EMDR: une thérapie en quatre lettres

Dernière mise à jour 18/11/20 | Questions/Réponses
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L’Eye Movement Desensitization and Reprocessing, plus connue par son acronyme « EMDR », est une thérapie qui a le vent en poupe. La technique, qui consiste en un retraitement de l’information par des stimulations bilatérales, permet notamment de se libérer de ses traumatismes. Le point avec la Dre Lamyae Benzakour, psychiatre de liaison aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Qu’est-ce qu’un (psycho) traumatisme?

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Vous souhaitez en savoir plus ou trouver un praticien? Rendez-vous sur le site internet de l’association professionnelle EMDR Suisse: www.emdr-schweiz.ch

Selon le manuel diagnostic des troubles mentaux (DSM-5), un événement est considéré comme traumatique lorsqu’il nous confronte à la mort ou à une menace de mort, à une blessure grave ou à une menace de blessure grave de soi et/ou d’autrui. Le choc produit différentes réactions au niveau neurobiologique, en commençant par une hyperactivation de l’amygdale - région cérébrale impliquée dans la peur - qui entrave la bonne intégration du souvenir dans notre mémoire. Mal digéré, l’événement traumatique revient de manière anarchique, par flash-backs, cauchemars, provoque des angoisses, une agitation intérieure, une irritabilité, des accès de colère, un repli sur soi, et enfin, s’accompagne d’une tendance à éviter tout ce qui a été associé de près ou de loin à l’événement traumatique. L’ensemble de ces symptômes pendant plus d’un mois définit le trouble de stress post-traumatique (PTSD).

Sur quoi repose l’EMDR?

Cette approche repose sur une hypothèse neurobiologique du traitement de l’information. En raison du sentiment de peur intense, de l’impuissance et de la douleur ressentis, l’événement vécu n’a pas pu être traité de façon normale par le cerveau. «C’est un peu comme si on avait voulu ranger des vêtements dans un tiroir, mais qu’au lieu que tout soit bien rangé, les tiroirs se rouvraient spontanément et à n’importe quel moment», illustre la Dre Benzakour. L’EMDR permet de retraiter l’information par le biais de stimulations sensorielles bilatérales (droite/gauche) et grâce à un travail d’associations. Le but est que le souvenir puisse être digéré et ne se rappelle plus à la conscience de façon inopinée et douloureuse.

Comment se déroule cette thérapie?

Un traitement avec l’EMDR nécessite en premier lieu une anamnèse approfondie. Le thérapeute interroge son patient sur le traumatisme vécu et sur ses symptômes. Une fois le diagnostic posé, la thérapie, qui suit un protocole bien défini et structuré, peut commencer. L’établissement d’une relation de confiance entre le patient et son thérapeute est un préalable indispensable. Le rôle du thérapeute est de guider le patient dans ce processus et lui inculquer des outils pour s’apaiser, avant d’aborder les événements traumatiques. Pendant le retraitement, il veille à le rassurer et à le sécuriser. Dans le cas où plusieurs événements traumatiques sont associés, il s’agira de définir un plan de «ciblage» pour établir des priorités. Le traitement débute par une phase de stabilisation où on fait appel aux ressources du patient. Thérapeute et patient s’installent «en bateau». Le retraitement du (des) souvenir (s) douloureux se fait par le biais de stimulations sensorielles bilatérales. Elles peuvent être oculaires – comme le nom de la méthode l’indique – mais aussi tactiles ou auditives. Dans le cas des stimulations oculaires, le thérapeute fait de rapides mouvements avec ses doigts devant les yeux du patient et/ou tapote sur son bras, sa jambe et/ou accompagne cela de stimulations auditives. Le patient peut lui aussi créer des autostimulations en croisant ses bras par exemple. Au fur et à mesure, ce dernier évalue son ressenti. Le retraitement de l’information se poursuit tant que l’activation des souvenirs provoque des sensations négatives.

Est-ce que l’EMDR permet d’effacer les mauvais souvenirs?

Non, tous les souvenirs, même les pires, font partie de l’histoire de chacun et ne peuvent être gommés définitivement. Néanmoins, l’EMDR permet de travailler sur les sensations, pensées et émotions qui y sont associées. Lorsque le traitement réussit, le patient est capable de se remémorer son souvenir sous une forme neutre, libéré de sa charge émotionnelle. Il en garde une certaine maîtrise et n’est plus envahi par lui. En cas de traumatisme lié à un accident de voiture par exemple, un patient guéri sera à nouveau capable de monter dans une voiture sans revivre son accident.

Dans quelles situations peut-elle nous aider?

L’EMDR est reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme étant une méthode efficace pour traiter le PTSD. Elle peut soigner toutes sortes de symptômes consécutifs à un événement particulièrement éprouvant (accident, agression, viol, deuil traumatique, etc.). Mais ses indications dépassent le PTSD. Cette approche peut également être utile en cas de dépression, troubles anxieux, phobies, crises de panique, addictions, troubles obsessionnels compulsifs, douleurs chroniques, etc.

Permet-elle de prévenir l’impact d’un choc psychologique?

Oui. Les HUG ont recours à un protocole de prévention adapté aux situations d’urgence, pour les patients hospitalisés ayant été exposés à un événement potentiellement traumatique, comme un accident de la route, de ski, un accouchement ou des soins traumatiques, l’annonce d’un diagnostic difficile (HIV, cancer), un viol, une grave agression ou tout autre fait de violence interpersonnelle. Une séance unique d’EMDR est proposée aux patients dans les 72 heures après leur admission pour prévenir l’apparition d’un PTSD.

Est-ce que c’est pour moi?

L’EMDR, parce qu’elle confronte directement au traumatisme vécu, peut ne pas convenir à tout le monde. Il faut pouvoir accepter de perdre le contrôle pour laisser venir les images et sensations liées au souvenir douloureux. Parfois, un certain temps est nécessaire pour que la confiance avec le thérapeute s’installe et que le travail de mémoire puisse être amorcé.

Flash-back

L’EMDR a été inventée par le fruit du hasard par la psychologue Francine Shapiro, chercheuse au «Mental Research Institute» à Palo Alto en Californie. Atteinte d’un cancer, et alors qu’elle se promène dans un parc, la psychologue s’aperçoit, en balayant des yeux la cime des arbres, que ses pensées et sensations désagréables s’atténuent et que cela lui procure une sensation d’apaisement. Elle décide alors de tester scientifiquement cette intuition et confirme les effets bénéfiques des mouvements oculaires rapides dans le cadre d’essais cliniques en 1989. Sa découverte a été distinguée par le prestigieux prix américain «The Award for Distinguished Scientific Achievement in Psychology» en 1994.

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Paru dans L’Illustré le 23/09/2020.

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