Danser le tango pour booster l’érotisme

Dernière mise à jour 10/04/18 | Article
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Danse sensuelle née aux abords du Río de la Plata en Amérique du Sud, le tango aiguise tous nos sens, même en l’absence de paroles. Au point d’être envisagé comme complément à une thérapie de couple pour permettre de stimuler les échanges érotiques.

Comme toute relation humaine, l’érotisme contient une dimension communicationnelle importante et peut même être considéré comme un type de communication à part entière. En effet, tout comme le langage oral, il se base sur un échange de signes. Il s’agit en somme d’une conversation physique et psychique entre deux individus.

Selon l’approche sexologique, l’érotisme regroupe trois composantes psychiques fondamentales: la compétence cognitive (la pensée et l’imagination, soit le fantasme), la compétence intentionnelle (la volonté et la concentration, soit le désir) et la compétence émotionnelle (intra et intersubjective, soit, dans ce cas, le sentiment amoureux). Celles-ci, associées à la compétence communicationnelle, forment ensemble la compétence érotique, qui permet une relation érotique pertinente et source de plaisir.

Une mobilisation de tous les sens

Lorsque certaines de ces compétences psychiques font défaut, ou que l’érotisme et la communication dans le couple deviennent difficiles, différentes sortes de psychothérapies (psychodynamique, systémique, TCC) peuvent être utiles pour encourager de nouveaux comportements alternatifs.

Mais les thérapies classiques ne sont pas le seul remède. Une pratique complémentaire pourrait se révéler efficace pour remédier à ces dysfonctionnements et aux souffrances psychiques et physiques qu’ils induisent: le tango.

Né à la fin du XIXe siècle dans le Rioplatense sur la côte atlantique sud-américaine, le tango a la particularité d’avoir vu le jour dans une communauté hétéroclite à la communication lacunaire. L’arrivée massive de migrants économiques européens, séparés de leurs épouses, a engendré une forte demande en services sexuels et en compagnie féminine. Or, leurs faibles connaissances des langues indigènes et le brassage linguistique appauvrissant l’échange communicationnel, il a fallu trouver une autre façon de s’approcher, de se séduire et de se faire confiance. C’est là que prend forme le tango, comme substitut de la parole.

Cette danse intègre, comme la parole, un transfert de gestes mimétiques et d’émotions : quand deux personnes discutent, chacune imite inconsciemment les gestes et l’attitude de l’autre, tout en repérant et reconnaissant ses émotions. Mais le tango va plus loin que l’échange de mots, puisqu’il fait appel à d’autres sens qui améliorent notre communication intersubjective.

Tout d’abord, il mobilise notre appareil moteur: dans l’abrazo, une position d’étreinte propre au tango, le cavalier guide sa partenaire qui le suit dans un mimétisme conscient et volontaire. Il indique son intention de mouvement, qui doit être claire et douce pour que la coordination soit optimale.

De plus, le tango mobilise l’ensemble du registre sensoriel. Les danseurs, qui ne se regardent pas directement, font appel à leurs sens pour danser au mieux et se mouvoir dans l’espace. Entre leurs corps se mobilisent d’autres ressources: la vue (le cavalier guidant dans l’espace environnant), la proprioception (la conscience de la position de son corps), le toucher, l’ouïe (la musique et la respiration) et l’odorat (lié à la proximité des corps).

Enfin, le tango aiguise la perception des émotions qui prennent place dans son propre corps et dans celui du partenaire. De par la proximité physique, il est possible de sentir les battements du cœur de l’autre, sa respiration, la moiteur de ses mains, etc. Le tout sans échanger un regard.

Possibilités thérapeutiques

Sans pour autant se substituer à une approche psychothérapeutique, le tango est tout indiqué pour contribuer positivement à la préservation et l’amélioration des compétences érotiques, dans la mesure où il agit de façon directe et synchrone sur la relation à soi-même et à l’autre. Il permet de mieux percevoir son environnement et le ressenti de l’autre pour ensuite l’intégrer à sa propre pensée. Le tango pourrait donc être pratiqué selon les mêmes modalités qu’une ergothérapie ou, mieux encore, une art-thérapie de groupe: par exemple, une dizaine de séances de deux heures chacune, réunissant huit participants n’ayant aucun lien affectif entre eux et un enseignant de tango. Une piste qui vaut la peine d’être explorée.

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Adapté de «Du tango pour booster les compétences érotiques?», Dr Jean-Pierre Papart, Secteur psychiatrique Ouest, Hôpital de Prangins. In Revue Médicale Suisse 2015;11 :2329-32, en collaboration avec l’auteur.

Paru dans Planète Santé magazine N° 29 - Mars 2018