Et si c’était un manque de fer?

Dernière mise à jour 17/11/15 | Article
Et si c’était un manque de fer?
Perte de cheveux, ongles fragilisés et fatigue sont les signes d’une carence, souvent féminine, qui se soigne bien.

Dans le sang, notre taux de fer oscille autour d’un point d’équilibre que des règles abondantes pour les femmes, des dons de sang trop fréquents ou des pathologies insidieuses peuvent dangereusement faire tanguer. En effet, il y a d’un côté les entrées en fer, uniquement par l’alimentation car notre corps ne sait pas le fabriquer: un à deux milligrammes par jour. De l’autre, le fer «perdu» chaque jour par la desquamation de la peau: également un à deux milligrammes. Si tout va bien, l’équilibre est donc maintenu, et nous conservons un stock d’environ 500 milligrammes qui permet au fer de remplir sa mission première: s’installer dans les globules rouges et assurer le transport et la distribution de l’oxygène dans l’organisme. «Chez les moins de 50 ans, les trois premières causes de carence sont les règles abondantes, une nourriture trop pauvre en fer, en particulier chez les végétariens et les végétaliens, et des dons de sang trop fréquents. Ceux-ci ne devraient pas excéder deux par an pour les femmes et quatre pour les hommes, indique le Dr Jean-François Lambert, hématologue au Groupement hospitalier de l’Ouest lémanique, à Nyon. Après 50 ans, un déficit en fer peut être le signe de microsaignements internes liés à une gastrite chronique ou à des polypes au niveau du côlon par exemple.»

A surveiller aussi, la vitamine B12

Autre déficit pouvant mener à une anémie: la carence en vitamine B12. Surtout présente chez les personnes âgées, elle est souvent liée à la prise de médicaments antiacides ou consécutive à des maladies de l’intestin, comme la maladie de Biermer. La raison? Pour se fixer dans l’organisme, cette vitamine a besoin d’une molécule, appelée «facteur intrinsèque», produite par les cellules de l’estomac. Perturbées par une pathologie, assommées par des antiacides, ou fatiguées par l’âge, ces cellules de l’estomac ne parviennent parfois plus à remplir leur mission et la vitamine B12 flotte dans l’organisme sans pouvoir être utilisée. Nécessaire à la synthèse des globules rouges et à la propagation des messages nerveux, son déficit se traduit par une anémie, puis par des signes de paralysie si aucun traitement n’est mis en place. Un complément sous forme de comprimés permet généralement de pallier le déficit. A noter: même si l’âge est l’un des facteurs de risque majeurs, le régime alimentaire peut aussi favoriser cette carence. Principalement apportée par la viande, le poisson et les œufs, la vitamine B12 peut faire défaut aux végétariens et aux végétaliens.

Bilan une fois par an

Dans tous les cas, une vigilance est donc requise pour traiter l’éventuelle carence et repérer les pathologies dont elle pourrait être le signe. «Chez les personnes à risque, un bilan sanguin une fois par an est l’idéal», conseille le spécialiste. Et contre toute attente, ce n’est pas tant la ligne reportant le taux de fer (dit «sérique») qui est à prendre en compte en priorité, mais la quantité de ferritine, protéine associée au fer dans le sang. Et pour cause, le taux de fer ayant tendance à fluctuer dans la journée et à être influencé par des états inflammatoires, le taux en ferritine est un meilleur indicateur. Sa valeur idéale: entre 30 et 250 microgrammes par litre de sang.

En dessous? «Sous 20 microgrammes par litre de sang, on parle d’état ferriprive, indique le Dr Lambert. Mais il peut aussi s’agir d’une anémie, qui n’est autre qu’un état ferriprive non traité qui a fini par épuiser les stocks en globules rouges. Dans ce cas, l’un des indicateurs est le taux d’hémoglobine qui s’effondre.»

A noter que la prise de sang n’est pas le seul repère puisque, aussi pernicieuse soit-elle, la carence en fer donne des signes de sa présence: chute de cheveux, ongles déformés, lèvres fissurées, manque de concentration, retard de croissance chez les enfants, et grande fatigue, démultipliée en cas d’anémie. «Ces symptômes sont souvent mis à tort sur le compte d’un rythme quotidien effréné, déplore l’hématologue, ce qui est problématique, car la carence en fer est aussi éprouvante qu’elle se soigne bien!»

Mais encore

Fer maternel

L’apport en fer se faisant exclusivement par le biais de l’alimentation, les bébés nourris par le lait maternel peuvent présenter une carence si la mère n’a pas un stock en fer suffisant. Une étude menée en Roumanie en 1995 a montré une carence en fer chez 60% des nourrissons de moins d’un an, toujours présente chez près de 50% des enfants âgés d’un à cinq ans.

Anecdote

Du fer dans les épinards? Avec un taux affiché d’environ 2 mg pour 100 g, les épinards apportent à peine plus de fer que la mâche ou les lentilles. D’où provient la légende d’une teneur en fer exceptionnelle? D’une ancienne faute de frappe dans un livre lui prêtant un taux dix fois supérieur à la réalité!

Et à l’inverse?

En cas de surplus de fer, le plus souvent lié à des troubles inflammatoires, métaboliques ou à une consommation excessive d’alcool, aucun médicament n’a encore pu être mis sur le marché. La seule solution, en vigueur depuis plusieurs siècles: le recours à des saignées.

Abats, viande rouge, poisson

La marche à suivre? Le plus classique est de prendre du fer sous forme de comprimés. Pour optimiser l’absorption, l’idéal est de prendre le traitement le matin à jeun, avec la vitamine C d’un verre de jus d’orange. A l’inverse, le tanin du café et du thé, le calcium des produits laitiers et des médicaments comme les antiacides ou les hormones thyroïdiennes de synthèse contrarient son assimilation. Mieux vaut les prendre à distance d’au moins une demi-heure du traitement. La consommation d’aliments riches en fer est conseillée – fruits de mer, abats, viande rouge, poissons, légumes secs, notamment – même si elle ne suffit pas à remédier à elle seule une carence déjà installée.

Faisant parfois surgir maux de ventre et nausées, le traitement peut être mal toléré. «Les effets secondaires se calment généralement d’eux-mêmes au bout de quinze jours, précise le Dr Lambert. Mais pour les cas extrêmes d’intolérance ou d’allergie, l’apport en fer peut se faire par injections en ambulatoire. Elles sont, elles, très bien tolérées.»

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