Téléphone portable et cancers cérébraux: le risque ne semble plus d’actualité

Dernière mise à jour 06/06/16 | Article
Téléphone portable et cancers cérébraux: le risque ne semble plus d’actualité
Au terme d’une vaste étude, des chercheurs australiens aboutissent à une conclusion rassurante: l’essor de la téléphonie mobile ne s’est pas accompagné d’une augmentation des tumeurs cérébrales.

Quels sont les risques encourus par les centaines de millions de personnes qui communiquent aujourd’hui de manière plus ou moins intensive via leur téléphone portable? La question était régulièrement soulevée par les médias généralistes au début des années 2000. C’est moins le cas aujourd’hui. Est-ce dire que les risques sont moindres que ceux redoutés il y a peu encore? Les travaux de chercheurs australiens le laissent penser. Leurs conclusions viennent d’être publiées dans la revue Cancer Epidemiology1.

Dirigés par le Pr Simon Chapman (School of Public Health, University of Sydney), ces chercheurs ont comparé l'évolution du nombre de cancers cérébraux depuis trente ans, parallèlement au développement de la téléphonie mobile. Plus précisément, leur étude compare l'évolution de l'incidence des cancers cérébraux en Australie depuis 1982 et l'essor de la téléphonie mobile depuis 1987 (année du premier appel passé depuis un portable). Il apparaît ainsi qu’entre 1982 et 2012, près de 34 000 tumeurs cérébrales ont été officiellement diagnostiquées et recensées en Australie (19 858 chez des hommes, 14 222 chez des femmes). Parallèlement, le pourcentage d'Australiens équipés en téléphonie mobile augmentait considérablement: 9% des plus de 20 ans possédaient un mobile en 1993, ils sont plus de 90% aujourd'hui.

Principale conclusion des auteurs: la fréquence des cancers cérébraux est restée plutôt stable, loin de celle qui était parfois redoutée ou pronostiquée. Certains prévoyaient que l'usage du téléphone portable entraînerait une hausse de l'incidence des cancers cérébraux de 50%. Le taux de tumeurs pour 100 000 habitants devrait aujourd'hui être de 11,7 pour les hommes et 7,7 chez les femmes; ils étaient respectivement, en 2012, de 8,7 et 5,8.

Meilleurs diagnostics

La seule augmentation significative observée l'a été chez les plus de 70 ans, mais cette augmentation avait débuté bien avant l'apparition des téléphones portables sur le marché australien. Les chercheurs estiment donc qu’elle peut être due à l'amélioration des procédures diagnostiques: l'apparition dans les années 1980 de techniques d'imagerie capables d’identifier des processus tumoraux dans des cas où, précédemment, on évoquait des accidents vasculaires ou des lésions dégénératives.

«Notre étude suit celles déjà publiées aux États-Unis, en Angleterre, dans les pays nordiques et en Nouvelle-Zélande, où aucune confirmation de l'hypothèse "les téléphones portables causent le cancer" n'a pu être trouvée», résume, sur le site The Conversation2, le Pr Simon Chapman. «Face à ceux qui considèrent que le recul dont nous disposons depuis la naissance de la téléphonie mobile n'est pas suffisant pour voir apparaître des pathologies très longues à émerger, le scientifique australien rétorque que l'évolution vers un pic d'incidence se fait toujours progressivement, explique le quotidien français Le Figaro. Si la plupart des cancers provoqués par un agent cancérogène apparaissent après environ trente ans d'exposition, cela ne signifie pas qu'aucun cas n'apparaîtra plus tôt. Or en trente ans d'utilisation de la téléphonie mobile, aucun début d'augmentation du risque de tumeur cérébrale n'a été observé par les épidémiologistes».

De l’ordre de l’indétectable

Le constat est identique en France, fait valoir Catherine Hill, épidémiologiste du cancer à l'Institut Gustave-Roussy (Villejuif): «L'évolution de l'incidence des tumeurs cérébrales n'a rien à voir avec les téléphones portables, mais seulement avec la qualité du diagnostic! En supposant qu'un sur-risque existe, il sera de l'ordre de l'indétectable. C'est étonnant, les gens continuent à fumer mais ils ont peur de leur téléphone portable…».

Les autorités sanitaires françaises restent quant à elle prudentes: dans une expertise publiée en 2013, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire alimentation, environnement, travail) estimait que «les expositions environnementales de la population générale et leurs variations temporelles devraient être mieux documentées » et émettait quelques recommandations (usage du kit mains libres, exposition modérée des enfants, information du consommateur sur le niveau d'ondes émises, meilleure connaissance des réseaux de téléphonie existants et en développement…).

Pas de lien de cause à effet

En 2014, toujours en France, une étude de chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)3 observait que des patients souffrant de tumeurs cérébrales rapportaient a priori une plus grande utilisation du téléphone portable. Ce travail avait été mené à partir des données d’exposition au téléphone mobile et des données médicales de 1339 personnes âgées de 59 ans en moyenne.

«Nous montrons que l’utilisation massive du téléphone portable, supérieure ou égale à 896 heures d’appels dans une vie, serait associée au développement de tumeurs cérébrales, expliquaient alors les auteurs. Chez ces personnes, le risque d’avoir une association positive entre l’utilisation du téléphone et le développement de tumeurs cérébrales est augmenté pour celles qui téléphonent plus de 15 heures par mois.»

Pour autant, ces mêmes chercheurs expliquaient qu’il s’agissait là que d’une «association» et non d’un «lien de cause à effet». «Cela ne signifie donc pas qu’une personne utilisant massivement son téléphone portable développera une tumeur au cerveau», soulignaient-ils. Le travail australien apporte, ici, un autre éclairage.

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1 Un résumé (en anglais) de la publication de Cancer Epidemiology est disponible ici: «Has the incidence of brain cancer risen in Australia since the introduction of mobile phones 29 years ago?».

2 Le texte (en anglais) du Pr Simon Chapman sur le site The Conversation est disponible ici: «New study: no increase in brain cancer across 29 years of mobile use in Australia».

3 Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici: «Mobile phone use and brain tumours in the CERENAT case-control study».

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