Notre petite bibliothèque de souvenirs

Dernière mise à jour 10/11/16 | Article
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Des souvenirs d’enfance aux tables de multiplication, notre mémoire a su enregistrer ces éléments comme autant d’ouvrages dans une bibliothèque infinie. Mais comment? Décryptage

Nous ne garderons rien, ou presque, de la profusion d’images et de sons dont nous sommes inondés quotidiennement. Ceux-ci auront été pris en charge par notre mémoire échoïque (ou conscience perceptive), première étape de notre mémoire qui transforme les instantanés de notre vie en un flux continu. Sitôt la porte de l’immeuble franchie, nous oublierons probablement le code d’entrée, préservé un moment par la mémoire à court terme, seconde étape de mémorisation. Ces éléments ont cependant une chance d’être retenus s’ils se hissent au troisième stade: la mémoire à long terme. Avec elle, les règles changent. Les capacités de stockage deviennent infinies et les temps de conservation potentiellement illimités.

Mais le privilège de s’élever au rang de souvenirs «à vie» se mérite. Quel que soit le fait ou l’événement, il va devoir subir une consolidation pour être assimilé à long terme. Pour ce faire, trois facteurs sont à considérer: la répétition, facteur majeur de la transformation d’un élément en souvenir grâce à l’activation de circuits neuronaux impliqués dans la mémorisation; l’attention, qui facilite le passage d’un élément à la mémoire à long terme; le sommeil, qui permet la consolidation de nouvelles informations. Outre ces prérequis, le processus de consolidation des souvenirs sera achevé par des moyens plus ou moins efficaces employés par les individus pour favoriser la mémorisation. Néanmoins, ces «techniques» n’assurent pas un maintien irréprochable de nos souvenirs, notre mémoire n’étant malgré tout pas infaillible.

Des processus inconscients

En parallèle des démarches liées à la consolidation des souvenirs, le processus de mémorisation à long terme va opérer un circuit dont nous n’avons aucune conscience et qui témoigne de l’existence d’un délai avant que la «gravure» dans le système ne soit effective. La preuve en est apportée en cas d’amnésie traumatique ou, à la suite par exemple d’une chute violente entraînant une perte de connaissance, aucun souvenir des minutes ou des heures qui ont précédé le choc ne survivra. Et pour cause, les heures qui suivent une acquisition nouvelle sont déterminantes pour la préservation et la consolidation des souvenirs; or, dans ce cas, elles ont été brutalement perturbées, enrayant le processus.

Fidélité de nos souvenirs

Une des caractéristiques de la mémoire à long terme est son infidélité. A l’image des portraits-robots plongeant les témoins d’une agression dans le doute, nos souvenirs ne sont pas gravés dans un bloc immuable. Immanquablement, nous resterons surpris de la discordance entre le souvenir que nous en avions et la réalité d’un lieu de notre enfance où nous retournons bien longtemps après ou encore par le visionnage d’un film ancien semblant avoir perdu ce qui nous avait séduit alors.

Plus généralement, nous resterons auteurs et victimes de la perpétuelle reconstitution des anecdotes que nous racontons et que, malgré nous ou en toute conscience, nous recolorons au fil des narrations. Chloé, 28 ans, se souvient: «Je revois un phasme dans le salon. Je devais avoir une dizaine d’années, et je me souviens d’avoir été amusée par cette drôle de brindille. Mais mon intérêt a viré à la frayeur quand j’ai vu les autres, un, deux, puis une dizaine. J’ai reparlé de cette scène avec mes parents des années plus tard, ils se souvenaient parfaitement du seul phasme s’étant jamais aventuré dans la maison. Il semble que ma mémoire ait quelque peu exagéré à mon insu!»

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Paru dans Générations, Hors-série «Tout savoir sur notre mémoire», Novembre 2016.

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