La source de la Jouvence féminine a été localisée
L’affaire réjouira ou révoltera. Elle vient d’être révélée sur le site de Current Biology. Sous la signature de deux hommes et d’une femme: Florencia Camus et Damian K. Dowling (School of Biological Sciences, Monash University, Clayton, Victoria, Australia) d’une part; de l’autre, David J. Clancy, Division of Biomedical and Life Sciences, School of Health and Medicine, Lancaster University, UK). Ces chercheurs nous expliquent en substances les raisons qui font que d’une manière générale dans le monde vivant (du moins dans le monde vivant sexué) les mâles voient moins longtemps le soleil que les femelles. Et les mêmes causes produisant généralement et depuis longtemps les mêmes effets, tout laisse penser que la découverte australo-britannique vaille pour l’espèce humaine.
Une inégalité innée
Restons un instant chez l’homme. Les tenants de l’acquis avaient jusqu’à présent invoqué des arguments tenus pour être de bon sens. A la différence des femmes, les hommes prenaient, volontairement ou pas, nettement plus de plus de risques – à commencer par l’exposition à la consommation d’alcool ou de tabac. C’était faire bien peu de cas de la dimension innée de la question et sur laquelle ont planché les auteurs de la publication de Current Biology.
Pour mieux comprendre la dimension biologique de l’affaire, ces chercheurs se sont penchés sur la célèbre Drosophila melanogaster et, plus précisément, sur l'ADN des mitochondries présentes dans les cellules de cette mouche à laquelle le vinaigre et la science génétique doivent tant. Il faut rappeler ici que les mitochondries sont les « centrales électriques » présentes dans toutes les cellules des organismes vivants et qu’elles ont à ce titre une influence sur le vieillissement de ces cellules. Or, il se trouve que dans les organismes pluricellulaires (et notamment les hommes, les femmes et les mouches du vinaigre des deux genres) les mitochondries «sont transmises par le sexe faible».
On veut schématiquement dire par là que cet organites intracellulaires sont présents dans le cytoplasme des ovocytes, pas dans les têtes des spermatozoïdes. Il en ressort que l’embryon puis le fœtus se développent avec les mitochondries «maternelles» dont les descendantes seront également ultérieurement présentes dans toutes les cellules (et durant toute la vie) de l’individu. En d’autres termes, l’ADN mitochondrial est chez ce dernier d’origine maternelle. L’hypothèse des chercheurs est que cet ADN mitochondrial pourrait être le siège de mutations bénéfiques pour le sexe faible et, paradoxalement, donner des forces à ce dernier. On peut le dire autrement: les mutations de l’ADN mitochondrial seraient favorables au sexe faible en raison des processus de sélection naturelle, mais seraient préjudiciables au sexe fort. Et parmi ces mutations, certaines pourraient contribuer à faire vieillir les hommes plus vite que les femmes.
Des mutations en faveur des «femmes»
Et c’est précisément cette hypothèse qui est vérifiée chez la mouche du vinaigre. Les chercheurs des universités Monash et de Lancaster ont étudié chez diverses souches de cet insecte la transmission de l’ADN mitochondrial de la mère à sa progéniture. Ils ont notamment comparé les matériels transmis et les espérances de vie comparées des mâles et des femelles. Ils ont alors eu la surprise de constater que les variations d'une seule lettre de l'ADN mitochondrial sont associées au vieillissement et à la longévité des mouches mâles, mais pas des femelles. Mieux: plus les variations sont importantes, plus les différences en termes de vieillissement et la longévité sont statistiquement significatives.
Comment mieux dire que des variations mitochondriales participent au vieillissement et à la longévité et qu’il y a là une inégalité majeure entre les deux genres? Les auteurs prennent toutefois soin de souligner que le vieillissement est un processus bien complexe avec de très nombreux autres facteurs impliqués. Ils ajoutent ainsi que d’autres recherches leur seront donc nécessaires pour déterminer si ce qui est vrai chez la drosophile l’est aussi chez l’homme. Il n’en reste pas moins qu’il a là une belle matière à réflexion sur les origines naturelles de l’inégalité. Et une réflexion d’autant plus intéressante (ou désespérante) que l’on voit bien mal (en 2012) comment cette inégalité génétique et fondamentale pourrait être un jour corrigée.
Pour l’heure, le constat de cette inégalité est inscrit dans les chiffres de l’OMS qui prévoit dans le monde une espérance de vie moyenne à la naissance de 66 ans pour les hommes et de 71 ans pour les femmes. Avec, certes, des variations nationales: 78 ans et 85 ans, respectivement, en France, 76 ans et 81 ans aux Etats-Unis, 47 et 50 ans en Afghanistan. Mises à part des différences qui ne profitent jamais aux hommes, si l’on s’intéresse à l’espérance de vie «en bonne santé», les différences demeurent encore et encore: 62,4 ans pour les hommes et 64,2 ans pour les femmes en France en 2008. Les méchants esprits observeront que cette inégalité est compensée par le fait que les femmes vivent, certes, plus longtemps mais qu’une fraction de cette différence est le fait d’une vie «en mauvaise santé». Que faut-il préférer, si tant est qu’une préférence puisse être ici formulée?