La misophonie ou la haine du bruit

Dernière mise à jour 24/05/18 | Audio
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Cécile Guérin s'intéresse à la misophonie. Mal connue, cette pathologie rend les bruits du quotidien insupportables. De quoi affecter nettement la qualité de vie.

(Texte: Aude Raimondi)

Craquements de chips sous la dent, mastication de chewing-gum, déglutitions… Des petits sons désagréables dont on se passerait volontiers. Mais pour certaines personnes, ils sont carrément insupportables. Cette aversion pour les bruits du quotidien porte un nom: la misophonie. La haine du bruit est telle qu’elle pousse à adopter des stratégies d’évitement. Par exemple, changer de wagon si quelqu’un mange à côté ou même vivre en permanence avec des bouchons d’oreille pour ne plus entendre ses voisins. Les personnes concernées témoignent d’une grande souffrance. D’une part, parce que la misophonie provoque en eux des réactions de colère et de nervosité très vives. D’autre part, car à force d’éviter de s’exposer aux sons, on s’isole socialement.

Le Dr Othman Sentissi, psychiatre au Département de santé mentale des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), est l’un des rares médecins en Suisse romande à bien connaître cette pathologie. Il constate que les patients mettent des années avant de consulter. «Ils ont souvent honte et se sentent coupables de leurs réactions disproportionnées. Ce sentiment de bizarrerie les retient d’en parler». Le diagnostic est d’autant plus compliqué à établir que les origines du trouble sont encore quelque peu mystérieuses. Des découvertes récentes suggèrent qu’il s’agit d’une forme de synesthésie, comme les personnes qui associent une couleur à un chiffre ou des notes de musique à des formes. Dans le cas de la misophonie, les bruits s’associent à des émotions négatives.

Il n’existe à ce jour aucun traitement médicamenteux qui permette de traiter ce trouble. Certaines thérapies comportementales peuvent néanmoins contribuer à améliorer la situation. «Nous essayons d’abord de travailler sur l’affirmation de soi, explique le Dr Othman Sentissi. Le fait de ne pas être compris est très difficile à vivre. Être reconnu pour cette difficulté est déjà un premier pas». Ensuite, des méthodes d’auto-observation peuvent réduire le stress que ces sons engendrent. La méditation apprend quant à elle à se recentrer sur soi et faire abstraction des bruits environnants. Enfin, associer ses proches à la thérapie est un point important pour que chacun puisse comprendre et apprendre à vivre avec.

Une émission CQFD - RTS La Première

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