Ces maladies insoupçonnées qui altèrent le cerveau

Dernière mise à jour 10/11/16 | Article
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Accident vasculaire cérébral, traumatismes crâniens, diabète, médicaments, etc.: de nombreux facteurs favorisent l’apparition de démences et la perte de la mémoire.

Lorsqu’on parle de démence, on pense aussitôt à la maladie d’Alzheimer. Certes, cette pathologie, qui se caractérise notamment par l’accumulation de plaques de protéines bêta-amyloïdes provoquant la mort des neurones, est de loin la plus fréquente, puisqu’elle représente entre 60% et 80% de toutes les démences. Mais il y en a bien d’autres formes. Parmi les plus courantes figurent les démences dites «vasculaires», car elles sont dues à des lésions dans les vaisseaux sanguins cérébraux. Ou celles nommées «à corps de Lewy», du nom du neurologue allemand qui, le premier, a découvert la présence de dépôts de protéines dans le cortex et le tronc cérébral de personnes mortes de la maladie de Parkinson. En fait, «les démences ont souvent une origine mixte», constate Christophe Büla, chef du Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV); des problèmes vasculaires peuvent alors «accélérer le processus qui conduit à la maladie d’Alzheimer». Mais quelles que soient leurs formes et leurs origines, toutes les démences ont, in fine, les mêmes effets néfastes: elles altèrent les fonctions cognitives et en particulier la mémoire.

Le cerveau privé d’oxygène

Parmi les facteurs qui favorisent l’apparition de démences vasculaires figurent les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Ceux-ci sont dus à l’accumulation de graisses sur la paroi des artères qui se trouvent alors rétrécies ou carrément obstruées. De ce fait, le cerveau est insuffisamment irrigué et il se trouve privé de l’oxygène nécessaire à son bon fonctionnement.

Parfois, «les lésions sont microscopiques et, comme l’ont constaté nos collègues des Hôpitaux universitaires de Genève, celles qui affectent les parties les plus extérieures du cerveau sont délétères pour la cognition», précise Christophe Büla. Elles s’accumulent au fil des ans et, la plupart du temps, passent inaperçues.

L’AVC peut aussi être la conséquence d’un dysfonctionnement du cœur. Lorsqu’apparaissent certains troubles du rythme cardiaque ou quand une partie de la paroi du cœur ne se contracte plus correctement après un infarctus du myocarde, «il peut se former des caillots sanguins qui migrent jusqu’au cerveau, provoquant de microembolies».

Quoi qu’il en soit, l’accident vasculaire cérébral étant pour le cerveau ce que l’angine de poitrine est pour le cœur, ses facteurs de risque sont bien connus, les principaux étant le tabac, l’hypertension, l’excès de cholestérol, l’obésité et le diabète de type 2. Les observations faites à l’aide de l’IRM cérébrale ont d’ailleurs révélé «une association entre cette dernière maladie –elle aussi très fréquente chez les personnes âgées– et le développement d’une atrophie cérébrale, notamment au niveau de l’hippocampe» (petite structure impliquée dans la mémoire), écrivent Christophe Büla et ses collègues dans la Revue médicale suisse. C’est sans doute par ce biais que le diabète de type 2 augmente d’une fois et demie à trois fois le risque de démences, au point que les auteurs considèrent que, entre ces deux pathologies, se sont établies des «liaisons dangereuses».

«Toutefois, tout ce qui est bon pour le cœur est bon pour le cerveau», souligne le spécialiste du CHUV. Autrement dit, en cessant de fumer, en adoptant une alimentation équilibrée et en faisant de l’exercice physique, il est possible de diminuer le risque d’AVC et, par conséquent, celui de développer une démence vasculaire. L’étude de la cohorte de Framingham –qui surveille, depuis 1970, la santé cardiovasculaire et cognitive de la population de cette ville américaine– en a apporté une confirmation. Des résultats publiés récemment indiquent que, depuis le début des observations, l’incidence des démences (c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas diagnostiqués chaque année) a baissé en moyenne de 20% tous les dix ans. Un déclin que les auteurs de cette vaste étude épidémiologique attribuent en grande partie a la prévention des maladies cardiovasculaires.

La démence pugilistique de Cassius Clay

Les arrêts respiratoires peuvent, eux aussi, priver le cerveau d’oxygène et provoquer la mort des neurones. Ils peuvent survenir après une intervention chirurgicale et se traduisent par un état confusionnel aigu. Généralement, «en vingt-quatre ou quarante-huit heures, tout rentre dans l’ordre», précise Christophe Büla. Mais il arrive aussi que les patients gardent des séquelles qui favorisent l’apparition de démences. En fait, ni l’opération elle-même ni l’anesthésie ne sont directement responsables de ce phénomène. Selon le médecin du CHUV, elles ne font que «révéler des maladies sous-jacentes». En diminuant l’apport d’oxygène au cerveau, elles produisent «le même effet que des remous sur une mer calme qui laissent soudain apparaître un iceberg».

Le cerveau est aussi malmené en cas de traumatismes crâniens ou de chocs répétés sur le crâne. Le célèbre boxeur américain Cassius Clay devenu Mohamed Ali en a fait l’amère expérience. Les nombreux coups à la tête qu’il a reçus au cours de ses combats ont vraisemblablement provoqué dans son cerveau «des microlésions accompagnées de microsaignements qui ont engendré des réactions inflammatoires dans les cellules gliales, ces cellules de soutien du tissu cérébral», explique Christophe Büla. Cela s’est traduit par l’apparition d’une démence dite «pugilistique», dont les symptômes sont similaires à ceux de la maladie de Parkinson.

Des médicaments pointés du doigt

Bien d’autres facteurs peuvent favoriser le développement de démences. A commencer par certaines maladies, comme celle de Parkinson ou de Huntington (toutes les deux se traduisant par la mort lente et progressive des neurones). Ou encore des infections, comme celle due au VIH, «qui entraînent des réactions inflammatoires susceptibles de faire, à long terme, des dégâts sur les neurones».

Certains médicaments sont aussi pointés du doigt. C’est, en particulier, le cas des agents anticholinergiques, très couramment utilisés pour combattre la toux ou la grippe. Ces substances agissent sur le système de transmission de l’information entre les neurones. Il n’est donc pas étonnant que, consommées régulièrement pendant une longue période, «elles engendrent une détérioration cognitive». En outre, poursuit Christophe Büla, «elles réduisent le volume de l’hippocampe» et, de ce fait, elles augmentent donc très probablement le risque de démence. «Ces médicaments sont donc à éviter.»

Comme le sont, dans un tout autre registre, «le stress chronique dépassant le niveau d’alerte» qui altère les capacités d’encodage de la mémoire, les carences en vitamines B12 ou encore l’alcoolisme chronique qui crée des «lésions irréversibles dans le cerveau».

Les démences ont dès lors de multiples causes, dont certaines restent d’ailleurs inconnues. Toutefois, si nul ne peut avoir la certitude d’échapper à ce triste destin, il est possible, en menant une vie saine, de tenter de se protéger contre les troubles cognitifs et la perte de la mémoire ou d’en retarder l’échéance.

L’obésité favorise-t-elle le vieillissement du cerveau?

Les personnes obèses ont un plus grand risque que les autres de souffrir de démence. Plusieurs études, menées avec la participation de quinquagénaires qui ont été suivis pendant plusieurs années, ont conclu que le surpoids accélérait la baisse des facultés cognitives liées à l’âge. Il semble donc y avoir une association entre le poids et la démence. Il n’est pas sûr, pour autant, qu’il y ait un véritable lien de cause à effet. L’obésité est en effet un facteur de risque pour toute une série de troubles du métabolisme –comme l’hypertension, le diabète de type 2 et l’excès de cholestérol– qui sont connus pour favoriser les démences. Toute la question est donc de savoir si «c’est l’obésité elle-même, ou les anomalies métaboliques lui étant associées qui accélèrent le déclin cognitif», souligne Christophe Büla, chef du Service de gériatrie et de réadaptation gériatrique du CHUV. En outre, des chercheurs ont aussi observé que, si l’obésité à l’âge adulte augmente le risque de démence à un âge avancé, lorsqu’elle se développe à partir de 65 ans, elle produit l’effet inverse: elle ralentit le déclin cognitif. Ce phénomène est «troublant», constate le spécialiste. Comment l’expliquer? Chez les plus de 65 ans, avoir un faible poids pourrait être un marqueur des premiers signes de détérioration cognitive. «Mais il n’est pas exclu que l’obésité ait un effet protecteur.» Le débat reste ouvert.

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Paru dans Générations, Hors-série «Tout savoir sur notre mémoire», Novembre 2016.

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