription est controversée. La condition d’un athlète anémique avec des réserves de fer très abaissées s’améliorera bien sûr par une supplémentation adéquate. Par contre, il est plus difficile d’évaluer les effets d’un apport de fer chez un sportif sans signe d’anémie dont la carence est inférieure à 30 µg/l (dosage de la ferritine). Ses capacités de récupération pourraient être améliorées, mais cela reste à confirmer.
En résumé
Dans la relation entre nutrition et performance, des paramètres sont connus et maîtrisés comme l’importance de l’hydratation et le rôle des glucides. D’autres, comme l’influence de l’alimentation sur le sommeil ou sur l’entraînement, seront bientôt mieux connus. Pour ce qui est des compléments alimentaires, leur consommation et leur commercialisation constituent une préoccupation de plus en plus importante, tant dans le monde sportif que dans la population générale. Ils ne sont pourtant pas anodins et peuvent même avoir un effet contraire à celui qui est espéré, sans oublier que leurs effets secondaires ne doivent pas être négligés.
Relevons néanmoins que le domaine de la nutrition a connu des progrès remarquables ces dernières années ; les scientifiques ne s’en sont pas moins efforcés d’être, par leurs réponses pratiques et leurs recommandations, utiles aux athlètes et aux sportifs populaires.
Références
Adapté de « Nutrition et sports : de la théorie à la pratique », Revue Médicale Suisse, n°279, janvier 2011, G. Gremion, en collaboration avec l’auteur.
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