Isabelle Chevalley: «Beaucoup de gens ont réalisé le bonheur du silence durant cette crise»

Dernière mise à jour 15/11/20 | Questions/Réponses
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Au-delà de son aspect sanitaire et économique, la crise actuelle fait resurgir des questionnements autour de l’impact environnemental sur notre santé. Quelle sera la place de l’écologie dans les politiques de santé de demain? Éléments de réponse avec Isabelle Chevalley, vice-présidente des Vert’libéraux et Conseillère nationale.

Bio express

13 avril 1972  Naît à Aubonne (VD).

2000  Obtient son doctorat de chimie à l’Université de Lausanne.

2003  Fonde et préside le mouvement Écologie libérale.

De 2008 à 2013  Est élue députée au Grand Conseil du Canton de Vaud.

2011  Devient conseillère nationale.

Depuis 2017  Est Vice-présidente du parti Vert’Libéral.

     

La Suisse est l’un des pays où l’on se soigne le mieux. À quoi selon vous doit-elle cette place de leader?

Isabelle Chevalley Personnel bien formé, bons équipements… notre système de santé est excellent quand on le compare au reste du monde. On a pu constater sa performance lors de cette pandémie. Mais on soigne bien parce qu’on est prêt aussi à y mettre le prix. Nous le payons cher. C’est complexe, parce que les gens se plaignent de payer trop, mais ils veulent aussi pouvoir faire un scanner du cerveau dans les 24 heures, être opérés de l’appendicite dans les 48 heures… c’est un peu contradictoire. Il va falloir choisir. Je ne suis pas pour une médecine à deux vitesses où les riches pourront se soigner et les pauvres non.

La question des coûts de la santé est centrale, quels seront les principaux enjeux de demain?

Il y a de nombreuses questions que l’on va devoir se poser, y compris des sujets politiquement incorrects, comme les coûts de la fin de vie. On sait par exemple qu’une grosse partie des coûts de la santé est liée aux trois derniers mois de vie. Il faut que l’on réfléchisse au prix que nous sommes prêts à mettre pour vivre ces quelques mois de plus. Je n’ai pas de position par rapport à ça, c’est un constat et un débat qu’il faut avoir.

La surmédicalisation, c’est aussi un problème: celui du patient-consommateur qui réclame des soins, des médicaments pour tout et pour rien. On veut tout, tout de suite et on n’accepte plus de souffrir. Notre tolérance à la douleur s’est considérablement réduite, malgré le risque que peut entraîner une surconsommation de médicaments sur l’organisme.

Parmi les grands débats nationaux que vous portez, il y a les questions liées à l’environnement. Ce sont plus que jamais des sujets d’actualité…

Oui, en effet. On le sait désormais, la hausse des coûts de la santé est aussi en partie liée à la hausse de la pollution. Il faut que nous arrivions tous à admettre que la pollution – par exemple celle de l’air – est une cause importante de décès. Mais ça ne se voit pas, on ne le dit pas trop, on ne fait rien. Pourtant, cela coûterait bien moins cher d’agir sur les causes plutôt que sur les conséquences.

Au niveau international, vous êtes engagée au sein de la Fondation Nouvelle Planète. Quels sont les enjeux de santé actuels dans les pays d'Afrique de l'Ouest?

Les problématiques sont bien différentes des nôtres. Il y a par exemple énormément de problèmes de diabète, en partie dus à l’alimentation dans certaines régions. Cela engendre des coûts de santé énormes qui ne sont pas absorbés par le système. On est, là, dans une vraie médecine à deux vitesses: soit on a la chance de pouvoir compter sur une famille qui a de l’argent et qui peut payer les soins, soit on meurt.

Pendant le confinement, le monde a marqué une pause, économique, industrielle, mais aussi d’un point de vue d’émissions de CO2, ce qui a fait prendre conscience de notre impact sur la planète. Les choses vont-elles vraiment changer en profondeur ou n’était-ce qu’une parenthèse enchantée?

Je veux plutôt être optimiste. Quand on passe d’un ciel gris de pollution à un ciel bleu, je pense que cela entraîne forcément une prise de conscience qui mènera, à plus ou moins court terme, à des changements durables. En Suisse, beaucoup de gens ont réalisé le bonheur du silence durant cette crise. J’espère que la révision de la loi sur le CO2 – qui doit permettre de réduire d'ici 2030 nos émissions de CO2 de 50 % par rapport à 1990 et de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré – va passer l’écueil du référendum.

Vous, personnellement, comment avez-vous vécu cette période inédite?

Plutôt bien. J’en ai profité pour mettre à jour mes dossiers et pour marcher une heure par jour. Paradoxalement, le Covid m’a plutôt remise en forme!

Malgré vos fonctions, avez-vous encore le temps de vous occuper de votre santé?

Justement, cette crise sanitaire et le confinement m’ont permis de réaliser que je travaillais beaucoup trop. Je me suis dit «plus jamais ça». Je ne veux plus retomber dans un cercle infernal où l’on n’a plus une minute à soi, où l’on risque la crise cardiaque en permanence.

«Le travail c’est la santé» n’est donc pas vraiment une définition qui vous correspond?

Oui et non. Car j’ai besoin de travailler, ça me donne la pêche. Le problème, c’est que trop travailler n’est pas sain non plus. C’est un savant mélange, un équilibre qu’il faut parvenir à trouver.

Votre citation préférée?

« Celui dont la pensée ne voit pas loin, verra les ennuis de près », de Confucius.

Un adjectif qui vous correspond?

Passionnée

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Paru dans le hors-série «Votre santé», La Côte, Novembre 2020.

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