Quand les médecins légistes se penchent sur les stars

Dernière mise à jour 11/06/12 | Article
Alcool et médicaments
Le mystère demeure sur les causes précises de la mort de Whitney Houston. Pourquoi les résultats des autopsies pratiquées sur des personnalités du monde du spectacle ne sont-ils jamais connus (dans le meilleur des cas) que plusieurs semaines ou plusieurs mois après leur mort? Pourquoi tant de mystères? Explications.

Le 11 février 2012 Whitney Houston, 48 ans, était retrouvée morte dans la baignoire de la chambre d’un hôtel de Beverly Hills. Trois semaines après sa disparition, on ne sait toujours pas de quoi est morte la célèbre chanteuse. De nombreuses rumeurs circulent depuis. La «diva pop» était de longue date connue pour sa dépendance marquée aux boissons alcooliques comme aux produits psychotropes illicites. Quand saura-t-on la vérité sur les causes de cette mort prématurée? La connaîtra-t-on un jour? Un scénario fréquent chez les stars.

Michael Jackson (1958-2009), Amy Winehouse (1983-2011), Whitney Houston (1963-2012). Trois parcours différents pour une même fin tragique. Trois morts prématurées survenues dans des circonstances qui demeurent bien mystérieuses. Pourquoi? Ces trois affaires soulèvent la question des limites et des ombres qui peuvent entourer l’autopsie médico-légale. Est-ce dire que ces autopsies imposées par la justice ne parviennent pas à faire la lumière précise sur les causes exactes de la mort? Pourquoi les résultats des autopsies pratiquées sur des personnalités du monde du spectacle ne sont-ils jamais connus (dans le meilleur des cas) que plusieurs semaines ou plusieurs mois après leur mort? Pourquoi tant de mystères?

Deux types d’autopsie

Il faut ici préciser qu’un même terme – celui d’autopsie – désigne deux pratiques bien différentes. Or il faut bien distinguer l’autopsie dite «scientifique» de l’autopsie «médico-légale». Dans les deux cas, il s’agit, étymologiquement, de voir de ses propres yeux. Mais dans le premier cas, des médecins, au lendemain du décès, cherchent de leur propre fait à mieux comprendre les véritables raisons de la mort de celui ou de celle qui fut l’un de leur patient. Dans le second cas, des médecins légistes agissent sur ordre de la justice dans le cadre de morts subites ou violentes et souvent dans des affaires criminelles. Ce sont de ces autopsies dont nous parlent régulièrement les romans policiers, le cinéma et les séries télévisées («Les Experts» ou «NCIS», par exemple). Et ce sont elles qui font du médecin légiste un héros sombre et mystérieux, vivant chaque jour au contact de la mort.

«En Suisse, lors d’une mort suspecte, le Ministère public peut demander une autopsie. Mais aussi – c’est assez fréquent – un simple examen externe, sans ouverture du corps, explique le Pr Patrice Mangin, directeur du Centre universitaire romand de médecine légale. Dans les pays anglo-saxons, la demande d’autopsie médico-légale est plus importante et émane de la police ou du coroner.» Que s’est-il passé dans le cas de Whitney Houston? Dès le lendemain de la découverte de son corps, dans une baignoire emplie d’eau, les légistes californiens ont cherché à savoir s’il était possible d’expliquer la mort par une cause criminelle évidente, par arme à feu ou strangulation par exemple.

Ils ont ensuite, après ouverture et par dissection, cherché l’existence de lésions massives, hémorragiques notamment, dont les conséquences auraient été mortelles: infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral massifs par exemple. Faute de résultats, différents prélèvements de fluides (dans les poumons ou le vagin, par exemple), mais aussi d’organes et de tissus ont été effectués et précieusement conservés. Des échantillons ont ensuite été adressés à différents spécialistes en toxicologie ou en anatomopathologie (analyse fine des cellules et des tissus) afin de mieux comprendre la succession des événements pathologiques ayant conduit à la mort.

Ce sont les résultats de ces examens qui devraient dans plusieurs semaines (ou plusieurs mois) expliquer comment et pourquoi Whitney Houston est morte.

Dans l’attente, le mystère règne

Pourquoi un tel délai? Sans doute pas pour des raisons techniques: les résultats toxicologiques et anatomopathologiques peuvent être obtenus en quelques heures ou quelques jours. «On peut imaginer que les autopsies médico-légales des personnes célèbres nécessitent des investigations complémentaires qui peuvent prendre du temps et justifier un délai supplémentaire avant l’interprétation des résultats et leur communication publique», explique le Pr Mangin. «On peut aussi imaginer que s’ajoutent aussi des raisons plus politiques qui font que la diffusion de l’information est maîtrisée par le juge, voire la police, qui ne souhaitent pas communiquer dans les délais habituels.»

Un silence prolongé qui autorise bien des fantasmes et qui ajoute immanquablement au mystère tragiquement romantique de ces morts prématurées.

Le scanner va-t-il prendre la place du scalpel?

Chaque année on pratique en Suisse entre 2000 et 2200 autopsies médico-légales. «Ces chiffres sont stables Il n’en va pas de même pour les autopsies scientifiques qui sont mises en œuvre en dehors du cadre judiciaire pour mieux comprendre les causes médicales de la mort d’un malade, précise le Pr Patrice Mangin. Le nombre de ces autopsies est aujourd’hui extrêmement bas. Ceci s’explique par des dispositions législatives qui réclament d’obtenir l’autorisation des proches du défunt pour pratiquer de telles interventions.»

Mais l’ouverture des corps ne sera peut-être bientôt plus nécessaire pour découvrir les causes de la mort. De nouvelles techniques d’investigation viennent considérablement aider les médecins légistes dans leur tâche. L’imagerie médicale sophistiquée prend ainsi progressivement de l’importance dans les examens post mortem. La visualisation des vaisseaux (angiographie) après la mort ouvre elle aussi de nouvelles possibilités jusqu’alors impensables.

Aujourd’hui une autopsie dure environ deux heures. Il faut y ajouter le temps de rédaction du rapport ainsi que les échanges nécessaires avec les spécialistes des laboratoires ayant collaboré aux différentes investigations. En Suisse, une autopsie est rémunérée entre 4’000 et 5’000.- CHF plus les frais de toxicologie (entre 1’000 et 2'000.- CHF) et d’imagerie (un CT-scan équivaut à 500.- CHF). Tous ces frais sont facturés au Ministère public demandeur.

Quand la mort est due à l’alcool, aux drogues ou aux médicaments

La mort de Whitney Houston – comme celles d’Amy Winehouse, de Michael Jackson et de nombreuses autres – ont été rapprochées de l’appétence de ces trois personnalités pour la consommation d’alcool, de drogues illicites ou de médicaments. Pour savoir si la mort est ou non due à la consommation de ces produits, les médecins qui pratiquent l’autopsie réalisent des investigations toxicologiques sur différentes «matrices» (sang, urine, contenu gastrique, voire analyse de cheveux). Pour le Pr Mangin, l’examen anatomopathologique (l’analyse fine des cellules et des tissus) doit en outre être systématique. Il permet de contribuer au diagnostic et de déterminer s’il existe un lien de cause à effet entre ces produits et la cause du décès. On conclut à une mort par intoxication dans la mesure où il n’existe pas d’autre cause, et que les analyses toxicologiques plaident sans équivoque en faveur de l’hypothèse de mort violente par intoxication mortelle. Reste à savoir si cette intoxication est volontaire.

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