Les coups répétés à la tête abîment le cerveau des sportifs

Dernière mise à jour 21/02/18 | Article
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Dans le rugby, le hockey sur glace ou le football, les chocs à la tête sont courants. Leur répétition sur la durée, qui aboutit parfois à une commotion cérébrale, peut avoir de graves conséquences.

Des initiatives pour protéger les joueurs

Dans le rugby, deux mesures concrètes ont été introduites l’an dernier par les instances dirigeantes pour limiter le nombre de commotions cérébrales. D’une part, World Rugby a renforcé son «protocole commotion ». À présent, un joueur qui est sorti du terrain en raison d’un choc à la tête doit attendre dix minutes avant d’y retourner; s’il a perdu connaissance, comme ce fut le cas de Samuel Ezeala, la sortie est définitive.  D’autre part, la Fédération française de rugby a créé un nouveau carton, bleu, pour les amateurs et les joueuses féminines (environ 300’000 licenciés, contre 1000 professionnels du Top 14). En cas de suspicion de commotion, l’arbitre peut faire sortir un joueur grâce à ce carton qui entraîne une suspension de licence pour un week-end et une obligation de consulter un médecin dans les dix jours avant de pouvoir retourner sur le terrain. «C’est une excellente mesure, se réjouit le Dr Philippe Bijlenga. D’après moi, la durée de l’arrêt devrait être allongée à au moins deux semaines.»

Le phénomène est connu depuis les années 1920: les sports qui impliquent un combat ou des chocs corporels, ce n’est pas bon pour la tête. La première description de la «démence pugilistique », affection caractérisée par des problèmes neurologiques de type parkinsonien chez des boxeurs, date en effet de 1928. Si le terme n’est plus guère usité, le phénomène demeure: les chocs répétés à la tête lors de la pratique d’un sport violent, tels que la boxe, le rugby ou le hockey sur glace, pour ne citer que les exemples les plus emblématiques, exposent les joueurs à des risques de traumatismes cérébraux qui, sur la durée, peuvent entraîner une atteinte permanente connue aujourd’hui sous le nom d’encéphalite traumatique chronique (ETC).

Le mot commotion vient du latin commotium, qui signifie «secousse violente». Concrètement, le cerveau est ballotté à l’intérieur de la boîte crânienne, dont il vient heurter les parois. L’impact est également susceptible d’entraîner une compression, voire un cisaillement des fibres nerveuses. Conséquences: étourdissement, perte de connaissance ou d’équilibre, trouble passager de la mémoire, etc. L’examen par imagerie ne montre toutefois pas d’atteinte visible et les symptômes se résorbent d’ailleurs dans la plupart des cas assez rapidement. «Il s’agit d’un traumatisme crânien léger, à ne pas confondre avec un traumatisme craniocérébral, qui se traduit par des lésions des tissus mous du cerveau», explique le Dr Philippe Bijlenga, médecin adjoint agrégé au service de neurochirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Les études montrent que c’est l’accumulation des impacts à la tête qui sont particulièrement dangereux. «Autrement dit, une blessure peut être considérablement aggravée par un second choc, et les chocs suivants entameront le potentiel de régénération du cerveau. Ainsi, les athlètes qui ont subi plusieurs commotions cérébrales sont davantage sujets aux maux de tête et aux troubles de la mémoire.»

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Maux de tête insupportables

En Suisse, le hockey sur glace fournit son lot de victimes. L’attaquant Robert Nilsson est le cinquième joueur des Zurich Lions à être victime d’une commotion cérébrale. Julien Sprunger, Erik Westrum, Andrew McKim, Pascal Schaller, Sandy Jeannin et Félicien Du Bois en totalisent à eux seuls une bonne dizaine. Certains se plaignent de ne plus très bien supporter ni la lumière ni le bruit, ou de souffrir de maux de tête insupportables à la moindre variation de température.

Difficile de dire si le nombre de blessés est en augmentation: les chiffres disponibles ne concordent pas souvent et sont même parfois contradictoires. On suppose que certains résultats sont faussés (dans un sens comme dans l’autre) selon les circonstances de la collecte des données. Aux États-Unis, toutes disciplines confondues, on recenserait chaque année entre 300’000 et 3,8 millions de commotions cérébrales dans le sport professionnel et amateur. C’est d’ailleurs un médecin américain d’origine nigériane, le Dr Bennet Omalu, qui a posé le premier diagnostic d’ETC en 2002.

En France, le problème a été médiatisé grâce au Dr Jean-François Chermann, neurochirurgien, qui a vu passer un certain nombre de cas, dont celui du rugbyman Christophe Dominici, resté inconscient pendant au moins deux minutes après un violent contact avec un joueur italien durant le Tournoi des Six nations en 2005. Le médecin a consacré un livre à ce sujet intitulé K.-O. le dossier qui dérange (paru chez Stock en 2010), dans lequel il dénonce une «épidémie silencieuse».

Des athlètes de plus en plus lourds

«Le phénomène touche aussi bien le rugby, le hockey sur glace et le football (américain et soccer) que les arts martiaux», affirme le Dr Boris Gojanovic, médecin du sport à l’Hôpital de La Tour, à Meyrin (GE). Et les femmes ne sont pas épargnées: l’ex-capitaine de l’équipe féminine française de rugby Marie-Alice Yahé devait disputer la Coupe du monde 2014 mais, trois mois avant l’échéance, une énième commotion l’a poussée à renoncer.

L’évolution du profil des athlètes est souvent incriminée. En 1987, le rugbyman français Philippe Sella pesait 84 kilos pour 1,80 mètre; trente ans plus tard, au même poste de trois-quarts centre, Mathieu Bastareaud, plus grand de 2 centimètres, en pèse 120. Toujours plus musclés, toujours plus grands, les joueurs sont voués à des chocs de titans. Aujourd’hui, les ailiers de taille moyenne affichent à peu près les mêmes indices corporels que leurs avants. Cependant, tandis que le jeu se durcit, la taille de boîte crânienne des joueurs, elle, reste inchangée. Significativement, la prévalence de l’ETC dans le football américain augmente avec le niveau de professionnalisation des joueurs: de 21% chez les joueurs qui se sont arrêtés au lycée, elle grimpe à 86% chez ceux qui ont évolué au plus haut niveau…

Commotion cérébrale, traumatisme crânien, quelle différence?

On parle de commotion simple quand l’on se remet naturellement, en l’espace d’une semaine environ. La commotion est dite compliquée si l’on observe des symptômes post-commotionnels persistants (convulsions ou troubles cognitifs, par exemple). Dans les deux cas, il s’agit d’un traumatisme crânien qualifié de léger, à la différence des traumatismes moyens, qui impliquent une perte de conscience de plusieurs minutes, d’une fracture du crâne ou encore de traumatismes graves qui entraînent un coma. «Ces distinctions sont problématiques, déclare le Dr Boris Gojanovic, car elles peuvent amener à considérer comme un problème léger les commotions sans perte de connaissance ou avec une perte de connaissance inférieure à deux minutes. Or les conséquences sont sévères dans 10 à 15% des cas. Ces commotions ne devraient donc pas être considérées comme un problème léger.» Provoquée par une répétition de chocs, l’encéphalopathie traumatique chronique (ETC) se manifeste par divers troubles somatiques et cognitifs associés à une forme de démence précoce: difficultés à gérer ses émotions, comportements agressifs, hypersexualité, pertes de mémoire, dépression, etc. Tout comme l’alzheimer, l’ETC ne peut, pour l’heure, être formellement diagnostiquée que post-mortem.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 28/01/2018.

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