Bore-out et brown-out: quand l’ennui tue le travail

Dernière mise à jour 14/09/22 | Article
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Le surcroît de travail peut mener à l’épuisement professionnel, mais l’inoccupation et l’absence de sens des tâches nuisent aussi à la santé. Explications et conseils.

De quoi parlons-nous?

Trop ou pas assez de travail: l’un et l’autre sont difficiles à supporter. S’il est évident qu’une surcharge est susceptible de conduire à un burn-out, ne pas savoir comment s’occuper au travail, ou ne trouver aucun sens à ce qu’on fait, peut également mener à un épuisement professionnel. 

On parle de bore-out en cas de désœuvrement: la personne se sent sous-utilisée, elle s’ennuie et erre comme une âme en peine. Dans le cas du brown-out il est également question d’ennui, mais pour d’autres raisons! En effet, la personne concernée a l’impression que ce qu’on lui demande de faire ne revêt pas de sens; parfois même, elle trouve que cela contrevient à ses valeurs. L’écart entre son idéal et la réalité quotidienne la plonge dans un malaise qui peut conduire à la dépression. 

Selon Émilia Hennard, assistante sociale auprès du service social d’entreprise Proitera qui couvre les cantons de Genève, Vaud, Valais et Fribourg, la plupart des personnes qui consultent pour un épuisement professionnel se trouvent dans une situation qui évoque plutôt un burn-out. «L’absence de sens du travail, le type de management, les valeurs qui changent, les tâches qui deviennent moins claires sont des éléments qui reviennent régulièrement. Qu’elle se nomme burn-out, bore-out ou brown-out, l’usure est réelle et doit être traitée en tous les cas.» 

Les enjeux

L’ennui au travail n’est évidemment pas quelque chose de nouveau. Les premières grandes études scientifiques sur le sujet remontent aux années 1920. Plusieurs chercheurs avaient alors démontré que la monotonie pouvait conduire à l’épuisement. 

Toutefois, c’est seulement à partir du début des années 2000 que le terme bore-out (de l’anglais to bore qui signifie fatiguer, ennuyer) est entré dans le vocabulaire courant pour qualifier une profonde lassitude causée par la sous-occupation de l’individu. Ce sont deux consultants suisses, Peter Werder et Philippe Rothlin, qui ont décrit ce concept en lui rattachant un facteur interdépendant, le manque d’objectifs stimulants. Selon eux, 15% des employés de bureau s’ennuieraient au travail.[1] Ils souffriraient en quelque sorte d’être payés à ne rien faire. 

Dans la foulée, on a découvert le brown-out, autre forme d’épuisement professionnel lié à un sentiment de non-sens, voire d’absurdité qui entraîne un désengagement personnel. Le travailleur se transforme en robot. Le concept est intimement lié aux travaux de l’anthropologue américain David Graebler, qui a popularisé en 2018 l’expression bullshit jobs, que l’on pourrait traduire en français par «boulots pourris». Le travailleur est atteint dans la représentation de ses valeurs.

Que faire?

Au cours des dernières années, diverses études ont été menées pour mieux cerner les facteurs d’épuisement professionnel. Les signes d’alerte du bore-out sont essentiellement une réduction des performances, une tendance à manquer fréquemment le travail (absentéisme), une perte d’estime de soi, un sentiment de honte ou de culpabilité à parler de ce qu’on fait au travail, une augmentation du stress et l’apparition d’un début de dépression.

En cas de brown-out, on observe surtout que la personne travaille beaucoup, sans aucun plaisir apparent, et qu’elle montre de moins en moins d’intérêt pour ses tâches professionnelles. Tandis que sa motivation s’évapore, son travail s’accumule sur son bureau. Elle se limite au «strict minimum», remettant tout ce qu’elle peut au lendemain. Des manifestations de colère et des réflexions cyniques ne sont pas rares, avec une dégradation des relations de travail, un repli sur soi et de l’anxiété. 

D’un point de vue juridique, il incombe à l’employeur de protéger l’intégrité physique et psychique de ses effectifs. La législation l’oblige en effet à prendre toutes les mesures nécessaires, applicables et utiles en faveur de la santé des travailleurs. Le but est de limiter entre autres les risques d’accident et de surmenage. Certaines entreprises s’engagent encore plus en amont dans cette perspective, en adoptant par exemple un management horizontal, une culture du feedback et de l’apprentissage par essai-erreur, un travail collaboratif avec notamment un partage d’informations, une adaptation des temps de réunion pour rendre les séances à la fois plus efficaces et moins chronophages, et une promotion active des moments de convivialité pour favoriser la récupération de l’ensemble du personnel.

Quelques conseils

Demandez de l’aide à un professionnel ou à une personne de confiance si:

  • Votre humeur a changé (colère, tristesse)
  • Vous remarquez que vous avez tendance à surréagir
  • Vos envies et intérêts habituels (sortir, rencontrer des amis, etc.) sont en baisse
  • Vous avez des maux de tête, des douleurs dorsales ou d’autres douleurs

Réfléchir à votre situation avec une personne compétente peut vous aider à prendre du recul. Interrogez-vous sur le sens de votre travail et sa conformité avec les valeurs qui vous tiennent à cœur. Envisager une autre activité, entreprendre une nouvelle formation, changer d’employeur ou simplement de poste au sein de l’entreprise font partie des options à considérer si vous estimez avoir atteint un point de non-retour.

[1] https://www.cairn.info/comment-traiter-le-burn-out--9782804163822-page-275.htm