Consommation excessive et dépendance à l’alcool

Dernière mise à jour 19/12/19 | Maladie

La consommation excessive d’alcool, ainsi que la dépendance, représentent une cause importante de nombreuses maladies physiques ou mentales, ainsi que de dégâts familiaux et sociaux considérables (violences, séparations, perte d’emploi, accidents, etc.). Elles sont synonymes de 6,8 % de décès chez les hommes et 2,2% chez les femmes. Il s’agit du premier facteur de risque de décès chez les 19-45 ans.

Boire un verre est une pratique culturelle courante dans notre société. Très souvent banalisée, la consommation d’alcool peut toutefois comporter des risques pour la santé du buveur et pour son entourage. En Suisse, un peu moins de 25% de la population a une consommation jugée à risque, tandis que 5% de la population présente une dépendance au produit. Or, ces comportements sont associés à plusieurs maladies et à une mortalité importante, les conséquences de l’alcool pouvant être ravageuses. La société entière en assume, elle aussi, les conséquences, puisque les coûts liés à l’alcool sont estimés en moyenne à 5 milliards de francs par an.

Brève description

Boire de l’alcool ne présente aucun avantage pour la santé. Les prétendus bénéfices cardiovasculaires d’une faible consommation d’alcool sont minimes en comparaison des bienfaits d’une alimentation équilibrée, de la pratique d’une activité physique et de l’arrêt du tabac. Ils sont par ailleurs largement contrebalancés par les risques pour la santé (cancers, maladies du foie, dépression, etc.). Des risques qui augmentent avec les doses ingérées et la fréquence de consommation (lire plus loin).

La consommation problématique d’alcool est un continuum qui va d’une consommation à risque (ou excessive) jusqu’à la dépendance, qui en est la forme la plus grave. Elle est associée à plusieurs maladies et à une mortalité importante. L’alcool est un produit fortement pernicieux du fait de sa banalisation et de la dépendance qui peut s’installer de manière progressive, parfois sur de longues années. Il l’est aussi en relation avec diverses maladies (hépatites, pancréatites, troubles vasculaires, etc.) qui se développent en cas de consommation à long terme, sans parler de ses autres conséquences (psychosociales, familiales, conduites à risque, violence, etc.). Voici plusieurs cas de figure:

1) La consommation à risque ou excessive

La consommation est jugée problématique ou à risque pour la santé du buveur et pour les autres:

  • En cas d’ivresse ou d’excès, même ponctuel: plus de quatre verres (ou unités) d’alcool pour les femmes et plus de cinq pour les hommes par jour.
  • En cas de consommation d’alcool dans des situations inappropriées, par exemple au travail, sur la route, pendant la grossesse ou lors de la prise simultanée de médicaments pourtant incompatibles avec le produit.
  • En cas de consommation chronique à risque: plus d'un verre par jour pour les femmes et plus de deux verres pour les hommes. Soit, cinq verres au maximum par semaine pour les femmes et dix au maximum pour les hommes, sur cinq jours au maximum.

Notons qu’en plus des quantités ingérées, les conditions de consommation (seul ou avec d’autres personnes, moment de la journée, motivations – par exemple pour se donner de l’énergie, pour se calmer, se réconforter, etc.) jouent un rôle et doivent être prises en compte.

2) La dépendance

Le diagnostic de dépendance à l’alcool est pose lorsque la personne présente au moins trois des six critères listés ci-dessous durant au minimum un mois au cours de la dernière année:

  • Une envie forte de consommer.
  • Une perte de contrôle sur la consommation, celle-ci devenant plus fréquente ou en quantités plus importantes que souhaité.
  • Une tolérance au produit qui entraîne une augmentation des doses ingérées. Autrement dit, il faut boire davantage d’alcool pour obtenir les effets qu’il procurait au départ.
  • Un syndrome de sevrage (physique ou psychique) suite à l’arrêt de la consommation, soit une sensation de manque. Lorsque la personne cesse de boire, elle n’est pas comme d’habitude, mais devient irritable, plus anxieuse, plus déprimée, etc.
  • Une diminution ou un abandon des autres activités au profit de la consommation ou de la récupération.
  • Une poursuite de la consommation en dépit de ses conséquences négatives.

Symptômes

Les effets négatifs de l’alcool sont nombreux et augmentent avec les doses ingérées. Sa consommation entraîne une baisse de la capacité de discernement et une tendance à se surestimer. Avec une alcoolémie de 0,3 à 0,5 gramme pour mille seulement, l’acuité visuelle et auditive diminue, l’attention se relâche, le temps de réaction s’allonge, l’esprit critique et la capacité de jugement s’altèrent et les prises de risque sont favorisées. Des 0,5 g pour mille, surviennent des troubles de la vision nocturne, de l’équilibre, une désinhibition et une surestimation de ses capacités. Des 0,8 g pour mille, une altération de la vision spatiale et une limitation de la vision latérale surviennent.

Au-delà, des troubles du langage, de l’orientation, et une confusion peuvent apparaître, ainsi qu'un relâchement musculaire, des troubles de la mémoire et de la conscience, et des vomissements. Dès 3 g pour mille, la température corporelle baisse et la respiration ralentit, on perd ses réflexes, une miction involontaire peut survenir, ainsi qu'un risque de coma, d’arrêt respiratoire et de décès.

Symptômes d’une consommation problématique ou excessive (consommation plus fréquente et en quantité plus importante que les limites de consommation à faible risque):

  • Fatigue, troubles du sommeil.
  • Irritabilité et diminution du bien-être social, professionnel et familial.
  • Douleurs abdominales (brûlures d’estomac et acidité).
  • Hypertension artérielle.
  • Maux de tête.
  • Vertiges et troubles de l’équilibre.
  • Troubles de la mémoire.
  • Malnutrition et manque de vitamine B1.
  • Surpoids.

Symptômes de dépendance:

  • Ivresse pathologique.
  • Logorrhée (flot de paroles).
  • Rougeurs (érythème facial), tuméfaction du visage, hypertrophie des glandes salivaires.
  • Tremblements (mains, bras).
  • Transpiration excessive.
  • Tachycardie (battements rapides du cœur).
  • Hypertension artérielle.
  • Troubles de l’équilibre et chutes.
  • Trous de mémoire et black-out (amnésie partielle ou totale des événements).
  • Mauvaise dentition et changement de l’haleine.
  • Augmentation du volume du foie.
  • Violence.
  • À l’arrêt de la consommation: transpiration, tremblements, nausées, vomissements, maux de tête, irritabilité, nervosité, insomnie. À noter que le sevrage d’alcool représente une urgence médicale (risque d’épilepsie, de délires avec hyperthermie) en raison d’un risque mortel. Dans ce cas, il faut consulter sans délai (centre de soins, médecin à domicile, urgences).

Facteurs de risque

  • La banalisation et la promotion de l’alcool dans la société.
  • Une tendance familiale et génétique à la dépendance à l’alcool (50% des cas).
  • L’anxiété, la dépression et d’autres troubles psychiques.
  • Les problèmes personnels, les difficultés psychosociales et la précarité.
  • L’exposition sociale, familiale et professionnelle (restauration par exemple) à l’alcool.
  • Le tabagisme.
  • La consommation d’autres substances (cannabis, drogues, etc.) et les autres dépendances (y compris sans substances, jeu par exemple).

Personnes à risque

  • Les adolescents ont un risque augmenté d’avoir plus tard une consommation problématique. Selon les recommandations européennes, boire de l’alcool avant 16-18 ans est à éviter.
  • Les femmes enceintes ou envisageant une grossesse.
  • Les personnes âgées, qui ont une vulnérabilité augmentée liée au vieillissement, aux comorbidités et aux éventuels traitements médicamenteux. Ainsi, des limites inférieures s’appliquent, soit au plus un verre d’alcool par jour et, au plus, cinq jours par semaine.
  • Les personnes malades ou convalescentes et celles prenant des médicaments.
  • Les personnes présentant d’autres dépendances (tabac, benzodiazépines, opiacés, jeux d’argent et de hasard, drogues, etc.).

Traitements

La nature de la prise en charge dépend de l’intensité du problème face à l’alcool. Un suivi régulier dans un climat de confiance avec le médecin ou d’autres professionnels est primordial. A cet égard, il est essentiel que le sujet de l’alcool soit abordé sans jugement, de façon bienveillante, dans une approche centrée sur le/la consommateur/trice.

La prise en charge s’articule autour d’un accompagnement motivationnel pour augmenter la propension au changement et aider la personne à définir, puis suivre, ses objectifs, dans un espoir de rétablissement. Le suivi peut se faire chez le médecin traitant, dans un centre de soins spécialisé avec un spécialiste en alcoologie, en ambulatoire ou dans le cadre d’une hospitalisation.

Chez les personnes présentant une consommation excessive (ou une dépendance légère et récente), l’objectif du traitement sera de ramener la consommation à un niveau de risque bas. Le médecin informe son patient à la fois des méfaits de l’alcool et des avantages pour la santé d’une réduction de consommation ainsi que des possibilités d’aide (programmes de contrôle de la consommation tels qu’Alcochoix+, MyDrinkControl, groupes d’entraide, etc.). Que ce soit au cœur d’un programme structuré ou de consultations, le patient apprend à mieux connaître sa consommation (auto-observation), à repérer les situations à risque et à rechercher des stratégies nouvelles pour atteindre ses objectifs.

Pour celles et ceux qui souffrent d’une dépendance, l’objectif est double : limiter les conséquences néfastes de l’alcool en modifiant la consommation et, si possible, atteindre l’abstinence. À savoir que plus la dépendance est forte, plus l’abstinence s’avère nécessaire. Une aide médicamenteuse pour la réduction de la consommation (consommation contrôlée) ou son arrêt (abstinence) peuvent s’ajouter à la prise en charge. Différents traitements pour aider à sortir de l’addiction peuvent en effet être prescrits en fonction de la situation du patient. À noter qu’un suivi de deux ans au moins est recommandé. Il existe des lieux de consultation spécialisés dans chaque canton, mais un suivi chez le médecin traitant est aussi possible.

Selon l’état de santé du patient, des suppléments alimentaires (vitamine B1 ou autres nutriments) pourront être prescrits. Un accompagnement psychiatrique est parfois nécessaire. En effet, plus de la moitié des patients avec une dépendance à l’alcool présentent aussi des troubles psychiatriques (dépression, anxiété, troubles de la personnalité, risque suicidaire, etc.). Enfin, les éventuelles autres dépendances (tabac, cannabis, benzodiazépines, cocaïne, sexe, jeu, etc.) doivent aussi être prises en charge.

Le sevrage

Inscrit dans un but d’abstinence ou de consommation contrôlée à terme, le sevrage peut se faire à l’hôpital ou en ambulatoire. Il implique un suivi régulier durant deux à trois jours. S’il n’est pas effectue sous surveillance médicale, l’arrêt brutal de la prise d’alcool peut conduire au décès. Le traitement consiste en une vitaminothérapie durant trois semaines et à traiter les symptômes de sevrage (agitation psychomotrice, anxiété, insomnie, sudations, etc.).

Evolution et complications possibles

L’excès de boisson alcoolique peut entraîner à long terme d’innombrables complications si le problème n’est pas pris en charge:

  • Des maladies du foie (hépatite alcoolique, cirrhose, etc.), du pancréas (pancréatite, inflammation, etc.), de l’appareil digestif (colon, estomac, etc.).
  • Cancers (sphère ORL, foie, pancréas, œsophage, estomac, sein, etc.).
  • Une hypertension artérielle.
  • Des maladies cardiovasculaires.
  • Des troubles psychiques (dépression, anxiété, risque de suicide).
  • Des troubles du sommeil.
  • Chutes et blessures.
  • Des conduites à risque (accidents de la route, de sport, comportements sexuels à risque).
  • De la violence.
  • Une atteinte nerveuse périphérique et/ou centrale (neurotoxicité), avec des troubles de l’équilibre et une diminution des fonctions cognitives (p. ex. troubles de la mémoire et démence).
  • Un syndrome d’alcoolisation fœtale chez la femme enceinte.
  • Un risque augmente d’infections.
  • Etc.

Toute personne qui prend conscience qu’elle consomme trop d’alcool peut se soigner et aller mieux. La durée de la prise en charge peut varier d’une unique consultation à plusieurs années de traitement.

Le traitement peut être ambulatoire (consultations) ou hospitalier (séjour dans un hôpital ou un établissement spécialisé). L’essentiel est d’oser en parler et chercher de l’aide si nécessaire, auprès de son médecin traitant ou d’une institution spécialisée.

Prévention

Prévention primaire

On ne devient pas dépendant à l’alcool du jour au lendemain. Le passage d’une consommation à faible risque à une consommation problématique, voire à une dépendance, est le résultat d’un processus sournois qui s’étend parfois sur plusieurs années.

Gardez à l’esprit les avantages d’une consommation nulle ou modérée d’alcool:

  • Un sommeil de meilleure qualité.
  • Une plus grande énergie (aussi musculaire).
  • Un meilleur moral.
  • Une diminution des risques cardiovasculaires et de cancers, notamment.

Prévention secondaire

En cas d’arrêt de la consommation (pour les personnes dépendantes), les trois premiers mois sont les plus critiques et nécessitent donc un accompagnement. Grâce à des techniques cognitivo-comportementales, le patient apprend à repérer les situations à risque et à développer des stratégies d’adaptation pour éviter de consommer. Les traitements pharmacologiques permettent si besoin de prévenir le risque de rechute en participant au maintien de l’abstinence.

Pour le patient, il s’agit aussi de trouver un équilibre nouveau dans une vie sans alcool, tant au niveau physique que psychique et social. Des approches telles que la sophrologie, la relaxation, la méditation ou les activités de la Croix bleue (www.croix-bleue.ch) peuvent l’y aider. De même qu’un travail en réseau, incluant proches, médecins, assistant social, éducateur, à condition que ce soit avec l’accord du patient. Les groupes d’entraide peuvent être d’un bon soutien; leur utilité est à présent démontrée sur le plan scientifique.

Chez les patients dépendants qui ne seraient pas prêts à changer leur comportement, le médecin fait en sorte de maintenir la relation de soins et cherche à diminuer les conséquences négatives de la consommation sur la vie de son patient, tant sur le plan sanitaire que social (approche de réduction des risques). À savoir qu’une réduction de consommation, même modeste, peut prévenir d’importantes complications somatiques telles que la cirrhose.

Quand contacter le médecin?

  • Si vous n’êtes pas à l’aise avec votre consommation d’alcool ou si vous souhaitez obtenir de l’aide pour la réduire, consultez votre médecin. Il existe aussi des lignes téléphoniques pour les personnes concernées par ce problème et leurs proches (Association de la Croix bleue (www.croix-bleue.ch))
  • Si, en raison d’une consommation problématique d’alcool, vous avez des difficultés dans votre couple, dans l’exercice de votre parentalité, dans votre travail, etc., parlez-en à votre médecin.
  • Après un abus d’alcool et en présence de certains symptômes (chutes ou altération de la conscience, idées suicidaires, violence, douleurs thoraciques, palpitations, violentes douleurs abdominales, baisse de la température corporelle, convulsions), consultez un médecin sans délai ou rendez-vous aux urgences.
  • En cas de dépendance à l’alcool, le sevrage (arrêt brutal de la prise d’alcool) représente une urgence médicale, car il peut conduire au décès. Il s’accompagne des symptômes suivants: agitation, anxiété, insomnie, sudations, tachycardie (battements rapides du cœur); puis hypertension, hyperthermie, délire, convulsions. En présence de l’un ou l’autre de ces symptômes, consultez un médecin sans délai ou rendez-vous aux urgences.

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