«Ce virus a bouleversé mon année présidentielle»

Dernière mise à jour 09/03/21 | Questions/Réponses
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Gestion de la crise, situation financière des hôpitaux, coûts de la santé… les sujets ne manquent pas en cette période de pandémie mondiale. Rencontre avec Isabelle Moret, parlementaire et présidente de l’association faîtière des hôpitaux suisses H+, qui dresse le bilan de cette année particulière au perchoir du Conseil national.

Bio express

30 décembre 1970: Naissance à Lausanne.

De 1999 à 2006: Députée au Grand Conseil du Canton de Vaud.

Depuis 2006: Conseillère nationale.

De 2008 à 2016: Vice-présidente du Parti Libéral-radical.

Décembre 2019 – décembre 2020: Présidente du Conseil National.

     

Vous avez achevé une année mouvementée en tant que présidente du Conseil national. Qu’en retenez-vous?

Isabelle Moret: J’avais choisi comme thème de mon année présidentielle la prévention, un thème qui résonne de façon particulière en cette période de coronavirus. Ce virus a bouleversé mon année présidentielle. Nous avons dû immédiatement adapter le fonctionnement du Parlement afin qu’il puisse prendre les décisions nécessaires face à la pandémie : par exemple, des séances de commission par visioconférence et un déménagement historique à Bernexpo pour respecter les règles sanitaires.

Vous avez mené à l’été 2020 un tour des cantons les plus touchés par le Covid-19. Quels ont été les enseignements de ces rencontres?

Le but de ce tour des cantons était de remercier, au nom du Parlement fédéral, l’engagement du personnel soignant et non-soignant dans les hôpitaux et les EMS durant la première vague. Prendre le pouls du terrain, écouter les propositions, les demandes, rencontrer les présidents des parlements cantonaux, était très important pour moi. J’ai constaté que nous disposions en Suisse de nombreuses compétences, mais qu’il manquait encore de coordination entre la Confédération et les cantons, et que nous avions un retard considérable en matière de digitalisation dans le domaine de la santé. Lors de la première vague, nous n’avions pas les informations correctes sur le nombre de lits disponibles en soins intensifs. Maintenant, nous avons enfin accès à des chiffres publiés et compilés, mais nous aurions pu être beaucoup mieux préparés.

Comment l’association des hôpitaux suisses H+ s’inscrit-elle dans ces évolutions?

Nous avons un rôle de lien. La directrice d’H+ (Anne-Geneviève Bütikofer, ndlr) fait désormais partie de la cellule de coordination de l’armée. Les canaux de communication informatiques directs de notre association avec les hôpitaux – utilisés déjà hors temps de crise – permettent de transférer plus rapidement des informations utiles.

Pour les hôpitaux, la perte financière liée à la crise pourrait se chiffrer à plusieurs milliards de francs. Quelles pistes de travail sont à l’étude pour la combler?

Concrètement, la problématique est la suivante: le personnel hospitalier est surchargé, nous avons besoin de plus de financement, notamment pour engager des soignants. C’est une cause commune défendue par l’association H+ et les syndicats du personnel: si on ne comble pas les pertes financières au sein des hôpitaux suite à la première vague, ce sera une pression supplémentaire sur ceux qui se sont dévoués pour nous sauver durant ces différentes périodes de l’épidémie. Personnellement, je plaide pour une base légale fédérale prévoyant un financement extraordinaire pour cette pandémie. N’oublions pas que les lits réservés «Covid» dans les hôpitaux sont soumis au système de financement normal, soit le forfait par cas, payé par les cantons et les assureurs. Ce système se base sur les coûts moyens existants deux ans auparavant. Le surcoût lié à la pandémie ne se verra donc que dans deux ans, c’est trop tard.

Face à la baisse d’activité moyenne des cabinets médicaux, la SMSR demande une baisse d’au moins 4 % des primes d’assurance-maladie pour 2021. Peut-elle être envisagée?

Les assureurs ont toujours justifié l’existence de réserves élevées en expliquant qu’elles seraient nécessaires «en cas de pandémie». Voilà, on y est. Les hôpitaux ont dû cesser l’activité élective pendant 7 semaines ce printemps et réserver tous leurs lits et leur personnel pour des patients Covid qui ne sont parfois jamais venus. De plus, la rémunération des hôpitaux pour ces patients ne couvre pas les coûts réels. Pourquoi les assureurs maladie refusent-ils maintenant de participer au financement? Il y a là une logique qui échappe à beaucoup de parlementaires.

Quels sont les autres grands enjeux de demain, en matière de santé?

Mon année présidentielle et cette crise Covid ont conforté mon engagement en matière de prévention santé. En Suisse, nous n’avons pas de loi fédérale sur ce sujet. On estime que c’est du ressort cantonal et communal. Une petite partie de nos primes sont destinées à la prévention, nous avons une Fondation de promotion de la santé, mais nous n’avons pas de vision d’ensemble. Cela me semble essentiel que l’on parvienne à se coordonner en matière de prévention. Il est par exemple difficile aujourd’hui d’avoir les bonnes informations, même pour quelqu’un de responsable qui veut prendre en main sa santé.

L’autre grand enjeu est la digitalisation. Le dossier électronique du patient ne fonctionne pas encore à satisfaction. Le patient devrait pouvoir transmettre plus facilement ses données essentielles, ce qui permettrait d’accroître la qualité et la sécurité.

La Suisse est l’un des pays où l’on vit le mieux, où l’on se soigne le mieux. À quoi est due cette place de leader en matière de soins?

Nous sommes en effet le pays où l’on vit le plus longtemps, juste après le Japon, parce que nous possédons un excellent système de santé. Nous avons une médecine de premier recours avec des généralistes extrêmement bien formés et des hôpitaux d’une excellente qualité. On l’a vu avec ces vagues Covid: la situation était très difficile, mais nous n’avons jamais eu besoin de trier les patients. Mais la santé a un coût très élevé dans notre pays et nous pouvons encore améliorer son rapport qualité/prix, notamment par la digitalisation.

Malgré vos fonctions, avez-vous encore le temps de vous occuper de votre santé?

J’essaye par mes actes d’être en accord avec mes convictions en matière de promotion de la santé. Et finalement, on se rend compte qu’avec peu de chose, on peut améliorer sa santé. Par exemple, en marchant plus. À ce titre, j’aimerais citer Château-d’Oex, première commune vaudoise labélisée «Commune en santé», qui a installé des bancs tous les 500 mètres. Cela incite les personnes âgées à marcher, car elles sont rassurées de pouvoir s’arrêter facilement si nécessaire. Ces petites modifications du mobilier urbain peuvent améliorer la vie des citoyens.

Diriez-vous que le travail, c’est la santé?

Oui, je pense. Regardez autour de nous: chez les jeunes qui ne peuvent plus se rendre au travail, en apprentissage ou à l’université, on constate une augmentation du mal-être ou des dépressions, car ils sont privés du côté social de leur activité. L’être humain est un animal social. Je suis favorable au télétravail mais les liens sociaux que le travail permet sont primordiaux et bénéfiques pour la santé.

Quels seront vos engagements en 2021?

Dans ce contexte pandémique, avec le risque de nouvelles vagues, je m’engage fortement comme présidente de l’association des hôpitaux suisses H+. Un des enjeux sera d’obtenir des ressources de personnel supplémentaire –service civil ou soldats sanitaires– dans les EMS pour soulager les hôpitaux, afin que ces derniers puissent continuer à soigner aussi les patients non-Covid.

L’appel d’Isabelle Moret aux citoyens

Respecter les gestes barrière: se laver les mains régulièrement, respecter la distance d’1,50 m entre les personnes et aérer les intérieurs. «Un bon verre de chasselas reste un bon verre de chasselas même à 1,50 mètre!»

Continuer à consulter: «Le Covid n’est pas la seule maladie grave. Tous les patients qui souffrent d’autres pathologies doivent continuer à être soignés.»

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 Paru dans Planète Santé magazine N° 40 – Mars 2021

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