Savez-vous ce que fait votre cerveau pendant une bonne nuit de repos?

Dernière mise à jour 26/11/13 | Article
Savez-vous ce que fait votre cerveau pendant une bonne nuit de repos?
Une étude américaine démontre que le sommeil a un véritable effet «auto-purificateur» sur le système nerveux central. Explications.

On pourrait presque regarder le cerveau comme un muscle. Un muscle qui après avoir longtemps fonctionné doit être mis au repos avant de pouvoir être à nouveau sollicité. Dans ce cas c’est le sommeil qui équivaut à la mise au repos, un sommeil durant lequel le cerveau élimine ses propres toxines. C’est la démonstration faite par une équipe de chercheurs du département de neurochirurgie de l'Université de Rochester (Etat de New York)1.

Dormir ou mourir

«Malgré des décennies d'efforts, l'un des plus grands mystères de la biologie est de savoir pourquoi le sommeil est réparateur. Et, inversement, pourquoi le manque de sommeil altère le fonctionnement du cerveau, observent les chercheurs américains. La privation de sommeil réduit les performances d’apprentissage, nuit aux performances dans les tests cognitifs, augmente le temps de réaction (…) Dans les cas les plus extrêmes, la privation continue de sommeil tue les rongeurs et les mouches dans un délai de quelques jours ou semaines. Chez l'homme, une maladie comme «l'insomnie fatale familiale» (ou «sporadique») est un état d'aggravation progressive de l'insomnie qui mène à la démence et la mort en quelques mois ou années.»

C’est pour comprendre les raisons premières de ce phénomène que les auteurs de ce travail cherchent à décrypter l’intimité des processus moléculaires des cellules cérébrales. Et ils parviennent à la conclusion que le sommeil permet au cerveau de «nettoyer» des déchets accumulés pendant l'éveil du fait de l'activité neuronale continue. L’élimination de toxines démontrerait la fonction récupératrice du sommeil, dont chacun peut ressentir les effets en se réveillant d’une bonne nuit. De plus, cette découverte est d’une grande importance du fait de l’implication de ces toxines dans les processus pathologiques de dégénérescence des neurones (comme dans le cas de la maladie d’Alzheimer).

Système «g-lymphatique»

Le cerveau utilise ici un système dénommé «glymphatique», en référence au système lymphatique qui assure lui aussi une fonction «détoxifiante» dans l’ensemble de l’organisme à l’exception du cerveau. Ce dernier est un effet un organe hautement précieux protégé par un système complexe de portes d'accès moléculaires.

Les auteurs ont pu observer pour la première fois ce qu’il en est de ce système auto-purificateur grâce à une nouvelle technologie d'imagerie utilisée sur des souris. C’est cette même équipe qui, en août 20122, avait démontré l’existence et le fonctionnement du système «glymphatique» permettant l'élimination des déchets via le flux de liquide céphalo-rachidien (LCR), liquide dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinière.

Elargissement des espaces cellulaires

Le système repose sur des cellules cérébrales dénommées astrocytes, qui font partie des cellules de la «glie» ou «cellules gliales». D’où la dénomination de «glymphatique». Cette découverte suggérait déjà de possibles actions préventives ou curatives conter la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies dégénératives touchant le cerveau.

Il est désormais possible de mieux saisir ce qui se passe durant le sommeil, période qui correspond environ – on a tendance à l’oublier – au tiers de notre existence. Tout se passe comme si la nuit le cerveau ouvrait des vannes moléculaires et cellulaires assurant du même coup une augmentation du débit d’évacuation. Les chercheurs américains l’ont observé en injectant un colorant dans le LCR de leurs souris, tout en suivant le flux à travers leur cerveau et en surveillant simultanément leur activité cérébrale électrique. Or, lorsque les souris sont endormies (ou inconscientes), le LCR coule plus rapidement que lorsqu’elles sont éveillées. A l’aide d’électrodes, les chercheurs ont en outre pu effectuer des mesures: les espaces entre les cellules du cerveau s’élargissent jusqu’à 60% durant le sommeil.

La métaphore des éboueurs

Les anglophones voient dans cette découverte une confirmation de l’expression «brain "takes out the trash" while we sleep» («le cerveau sort les poubelles durant le sommeil»). De fait, à la lecture des résultats des travaux du département de neurochirurgie de l’Université de Rochester, nous pouvons, après une bonne nuit de sommeil, regarder autrement les éboueurs qui, le matin, font tout pour que l’activité de la cité reprenne. En filant cette métaphore urbaine on peut dire qu’une grève prolongée des éboueurs équivaut à la maladie d’Alzheimer. C’est dire s’il faut, désormais, trouver les moyens de prévenir, bien en amont, toute forme de mouvements de grève.

1. Dirigée par Lulu Xie, Rashid Deane, et le Dr Maiken Nedergaard, cette équipe vient de publier les derniers résultats de ses travaux dans la revue Science. La totalité de cette publication (en anglais) est disponible ici.

2. Ce travail avait été publié  dans la revue Science Translational Medicine.

Articles sur le meme sujet
PS52_andrea_serino

«Une grande opportunité de faire évoluer la neuroréhabilitation»

Inauguré en novembre dernier à Lavigny par le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), l’Université de Lausanne (UNIL) et l’Institution de Lavigny* elle-même, le NeuroRehab Research Center (NeuroRehab) laisse augurer d’une nouvelle ère dans le domaine de la neuroréhabilitation, en particulier pour les patients ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC) ou un traumatisme crânien sévère. Rencontre avec son directeur, le Pr Andrea Serino.
PULS_resolutions_debut_annee

Faut-il prendre des résolutions en début d’année?

90% des résolutions prises le 1er janvier seraient abandonnées. Le Dr Paco Prada, responsable du Service de psychiatrie de liaison et d’intervention de crise des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), explique pourquoi et suggère des pistes pour des changements durables.
PULS_douleur_mot_maux

La douleur, un mot pour des maux

Signal d’alarme de notre corps, la douleur n’est pas ressentie de la même façon chez tout le monde. Les explications du Pr Benno Rehberg-Klug, médecin adjoint agrégé au Service d’anesthésiologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).
Videos sur le meme sujet

Comment remédier à notre attention qui baisse?

Selon une étude du centre de recherche CERVO de l’Université Laval à Québec, l’attention – faite de concentration et de distraction – décline progressivement à partir de 26 ans.

Pourquoi je procrastine?

J’ai voulu affronter cette vilaine habitude avec Shékina Rochat, docteure en psychologie, et maître d’enseignement et de recherche à l’université de Lausanne.
Maladies sur le meme sujet
Insomnie

Insomnies

Les troubles du sommeil constituent un véritable problème de santé publique, tant par leur fréquence que par leurs répercussions humaines, sociales et économiques.