Guérir des allergies alimentaires grâce à l’immunothérapie

Dernière mise à jour 27/05/19 | Article
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Parfois très contraignante, l’allergie alimentaire touche de nombreux enfants. En Suisse, environ 5% sont concernés. De nouvelles pistes thérapeutiques permettent désormais d’envisager une guérison.

Pour les parents, un enfant allergique est souvent source de stress. Il leur est difficile de contrôler ses prises alimentaires (crèche, école, produits transformés…). A la différence d’une intolérance qui provoque une réaction digestive exagérée à un aliment, mais sans jamais menacer la vie du patient, l’allergie alimentaire, liée à un dérèglement du système immunitaire, peut dans les cas les plus graves mener à une réaction respiratoire sévère (anaphylaxie). Chez l’enfant, les principaux aliments responsables d’allergies sont le lait de vache, les œufs, les fruits à coque ou encore les cacahuètes.

Dans la plupart des cas, l’allergie est soupçonnée lors de l’introduction des premiers aliments chez le bébé. Les signes habituels sont des vomissements en jet, des diarrhées à répétition ou une constipation, ou encore de l’asthme. Tout cela généralement sur fond d’un retard de croissance. La confirmation du diagnostic d’allergie alimentaire se fait chez un allergologue, après examen du tableau clinique complété par des tests cutanés, sanguins et parfois oraux. Ces tests nécessitent d’être réévalués régulièrement durant l’enfance – tous les deux ou trois ans – car il arrive que de nombreuses allergies guérissent spontanément avec le temps.

Le régime d’éviction, incontournable

Une fois le diagnostic d’allergie posé par le médecin, un régime d’exclusion doit être mis en place. L’aliment incriminé sera ainsi totalement écarté de l’alimentation de l’enfant. D’où l’importance de veiller à la composition des produits industriels et à la mise en place d’un Protocole d’Accueil Individualisé (PAI) à l’école ou à la crèche. Ce régime d’exclusion, qui doit être mené avec rigueur, est parfois très contraignant, d’où l’intérêt suscité par les nouvelles thérapies de désensibilisation.

«Il est important également de prendre en compte le risque d’allergie croisée», explique le Pr Philippe Eigenmann du Service d’allergologie pédiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Un enfant allergique au lait de vache devra par exemple éviter de consommer également du lait de brebis ou de chèvre, et un enfant allergique aux fruits à coque évitera les cacahuètes, «sauf si une consommation antérieure n’a pas démontré de réaction allergique».

L’immunothérapie spécifique

Comment prévenir l’allergie chez l’enfant

Si certaines allergies alimentaires sont liées à une prédisposition génétique, d’autres facteurs de risque existent. L’intégration tardive de certains aliments, par exemple. Il apparaît ainsi que commencer la diversification alimentaire tôt, dès l’âge de quatre mois, sans retarder l’introduction d’aliments à risques d’allergie, est bénéfique. Maintenir une consommation régulière des aliments à risque permettrait également d’en conserver la tolérance. En revanche, rien n’indique que l’exclusion d’un aliment chez la femme enceinte permette de diminuer le risque d’allergie chez l’enfant. «Pendant longtemps, on a cru qu’il fallait éviter certains allergènes pendant la grossesse, mais l’efficacité de cette méthode n’est pas prouvée», explique le Pr Philippe Eigenmann du Service d’allergologie pédiatrique des HUG. «A l’inverse, manger des cacahuètes ne va pas non plus prémunir l’enfant à naître d’une potentielle allergie».

Se désensibiliser ou augmenter son seuil de tolérance à un aliment, voilà ce que propose l’immunothérapie spécifique. Le principe est simple: on soigne le mal par le mal. De nombreuses observations ont en effet permis de montrer que l’administration régulière d’un aliment, à des doses minimes puis progressives, permettait sur le long terme de diminuer le risque de réaction allergique. Pour traiter une allergie alimentaire chez l’enfant, on peut donc procéder à une immunothérapie par voie orale. Elle consiste à ingérer régulièrement (tous les deux ou trois jours) une petite dose de l’aliment incriminé. Le corps développe alors petit à petit une tolérance face à une dose de plus en plus grande de l’allergène. Cette thérapie, dont l’efficacité pour certains types d’allergies a été démontrée, a permis par exemple à la fille de Maria, âgée de 8 ans, d’en finir avec son allergie aux œufs. Après une première étape effectuée en milieu hospitalier afin d’écarter un risque d’allergie grave, la réintroduction s’est poursuivie à la maison. «J’ai introduit dans son alimentation, jour après jour, des doses croissantes d’œuf cuit, explique la maman. On a ensuite intégré des œufs crus petit à petit, jusqu’à une dose d’entretien équivalent à un demi-œuf».

Mais l’immunothérapie orale n’est pas pour autant une solution miracle. Très exigeante, elle doit être appliquée scrupuleusement plusieurs années sans interruption, au risque de revenir au point de départ, c’est-à-dire perdre la tolérance acquise. Elle comporte également un risque de réaction allergique important, même en cas de faible dose alimentaire.

Bien que porteuse d’un espoir certain, l’immunothérapie orale n’est donc pas indiquée systématiquement. «On ne la pratique pas en traitement de routine. C’est quelque chose dont on discute mais qui n’est pas simple à mettre en place, explique le Pr Eigenmann. On la propose plutôt chez les patients très sensibles, qui ont peu de chances de perdre naturellement leur allergie.»

Et le patch?

D’autres pistes thérapeutiques, encore expérimentales, semblent prometteuses, notamment en termes de contraintes pour le patient. C’est le cas des immunothérapies «sublinguale» et «épicutanée». La première consiste à placer quotidiennement l’aliment sous la langue quelques minutes, tandis que la seconde revient à l’appliquer sur la peau, grâce à un patch changé régulièrement.

Si leur efficacité n’est pas encore confirmée chez l’enfant, ces méthodes semblent entraîner moins d’effets secondaires et ouvrent la porte à de grandes avancées thérapeutiques en matière de guérison. «Il est nettement plus simple de mettre un patch que de s’astreindre à une ingestion quotidienne de l’aliment, avance le spécialiste des HUG. Il est probable qu’on arrivera à trouver prochainement un traitement simple et efficace de l’allergie alimentaire».

Que faire en cas d'ingestion accidentelle?

Les parents d’enfants allergiques le savent bien, malgré une attention soutenue pour maintenir un régime d’éviction, il est nécessaire d’avoir en permanence à disposition une trousse de secours. Elle doit contenir un antihistaminique oral en cas d’urticaire survenant rapidement après l’ingestion, ainsi qu’un stylo injecteur d’adrénaline, en cas d’anaphylaxie.

Si des vomissements surviennent après l’ingestion – sans autres complications – une réhydratation orale doit être prodiguée. Si l’enfant, en plus de vomir, devient léthargique, une prise en charge hospitalière en urgence est nécessaire.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 05/05/2019.

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