L’embonpoint profite aux personnes âgées

Dernière mise à jour 27/05/21 | Article
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Avec l’âge, avoir quelques kilos en trop est bon pour la santé. C’est ce que confirment des études récentes.

C’est une sorte de fatalité pour beaucoup de monde: avec l’âge, on a tendance à grossir. Le poids moyen des Suisses augmente statistiquement au fil des ans, pour culminer à la retraite. La prévalence de l’obésité suit cette tendance, en passant de quelques pourcents à l’adolescence à environ 20% chez les 65-70 ans. Faut-il faire un régime? Rien n’est moins sûr. Prendre du poids en vieillissant est non seulement normal, mais ce serait aussi un gage de longévité, à en croire un article publié fin février sur Medscape, site d’information médicale destiné aux professionnels de la santé.

Selon les professeurs Agathe Raynaud-Simon etBoris Hansel, médecins au Centre hospitalier universitaire de l’Île-de-France, à Paris, le surpoids ne serait pas aussi mauvais pour les aînés que pour le reste de la population adulte[1]. Il serait même associé à une diminution de 11% de la mortalité. Les experts français confirment ainsi les résultats de plusieurs études relativement récentes, qui plaident en faveur d’une dédramatisation de l’embonpoint. Par exemple, depuis 2013, l’épidémiologiste américaine Katherine Mayhew Flegal, spécialiste de l’obésité mondialement renommée, a publié plusieurs recherches montrant que les personnes légèrement enveloppées ont un risque de mortalité significativement moins élevé que les individus dont le poids est considéré comme idéal.

De son côté, la diététicienne Caryl Nowson, professeure à l’Université Deakin de Melbourne, a observé que le risque de décès est le plus faible chez les aînés qui ont une petite dizaine de kilos en trop. Et cet avantage est statistiquement significatif. D’autres recherches ont établi que leur risque de mortalité cardiovasculaire est diminué de 78% par rapport aux sujets de corpulence normale.

Pourtant, on ne peut pas conclure que l’excès pondéral ne pose aucun problème. Au dire des professeurs Raynaud-Simon etHansel, la réalité est plus complexe. Le critère de référence habituel est l’indice de masse corporelle (IMC), qui se définit comme le poids de l’individu divisé par le carré de sa taille (kg/m²). Prenons, par exemple, un homme et une femme de 50 ans qui mesurent respectivement 180 et 170 cm. Idéalement, leur IMC devrait avoisiner les 24,9, ce qui correspond approximativement à 80 kg pour l’homme et à 72 kg pour la femme. Un poids plus élevé les ferait entrer dans la catégorie des personnes en surpoids. Or, on sait qu’il existe un effet bénéfique jusqu’à un IMC de 29,9 (soit environ 96 kg pour lui et 86 kg pour elle). «En revanche, un IMC synonyme d’obésité, c’est-à-dire égal ou supérieur à 30, est clairement associé à un risque majoré pour la santé générale», affirme le Pr Alain Golay, médecin-chef de l’Unité d'enseignement thérapeutique pour maladies chroniques aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Bon nombre de spécialistes estiment nécessaire d’ajuster les normes pondérales pour les personnes âgées et la tendance va vers un assouplissement. Ainsi, sur le site internet du groupe des Cliniques privées Hirslanden, on lit que l’IMC «optimal» n’est pas uniforme dans la pyramide des âges, mais augmente progressivement pour s’établir à 23-28 à partir de 55 ans, ce qui correspond à un surpoids d’une petite dizaine de kilos.

En fait, pour dire les choses très simplement, les personnes qui ont le plus de soucis à se faire pour leur santé sont celles qui sont soit vraiment trop en excès de poids, soit vraiment trop maigres (IMC au-dessous de 18). Les premières sont exposées à une quantité de problèmes de santé: diabète, attaques cérébrales, accidents cardiaques, hypertension artérielle, syndrome d’apnées du sommeil, maladies rénales, arthrose invalidante, etc. Les secondes manquent de réserves pour faire face aux maladies graves et présentent un risque accru de fractures à un âge avancé en cas de chute.

Le paradoxe de la sarcopénie

Agathe Raynaud-Simon et Boris Hansel soulignent que la tendance à prendre du poids avec l’âge n’est pas directement imputable à l’ingestion d’une trop grande quantité de calories. Elle est plutôt consécutive au déclin de l’activité physique, qui est lui-même lié à une modification naturelle de la composition corporelle. L’avancement en âge s’accompagne en effet d’une fonte musculaire. Ce phénomène, appelé sarcopénie, touche environ 30% des plus de 65 ans et 50% des plus de 80 ans. Or, cette perte n’est pas visible sur la balance, car elle est généralement compensée par une augmentation de la masse grasse. Cela signifie que la sarcopénie peut paradoxalement affecter des personnes sévèrement obèses, ce cas de figure étant le plus inquiétant, puisque les inconvénients de l’obésité maladive s’additionnent à ceux de la sarcopénie. On parle alors de syndrome d’obésité-sarcopénie. Comme il se traduit par une faiblesse musculaire, il est facile à détecter chez la personne âgée: une difficulté à se lever de sa chaise sans prendre appui sur les accoudoirs, une marche pénible et ralentie sont des signes éloquents. Or, il est admis que le taux de mortalité augmente proportionnellement à la diminution de la masse maigre, c’est-à-dire la part du poids représentée par les muscles, les organes, les os et l’eau contenue dans le corps.

Comme il est pratiquement impossible, quand on perd du poids, de ne pas perdre aussi du muscle, la priorité des personnes âgées en surpoids ne devrait donc pas être de retrouver une taille de guêpe. Avant d’y songer, il faut prendre en compte le risque de sarcopénie. À partir de 70 ans, un amaigrissement s’accompagne de risques très élevés pour la santé, avertissent Agathe Raynaud-Simon etBoris Hansel. En revanche, il n’existe quasiment aucune contre-indication à l’activité physique, d’autant qu’elle permet justement de limiter la fonte musculaire. Les promenades du dimanche sont une bonne chose, mais il est conseillé de pratiquer aussi au moins une fois par semaine une activité plus exigeante ou des exercices de résistance, avec des bandes élastiques, par exemple. En matière d’activité physique, tout est bon à prendre! Une demi-heure de marche par jour suffit pour obtenir un effet positif sur le bien-être général. Bien sûr, la nourriture joue aussi un rôle: il est possible de prévenir simultanément l’augmentation de la masse grasse et l’apparition de la sarcopénie en privilégiant les aliments riches en fibres et en hydrates de carbone.

Surpoids et Covid-19, la double peine

Le cantonnement à la maison aggrave les problèmes de poids. Il n’existe pas de données officielles pour la Suisse, indique-t-on au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Mais en France, un récent sondage de l’Institut français d’opinion publique (Ifop) révèle que les mesures de confinement ont accentué la sédentarité de la population et, par conséquent, la prévalence de l’obésité: en moyenne, les Français ont pris 2,5 kg depuis l’année dernière.

Invoquant la fragilité des personnes obèses face au coronavirus, les associations françaises de patients réclament à présent le bannissement des publicités télévisées pour les aliments transformés hypercaloriques aux heures de grande audience. L’été dernier, le Premier ministre britannique Boris Johnson avait décidé d’interdire leur diffusion avant 21 heures sur les chaînes anglaises, précisément pour cette raison.

Sur un total de 101 patients contaminés et admis aux soins intensifs des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG), 83 présentaient un surpoids ou une obésité. Au CHUV, on estime que les deux tiers au moins des patients intubés souffrent d’obésité avérée.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 23/05/2021.

[1] https://francais.medscape.com/voirarticle/3606748

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