Le burnout est-il une «maladie professionnelle»?

Dernière mise à jour 19/05/16 | Article
Le burnout est-il une «maladie professionnelle»?
Le burnout est caractérisé par un épuisement émotionnel, une distanciation et une baisse de la performance personnelle. Il n’existe actuellement pas de définition communément admise du burnout, cet état n’étant d’ailleurs pas reconnu dans les classifications médicales. Toutefois, le burnout est souvent pris en compte par les médecins dans le cadre d’arrêts de travail. Cette façon de faire est-elle conforme au cadre légal? Vu son lien étroit avec le travail, ne serait-il d’ailleurs pas plus exact de qualifier le burnout de «maladie professionnelle»?

Le burnout (ou syndrome d’épuisement professionnel) est un terme générique désignant un état de fatigue émotionnel, mental et physique caractérisé par un manque de motivation et de performance après des mois, voire des années de surmenage. Les causes principales du burnout sont les facteurs de stress tels que la trop grande quantité de travail, les conflits interpersonnels, le manque de reconnaissance ou de marge d’action. Selon le SECO1, le rapport étroit au travail différencie cet état d’épuisement d’états émotionnels plus généraux. Aujourd’hui, le burnout n’est pas reconnu comme un trouble à part entière dans les classifications nosologiques internationales de référence comme le CIM-10 ou le DSM 5. Il n’existe d’ailleurs pas à l’heure actuelle de critères communément acceptés au sein de la communauté médicale pour le diagnostiquer.

Pas de diagnostic reconnu

En d’autres termes, le burnout ne constitue pas un diagnostic médical, contrairement à la dépression qui peut compliquer cet état d’épuisement. Cette absence de qualification n’empêche toutefois pas le médecin d’évaluer le burnout, par exemple en utilisant l’échelle de Maslach qui évalue les trois critères principaux, à savoir: l’épuisement physique et psychique, la dépersonnalisation et le sentiment de ne plus arriver à faire son travail. Comme le burnout n’est pas un diagnostic reconnu, le patient peut-il tout de même bénéficier d’un arrêt de travail si le médecin considère que cela se justifie? Selon le Tribunal fédéral, le certificat médical peut être défini comme une constatation écrite relevant de la science médicale et se rapportant à l’état de santé d’une personne, singulièrement à sa capacité de travail.2 L’art. 34 du Code de déontologie de la FMH prévoit que le certificat médical est un document officiel. Le médecin l’établit au plus près de sa conscience professionnelle et avec toute la diligence requise. Le but visé, la date et le nom du destinataire doivent figurer sur le document. Le certificat de complaisance est interdit. Rien ne s’oppose donc à ce que le médecin considère, même en l’absence d’entité nosologique correspondante, que l’état de santé du patient présentant un burnout n’est pas compatible avec une pleine capacité de travail et qu’il rédige un certificat d’arrêt de travail à cet égard.

Compte tenu des règles sur le secret professionnel, le médecin ne doit d’ailleurs pas faire état, dans le certificat d’arrêt de travail, du diagnostic retenu. L’employé n’a, quant à lui, pas à communiquer d’informations médicales à l’employeur. En principe, le travailleur a droit au paiement de son salaire durant l’arrêt de travail, à tout le moins pendant un temps limité (art. 324a al. 1 CO3) ou selon les conditions stipulées dans le contrat conclu entre l’employeur et l’assureur perte de gain si une telle assurance a été souscrite (art. 324a al. 4 CO). Durant l’arrêt de travail, l’employé est également protégé pendant un certain temps par les règles sur la résiliation du contrat de travail en temps inopportun (art. 336c CO). Il n’est toutefois pas exclu que l’employeur exige, en cas de doute sur le contenu du certificat médical, que la capacité de travail soit évaluée par le médecin-conseil de l’entreprise.

Une maladie professionnelle?

Selon l’art. 9 al. 1 LAA4, sont réputées maladies professionnelles les maladies dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux5. Le burnout ne peut être qualifié de maladie professionnelle au sens de cette disposition légale. Une maladie peut également être reconnue comme maladie professionnelle s’il est prouvé qu’elle a été causée exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle (art. 9 al. 2 LAA). Il convient dans ce cas de se fonder sur des critères épidémiologiques pour évaluer si l’affection résulte à plus de 75% de l’activité professionnelle6.

Vu l’origine multifactorielle du burnout, il ne paraît pas possible d’arriver à prouver que tel soit le cas. Dans ces conditions, le burnout ne saurait être qualifié de maladie professionnelle.7 Partant, l’assurance-accident8 n’est pas tenue de prendre en charge les frais et la perte de gain liés à cet état. Selon le ministre de la santé, Alain Berset, le burnout ne devrait d’ailleurs pas être intégré à l’avenir dans les maladies professionnelles au sens de la LAA car «l’épuisement professionnel n’est pas très bien défini sur le plan scientifique. Souvent, ce sont des situations présentant de nombreux facteurs, auxquels participent également des facteurs extraprofessionnels»9. Il n’est toutefois pas impossible que des changements interviennent car la définition du burnout pourrait évoluer au gré de l’avancement de la science médicale.

La prise en charge des frais médicaux liés au burnout

L’assurance obligatoire de soins (AOS) prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (art. 25 LAMal10). Est réputée maladie toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail (art. 3 al. 1 LPGA). Cette définition de la maladie au sens des assurances sociales ne fait pas référence à d’éventuelles classifications nosologiques. Le traitement du burnout sera donc à la charge de l’assurance de base dans la mesure où l’une ou l’autre des facettes de cet état d’épuisement a un «caractère de maladie» au sens de l’art. 3 al. 1 LPGA, ce qui est par exemple le cas de la dépression.

Que faut-il retenir?

Le burnout n’est pas une maladie reconnue dans les classifications nosologiques internationales de référence comme le CIM-10 ou le DSM 5. Il ne s’agit donc pas d’un diagnostic médical. Cet état d’épuisement peut toutefois donner lieu à un arrêt de travail, selon l’appréciation du médecin sur l’état de santé du patient, respectivement de sa capacité de travail. Le salaire est en principe dû pendant la période d’incapacité de travail et l’employé est protégé un certain temps contre la résiliation de son contrat. En l’état actuel du droit suisse, le burnout n'étant pas une maladie professionnelle, la prise en charge de ses conséquences par l’assureur-accident n’entre pas en ligne de compte. L’assurance obligatoire de soins prendra, quant à elle, en charge les frais médicaux relatifs au traitement des facettes du burnout qui ont un caractère de maladie, comme la dépression.

_________

1 Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), Commentaire de l’ordonnance 3 relative à la loi sur le travail, p. 250.

2 Arrêt du Tribunal fédéral du 28 septembre 2005, 4C.156/2005.

3 Code des obligations.

4 Loi fédérale sur l’assurance-accidents.

5 Les substances nocives et les travaux en question sont énumérés à l’annexe 1 à l’OLAA.

6 SUVA: «La réponse de la SUVA sur le développement des troubles de la santé associés au droit du travail», www.suva.ch/fr/progres-suva.htm

7 Il entre en revanche selon le SECO dans la catégorie des «troubles de la santé associés au travail».

8 L’assurance-accident alloue des prestations en cas d’accident professionnel, d’accident non-professionnel et de maladie professionnelle (art. 6 al. 1 LAA).

9 Le Matin, édition du 17 juin 2015, «Burnout au boulot, Berne refuse de payer».

10 Loi fédérale sur l’assurance-maladie.

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