Des médicaments nés sur ordinateur

Dernière mise à jour 11/06/12 | Article
Ecran d'ordinateur et éprouvette
La technologie informatique permet d’identifier de nouvelles molécules. Une accélération de la recherche médicale qui offre une arme de plus dans la lutte contre le cancer.
CHUV

Un article CHUV Magazine

Sur l’écran, des formes colorées de rouge et de bleu s’animent. Elles représentent une nouvelle molécule découverte par l’équipe du Prof. Olivier Michielin. Elle deviendra peut-être un médicament candidat contre le mélanome, le cancer de la peau le plus agressif. Oncologue au CHUV, le chercheur de l’Université de Lausanne est un spécialiste de la simulation informatique des molécules, une méthode en plein essor à même d’identifier rapidement de nouveaux médicaments prometteurs.

L’équipe du Prof. Olivier Michielin a découvert une molécule capable de contrecarrer un moyen utilisé par certaines cellules cancéreuses pour échapper au système immunitaire: les tumeurs produisent un enzyme nocif qui affaiblit les capacités de défense des globules blancs. «Il détruit un acide aminé essentiel aux globules blancs, explique le médecin. Pour empêcher l’action de cet enzyme,il faut trouver une molécule qui puisse se fixer sur lui. Nos simulations sur ordinateur nous ont permis d’identifier des nouvelles entités qui épousent parfaitement la forme de l’agent nocif et peuvent ainsi le neutraliser.» Les premiers composés chimiques ont été testés avec succès sur des souris.

In vivo, in vitro, in silico

Cette nouvelle chimie informatique complète les approches «in vivo», qui consistent à tester des composés sur des êtres vivants, et «in vitro», où des cultures cellulaires sont étudiées dans des éprouvettes. Surnommée «in silico» en référence au silicium contenu dans les puces informatiques, cette approche exige de rassembler médecins, informaticiens, chimistes et physiciens. Le Prof. Olivier Michielin a d’ailleurs suivi une double formation de médecin a` l’UNIL et de physicien à l’EPFL. De nombreux mécanismes biologiques passent par l’emboîtement de deux molécules et la conception informatique de médicaments revient souvent à trouver une «clé» correspondant le mieux possible à une «serrure».

Mais découvrir de nouvelles molécules n’est pas une tâche aisée – le nombre de combinaisons est virtuellement infini. L’équipe lausannoise utilise les ordinateurs de Vital-IT, une infrastructure informatique consacrée aux sciences de la vie mise sur pied par les Universités de Lausanne et de Genève et par l’EPFL. Les chercheurs vont également pouvoir utiliser le super-ordinateur IBM Blue Gene de la plateforme lémanique Cadmos, un monstre de puissance capable d’effectuer 56'000 milliards d’opérations par seconde (soit 10’000 fois plus qu’un ordinateur de bureau standard). L’avantage de la simulation numérique est de pouvoir découvrir très rapidement de nouveaux composés sans passer par d’innombrables essais chimiques, souligne le chercheur: «Il est important de disposer de plusieurs familles de molécules avant de passer aux essais cliniques sur les humains, car il arrive que des composés chimiques soient mal absorbés par l’organisme ou s’avèrent toxiques.»

Prof. Olivier Michielin

Améliorer les protéines

Un second projet du Prof. Olivier Michielin vise à aider les globules blancs à reconnaître les cellules cancéreuses et surtout à mieux s’y fixer, car c’est ainsi qu’ils peuvent les détruire. «Nous sommes partis de la protéine naturellement présente sur les globules blancs, poursuit le chercheur. L’efficacité de ce récepteur n’est pas optimale, car il ne colle pas parfaitement aux marqueurs situés à la surface des cellules tumorales. Nous l’avons donc amélioré sur ordinateur et trouvé la forme qui correspond le mieux au marqueur.»

Un traitement consisterait à faire fabriquer cette protéine améliorée par les globules blancs. L’idée est d’insérer le bout d’ADN codant le récepteur dans des globules blancs extraits du patient et cultivés in vitro. Une fois multipliés, ces derniers sont réinjectés dans le corps afin de lutter contre la maladie, une approche inspirée de la thérapie génique (voir encadré).

Mais si ces approches ont déjà démontré leur efficacité en labo, le prof. Olivier Michielin rappelle une dure réalité de la recherche biomédicale: «Nous sommes capables de guérir pratiquement tous les cancers, mais seulement sur des cultures cellulaires ou des souris.» Pour le chercheur, l’ordinateur n’est qu’un outil: son objectif est de soigner les patients. Plus de 50% de son activité est d’ailleurs dédiée à la prise en charge des patients en oncologie: «Traiter des patients m’aide à voir directement l’efficacité des nouveaux traitements, mais cela me confronte également aux situations où les options thérapeutiques sont insuffisantes. C’est une grande source de motivation pour faire avancer nos projets au laboratoire.»

La thérapie génique s’attaque à la maladie de Huntington

La chorée de Huntington est une maladie rare qui se manifeste par des mouvements incontrôlés et des changements de personnalité et qui conduit inexorablement à la mort une quinzaine d’années après l’apparition des symptômes.

La nouvelle professeure associée de l’UNIL et cheffe du Laboratoire de neuro-thérapies cellulaires et moléculaires du Département des neurosciences cliniques du CHUV, Nicole Deglon, est sur une piste pour trouver un traitement.

«Nous savons que la maladie est causée par la mutation d’un gène spécifique. Il fabrique des protéines anormales qui occasionnent la mort de cellules nerveuses situées dans le striatum, une zone du cerveau responsable du contrôle des mouvements. Notre idée consiste à utiliser un virus désactivé pour insérer dans les cellules malades un segment de code génétique capables de bloquer la fabrication des protéines anormales.» Cette approche entièrement nouvelle de la thérapie génique est basée sur les «ARN interférents», dont la découverte fut récompensée en 2006 par un Prix Nobel de médecine.

Article original: http://www.chuv.ch/chuv-enbref-chuvmag-medicaments.pdf

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