La psychothérapie fait partie des traitements les plus efficaces du monde médical
Un article CHUV |
CHUV. Quels sont les résultats médicaux de la psychothérapie?
Prof. Jean-Nicolas Despland. On estime qu’environ 70% des patients qui en ont suivi une, se sentent mieux qu’avant, 20% n’observent pas de changements et 10% vont moins bien. L’avantage d’une psychothérapie est que ses effets sont durables, car elle agit à la fois sur les symptômes et sur le fonctionnement du patient, et donc sur le risque d’une rechute.
Nous venons, par exemple, de développer une psychothérapie psychanalytique de 12 séances pour renforcer le traitement hospitalier de patients sévèrement déprimés.
Les personnes ayant suivi ce traitement allaient un peu mieux que les autres à la sortie de l’hôpital, mais beaucoup mieux trois mois après.
Et les 10% qui se sentent moins bien?
Comme toute thérapie, il existe des effets secondaires. La psychanalyse peut, par exemple, faire ressortir des souffrances passées auxquelles certaines personnes ont parfois du mal à se confronter. C’est une facette encore trop peu étudiée aujourd’hui.
Comment parvenez-vous à mesurer l’efficacité globale des psychothérapies?
La méta-analyse, qui fait la synthèse de plusieurs recherches, permet d’aboutir à une vision d’ensemble.
Elle détermine ce que nous appelons la «taille d’effet», qui évalue la différence entre le début et la fin du traitement ou par rapport à un groupe de comparaison. Toutes approches confondues, une psychothérapie d’une année affiche une taille d’effet moyenne de 0,82. En comparaison, la pharmacologie de l’arthrite rhumatoïde est à 0,61, les antidépresseurs entre 0,17 et 0,30, et la prévention du glaucome à 0,06.
Des chiffres suffisamment robustes pour conclure que la psychothérapie figure parmi les thérapies les plus efficaces du domaine médical.
«Près de la moitié des Suisses présenteront au moins un trouble psychiatrique au cours de leur existence.»
La psychothérapie serait donc plus efficace que les médicaments?
La neuro-imagerie montre une synergie entre les deux approches: elles ont des sites d’action communs, mais aussi des effets spécifiques et complémentaires sur le cerveau. Dans le cas d’une dépression, les antidépresseurs stabilisent le patient et sont moins chers à court terme, mais la psychothérapie s’avère plus économique à moyen et long terme, en raison de la prévention des rechutes. Or, il y a aujourd’hui une disproportion des moyens alloués à la recherche: les groupes pharmaceutiques dépensent des milliards sur les traitements biologiques des maladies psychiques, alors que les recherches sur les traitements psychologiques et les psychothérapies ne sont soutenues que par les organismes officiels, tel le Fonds national suisse de la recherche scientifique.
Sur quoi se fonde le succès d’une psychothérapie?
Sur deux facteurs principaux: d’abord la qualité du thérapeute, ensuite l’«alliance thérapeutique» qui se noue entre le médecin et le patient, à savoir s’ils sont d’accord sur le but du traitement et sur la manière de travailler et s’ils s’entendent bien. On ne peut pas prescrire cette alliance. Elle se développe si l’on arrive à déceler ce qui préoccupe le patient. Vouloir le soutenir semble moins efficace que vouloir l’entendre et le comprendre.
Le choix de l’approche n’est-il pas important?
En termes d’efficacité, il n’y a pas de différence fondamentale entre les différentes approches, qu’il s’agisse de thérapies psychanalytiques, cognitivo-comportementales ou systémiques (ndlr, les trois principales écoles). Ce choix influence seulement 1% de l’effet final. C’est le «paradoxe de l’équivalence»: les chemins sont différents, mais les résultats similaires. Et il est très difficile de déterminer à l’avance quel traitement est le mieux adapté à quel patient. Ce que l’on sait, c’est que l’alliance thérapeutique se développe mieux si l’on donne au patient ce qu’il veut, qu’il s’agisse d’un médicament, de consignes spécifiques entre les séances ou simplement d’une écoute qui soulage. C’est le mystère de la relation humaine. Il me semble important de respecter cette diversité et cette complexité.
Où se situe la limite entre une vraie maladie psychique et la simple quête de soi?
Les gens ne vont pas voir leur psychiatre par plaisir ou lorsqu’ils sont en bonne santé: il s’agit d’un processus qui peut être éprouvant, parfois de longue haleine. Près de la moitié des Suisses présenteront au moins un trouble psychiatrique au cours de leur existence. Le plus grand nombre de cas concerne la dépression, qui touche 20% des femmes et 10% des hommes. A mon sens, mettre en avant la question du «développement personnel», c’est surtout tenter de se rassurer face aux inquiétudes suscitées par la souffrance et les maladies psychiques.
Antidépresseurs: attention aux prescriptions abusives
«Il n’y a plus de querelle de clocher entre psychothérapeutes et pharmacologues.» Comme le souligne le professeur Chin Eap, psychopharmacologue clinique au Centre des neurosciences psychiatriques du CHUV, c’est bien souvent la combinaison d’une psychothérapie et de médicaments qui s’avère la plus efficace pour soigner les troubles psychiques. Du moins les pathologies graves, comme la schizophrénie.
Dans le cas des dépressions légères, la situation est plus ambiguë: «Les antidépresseurs n’étaient pas assez souvent prescrits il y a trente ans, mais il faut aujourd’hui prendre garde à ne pas tomber dans la situation inverse en les prescrivant contre de simples coups de blues. D’autres moyens doivent d’abord être explorés, comme par exemple un soutien psychologique, social ou familial. Car les antidépresseurs peuvent induire des effets secondaires parfois importants, comme des troubles gastro-intestinaux ou sexuels.»
Source
CHUV Magazine, hiver 2013: http://www.chuv.ch/chuv-chuvmag-psy.pdf