Les troubles mnésiques chez l’adulte âgé : déni ou oubli ?
L’adulte âgé est confronté à des pertes nombreuses et diverses (retraite, décès d’un proche, changement de lieu de vie, hospitalisation,...) qui mettent parfois à mal son identité, parfois de manière discrète sans même que son entourage s’en rende compte. Pour un certain nombre d’individus, cette nouvelle crise identitaire est insurmontable et face à un vécu douloureux et angoissant, l’oubli pourrait être une solution. Rappelons que face à la souffrance psychique, ne plus penser, oublier est un but fréquemment recherché.
Dans un contexte de crise identitaire ou une dépression, l’oubli ne doit pas être uniquement pensé chez le sujet âgé comme une perte de mémoire liée à l’âge, c’est-à-dire comme un problème organique. L’oubli peut également être un mécanisme défensif (déni), une solution pour faire face à un vécu douloureux. Dans ce sens, le déni pourrait cliniquement se traduire par des oublis répétés nous amenant à le confondre avec une atteinte organique (par ex. une démence débutante). Il est donc essentiel d’essayer de mieux comprendre ce que représente le fait d’oublier pour un individu âgé, c’est-à-dire se soucier du sens et de l’origine de cet oubli. Si on identifie un déni, on pourra alors proposer des interventions psychothérapeutiques au sujet âgé afin de l’aider à diminuer sa souffrance psychique. On évite ainsi qu’il sombre dans une dépression qui pourrait le conduire à terme à « développer » une démence. En effet, plusieurs études longitudinales montrent que la dépression associée à des troubles mnésiques (cognitifs) dans l’âge avancé est un facteur de risque de démence. Ces résultats suggèrent donc qu'une fragilité particulière sur le plan psychopathologique pourrait favoriser la survenue d’une démence
Une prise en charge psychothérapeute est donc essentielle. Deux exemples montrent que les traitements, qui sont parfois difficiles, peuvent néanmoins être efficaces.
Traitements psychothérapeutiques face à l’oubli
Le premier cas est typique. Madame A, 74 ans, sans enfant, développe un état dépressif sévère suite au décès de son mari. Elle est hospitalisée à plusieurs reprises. Lors de son troisième séjour, l’équipe soignante s’interroge face aux oublis massifs de cette patiente: Mme A émet les mêmes demandes chaque jour, elle est désorientée dans le temps et pense toujours qu’elle participe pour la première fois à un groupe de parole qu’elle fréquente pourtant depuis plusieurs mois. Un bilan neuropsychologique objective des difficultés cognitives. Après réflexion, l’équipe soignante fait l’hypothèse que la patiente fait face à une situation insupportable (décès du mari, solitude, …) en ayant développé un déni qui se manifeste notamment par des difficultés de mémoire, des oublis. S’ensuit un travail psychothérapeutique. Le déni régresse progressivement, la patiente peut par moment élaborer de manière adéquate ses difficultés, souvent au prix d’une recrudescence de sa dépression. L’amélioration du moral de la patiente va s’accompagner d’une diminution de ses difficultés cognitives. Ceci se traduit par une normalisation de ses performances cognitives lors d’une seconde évaluation neuropsychologique réalisée un an plus tard. Les troubles cognitifs “au service” du déni sont donc réversibles.
Le second exemple montre que même dans un contexte de maladie d’Alzheimer, le fonctionnement cognitif du patient peut fluctuer. Madame B, 73 ans, sans enfant, est hospitalisée en raison d’idées suicidaires suite au décès de son mari. A son arrivée à l’hôpital, la patiente nie la mort de son époux, celui-ci étant par ailleurs fortement idéalisé. L’équipe soignante constate des difficultés cognitives, notamment de nombreux oublis. Un bilan neuropsychologique objective une atteinte sévère de la mémoire et une désorientation (dans le temps et l‘espace). Une maladie d’Alzheimer est diagnostiquée. Puis, l’équipe soignante constate que les troubles cognitifs de Mme B fluctuent en fonction de son état émotionnel et que Mme B oublie surtout lorsqu’elle est confrontée à des difficultés que son psychisme ne peut supporter, comme si elle avait besoin de les mettre à distance. Un travail psychologique, notamment sur le deuil de son époux, est entrepris. Avec le temps, l’équipe soignante relève de plus en plus d’authenticité et de reconnaissance de la réalité, le déni s’estompe, une image plus nuancée de son mari et de leur vie de couple apparaît. Le travail psychologique a permis à la patiente de pouvoir progressivement se représenter l’insupportable, la mort de son mari. ce qui a eu pour conséquence une amélioration de sa mémoire (même si celle-ci reste perturbée).
Ces deux exemples montrent que l’oubli peut être un mécanisme défensif ou une solution pour faire face à un vécu douloureux et angoissant. Pour éviter une évolution de ces troubles vers une démence, il est essentiel de proposer des interventions psychothérapeutiques aux patients de plus de 60 ans déprimés, particulièrement ceux qui présentent des troubles cognitifs.
Références
Adapté de « Interpréter les troubles cognitifs dans les troubles thymiques à l’âge avancé », Dr Christophe Delaloye, centre de neurogérontopsychologie, Chêne-Bourg, in Revue médicale suisse 2010; 6: 754-7, en collaboration avec les auteurs.
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