Le prix de la jouvence

Dernière mise à jour 09/02/12 | Article
Pomme fripée/pomme après traitement
Si les médicaments antivieillissement sont de l’ordre du possible, ils réclameront des essais cliniques à hauts risques médicaux et éthiques.

On recherche: des volontaires en bonne santé pour participer à des essais cliniques (thérapies expérimentales visant à allonger la durée de vie humaine de manière significative). Risques de modifications neurologiques et physiologiques au niveau cellulaire.

Quand verrons-nous des annonces de ce type? Les traitements antivieillissement ont longtemps été relégués au domaine des fantasmes. Mais de récents articles laissent entendre qu’ils pourraient bientôt être envisagés de manière réaliste. Il s’agit ici d’évoquer la croyance selon laquelle les processus de vieillissement pourraient être interrompus (voire inversés), et les dangereuses conséquences que pourrait avoir une telle idée si elle venait à se répandre. Pour que les traitements antivieillissement deviennent réalité, il faudrait tester les diverses théories existantes sur des sujets humains. Ce qui soumettrait les tests soumettrait les normes de protection des participants aux essais cliniques à des pressions sans précédent – alors même que ces normes sont déjà fréquemment ignorées.  

Il existe aujourd’hui deux types de recherche antivieillissement. L’approche traditionnelle se concentre sur les affections liées à l’âge, comme la maladie d’Alzheimer, l’athérosclérose, le diabète de type 2, certains cancers ainsi que toutes les pathologies susceptibles d’abréger notre vie dont l’apparition augmente avec l’âge. Selon cette école de pensée, vaincre ces maladies nous permettrait de vieillir en meilleure santé – et peut-être même d’allonger notre espérance de vie.

L’autre approche est plus ambitieuse; elle part du principe que le vieillissement est une maladie en soi, et elle en fait sa cible. Dans ce domaine, le spécialiste le plus actif est sans doute Aubrey de Grey, fondateur de la Strategies for Engineered Negligible Senescence Foundation (SENS). De Grey rêve d’un futur où la sénescence de l’homme serait devenue quantité négligeable : plus personne n’aurait à subir la déchéance progressive du corps, suivie d’une mort inévitable. De Grey envisage des thérapies permettant d’influencer le processus de vieillissement de façon plus étendue et plus profonde que les traitements actuels – médicaments permettant de réduire les plaques d’Alzheimer, ou aidant les malades du diabète à mieux réguler leur glycémie. (En 2010, de Grey avait exposées ses idées relatives à la «biotechnologie du rajeunissement» sur Slate.com).

Ses détracteurs le traitent de charlatan, de vendeur de poudre de perlimpinpin.  Une accusation injuste : il ne vend aucune poudre, aucun traitement. De Grey vend une idée: avec lui, la jeunesse perpétuelle devient un objectif réaliste. Si la fin ou l’extrême ralentissement du vieillissement est effectivement réalisable, alors autant nous atteler pleinement à la tâche : plus tôt nous commencerons à chercher, plus tôt nous pourrons faire cette découverte. Pour accélérer ce processus, de Grey a contribué à la création de la Methuselah Foundation, qui alloue des sommes d’argents aux chercheurs dont les souris battent les records de longévité de l’espèce (Le record de janvier 2012 est de 1819 jours – honorable pour un animal dont l’espérance de vie naturelle n’excède pas les douze mois). La longévité exceptionnelle de ces souris pourrait nous ouvrir les yeux sur les possibilités d’une durée de vie décuplée chez l’homme, tout comme la création de la brebis Dolly avait attisé les peurs et les espoirs liés à un éventuel clonage humain.d

Le moment venu, il faudra tester sur l’homme les therapies ayant permis d’accroitre la durée de vie des souris. Les souris récompensées par la Methuslah Fundation sont efficaces dans la mesure où elles prouvent la validité d’un concept: l’espérance de vie des membres de l’espèce mammifère, humain compris, peut bel et bien être considérablement accrue. Ce que ces souris ne nous disent pas, en revanche, c’est si certaines thérapies antivieillissement peuvent être sans danger. Les souris et les hommes sont très différents sur le plan biologique; une thérapie susceptible d’allonger la durée de vie d’une souris jusqu’à 3000 jours pourrait être mortelle chez l’humain. C’est précisément sur la question de l’expérimentation que diffèrent sérieusement les deux écoles – les chercheurs qui étudient les maladies de la vieillesse et ceux qui considèrent la vieillesse comme une maladie.

Il n’est pas bien difficile d’amener les patients souffrant d’affections liées à l’âge à participer à des essais cliniques. Les gens qui commencent à souffrir de la maladie d’Alzheimer savent que leur mal est terrible. Ils comprennent qu’un grand nombre de remèdes expérimentaux ne fonctionnent pas, et que certains d’entre eux risquent même de nuire à leur santé. A leurs yeux, ces risques seront justifiés.

Ce n’est pas le cas des essais cliniques sur l’homme de thérapies antivieillissement expérimentales. Les avantages potentiels seraient immenses – mais les risques ne le seraient pas moins. Par ailleurs, s’ils souhaitent prouver que de nouvelles thérapies peuvent permettent d’accroître l’espérance de vie de personnes ne souffrant d’aucune maladie grave liée à l’âge, les chercheurs devront conduire leurs tests sur des sujets similaires – autrement dit, de vieilles personnes en bonne santé. Il sera particulièrement complexe de les amener à suivre un traitement à haut risque.

Prenons l’exemple du remède contre le cancer théorisé par de Grey. La perspective d’un cancer ferait reculer de nombreux candidats à la cure de Jouvence. Les risques de développer cette maladie augmentent sensiblement avec l’âge ; toute personne ayant atteint l’âge de 150 ans avant la découverte d’un remède (ou d’un traitement particulièrement efficace) ferait donc bien de s’habituer à la chimiothérapie. De Grey est un partisan du WILT (pour «whole-body interdiction of the lengthening of telomeres», soit «blocage de l’extension des télomères dans tout l’organisme»). Les télomères sont des séquences d’ADN assurant la protection des terminaisons chromosomiques. Ce «remède» prévoit d’exciser le gène de la télomérase de chaque cellule du corps humain. De nombreux types de cancer prennent le contrôle de ce gène et s’en servent pour se répandre dans l’organisme.

Le remède de de Grey a un prix – et ce prix est élevé. Le gène de la télomérase n’existe pas par hasard. Dans certaines régions du corps, les cellules naissent et meurent à un rythme normalement effréné. Si notre gène de la télomérase ne fonctionnait pas correctement, nous serions par exemple vite à court de globules rouges, de globules blancs et de plaquettes sanguines. De Grey propose donc d’administrer une thérapie régulière à base de cellules souches afin de remplacer les cellules devenues manquantes. Attention : je ne dis pas que le WILT n’est pas un projet viable; même s’il ne portait pas ses fruits, il pourrait nous mettre sur la voie d’hypothèses concluantes. Mais une chose est sûre: lorsqu’ils auront fini de tester le traitement sur les souris et sur les singes, je ne ferai pas partie des premiers cobayes volontaires. 

Je pense même que les personnes qui s’intéressent au projet SENS seraient les derniers à vouloir s’exposer aux risques que représentent les essais cliniques. Et ce pour une évidente raison: on leur fait miroiter la promesse d’une espérance de vie millénaire. Pourquoi se déclarer volontaire pour des essais cliniques dangereux, puisqu’il existe une autre option : payer d’autres personnes pour faire le sale boulot? Contrairement à ce que qu’on peut voir dans les œuvres de fiction, le vieillissement n’aura jamais son «remède» unique qui, une fois découvert, pourra être mis à la disposition de toute personne voulant – et ayant les moyens de – se le procurer. Les chercheurs développeront plusieurs thérapies visant divers types de problèmes liés à l’âge. Chacune devra faire l’objet d’essais approfondis; une longue route, semée de faux espoirs de déceptions. Les chercheurs devront être fréquemment approvisionnés en sujets humains en bonne santé. La possibilité scientifique d’une augmentation spectaculaire de l’espérance de vie humaine finira par être reconnue par l’ensemble de la planète, ce qui suscitera un sentiment d’urgence. Des essais cliniques humains doivent avoir lieu aussi vite que possible, afin de pouvoir élaborer des thérapies antivieillissement fiables dans un futur proche: sans cela, les partisans quarantenaires du projet SENS ne pourront interrompre la spirale mortelle de leur déchéance biologique.

Je pense donc que les cobayes humains de ces essais cliniques seront en majorité pauvres et marginaux. Un récent rapport de la Presidential Commission for the Study of Biotechnical Issues recommande une meilleure protection des participants aux essais cliniques. Il compte faire barrage aux pratiques habituelles des grandes sociétés pharmaceutiques, qui réalisent leurs essais cliniques dans des pays et des juridictions peu regardantes quant aux droits des personnes participant aux essais cliniques. (Dans les années 1940, des médecins américains ont ainsi volontairement inoculé la syphilis à plus de 700 Guatémaltèques). La perspective d’un traitement antivieillissement va susciter des désirs bien plus forts que celle d’un meilleur traitement contre la syphilis. Les riches et les puissants voudront outrepasser toute les règles, toutes les normes qui se dresseront contre la perspective d’une espérance de vie millénaire à portée de main.

Article original: http://www.slate.com/articles/health_and_science/future_tense/2012/01/aubrey_de_grey_sens_anti_aging_drugs_and_clinical_trials_.html  

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