Quand les enfants plongent dans l’hypnose

Dernière mise à jour 09/01/24 | Article
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De plus en plus, l’hypnose quitte ses atours sulfureux pour se muer en véritable alliée des soins, jusqu’à l’hôpital. À la clé: des bienfaits avérés, y compris chez les plus jeunes.

Trouver les mots… magiques

En tant que parent, comment soulager les appréhensions d’un enfant inquiet à l’idée d’un rendez-vous médical ou d’une intervention chirurgicale? Cinq conseils de la Dre Sibylle Gateau, pédiatre hypnothérapeute et auteure de Mon cahier d’autohypnose*. 

  1. Miser sur des termes positifs. Adressé à un enfant, le mot «peur»… fait peur, tout comme ses acolytes «douleur» ou «piqûre». À l’inverse, un «Ça va bien se passer» peut contribuer à apaiser.
  2. Éviter le mensonge. Promettre à un enfant qu’il ne ressentira rien, lors d’une piqûre par exemple, peut exposer à une perte de confiance quand l’inverse se produit. Mieux vaut dire la vérité, en l’emballant de bienveillance et de mots doux.
  3. Répondre aux questions. À l’approche d’un acte médical, les interrogations de l’enfant sont naturelles. Y répondre calmement, avec des termes simples et adaptés, est une aide en soi.
  4. S’appuyer sur du concret. Une fois les réponses données, l’idéal est de passer en mode «action», notamment s’il s’agit de préparer une hospitalisation, en laissant l’enfant choisir ses doudou, porte-bonheur, livre préféré, etc.
  5. Inviter l’imaginaire. Profiter d’un moment calme pour proposer à l’enfant de concocter sa bulle intérieure, un monde imaginaire dans lequel il pourra se réfugier en cas de besoin.

À peine quelques respirations et, en une fraction de seconde, les portes de l’imaginaire s’ouvrent avec fracas. C’est alors que se déploient des mondes inouïs, faits de désintégrateurs de stress, de potions enchantées, d’envolées à dos de licorne ou de dragon à la recherche de boucliers magiques. Instant lecture? Salle de cinéma? Rien de tout cela: bienvenue dans une séance d’hypnose pédiatrique! «Les enfants ont une capacité impressionnante d’investir leur imaginaire, quasi instantanément, parfois tout en parlant, jouant ou déambulant. Expérimenter l’hypnose est souvent pour eux d’une facilité déconcertante», constate le Dr Benjy Wosinski, médecin chef de clinique de pédiatrie et consultant d’hypnose médicale pédiatrique aux Hôpitaux universitaires de Genève. Dans un contexte de soins pédiatriques, l’hypnose peut prendre une multitude de formes. Elle peut être informelle, lorsqu’il s’agit par exemple de détourner l’attention le temps de quelques points de suture, ou plus structurée lorsqu’un enfant est adressé pour une problématique donnée, comme des douleurs chroniques, des troubles du sommeil ou une anxiété envahissante. 

Ressources intérieures

«Ce que permet l’hypnose est aussi infini que les voyages intérieurs entrepris par les enfants… et les plus grands, constate le Dr Wosinski. L’objectif peut tout aussi bien être de s’évader dans un monde imaginaire lorsque le moment présent est trop pénible que de revenir dans la réalité quand une douleur ou une émotion trop vive nous en a éloignés, ou bien encore de transformer une sensation désagréable ou trouver des ressources en voyageant dans le temps. Il peut par exemple s’agir de soigner une blessure passée ou ramener une "arme magique" d’un futur rêvé.» Au fil de ses pérégrinations mentales, l’enfant trouvera ses propres alliés et lieux de réconfort, devenant autant de ressources intérieures, pour tout de suite ou pour plus tard. 

Cette hypnose «pédiatrique» est-elle différente de celle que l’on imagine (à tort peut-être…) moins féérique des adultes? Pas vraiment, estime la professeure honoraire de l’Université de Genève et spécialiste de l’hypnose, Claire-Anne Siegrist: «Les principes de base sont les mêmes, à savoir éloigner les processus rationnels éventuellement gênants ("Je sais bien que je suis dans ma chambre et que j’ai mal!") pour s'absorber avec tous ses sens dans une expérience mentale, en la rendant suffisamment vivante et réelle pour que le cerveau fabrique les mêmes neurotransmetteurs que lors d'un vécu "réel". Ceci vaut autant lors des séances d'hypnose thérapeutique que d’autohypnose, ces dernières se pratiquant seul et visant surtout le bien-être (apaisement, endormissement, etc.).» Et de préciser: «Tout l’enjeu est de donner à chacun l'envie d’y recourir aussi souvent que nécessaire, ce qui suppose que la technique soit simple, ludique, adaptée à l'âge et aux intérêts personnels. C’est là que certaines différences se dessinent. Si le monde magique des enfants inclut souvent animaux, sucreries et compagnons héroïques, les plus grands pourront préférer compétition sportive, virée shopping ou encore jeux vidéo imaginaires.» 

Efficacité démontrée sur la douleur et l’anxiété

Aussi délicieuses ou loufoques soient-elles, ces expériences portées par l’imaginaire ont pu démontrer leur efficacité: «On sait aujourd’hui, notamment grâce à l’observation de l’activité cérébrale à l’IRM, que l’hypnose permet de réellement diminuer les sensations douloureuses et l’anxiété grâce à un état de conscience modifié», souligne la Dre Sibylle Gateau, pédiatre hypnothérapeute et auteure de Mon cahier d’autohypnose*. Un état de conscience modifié… par l’enfant ou l’adulte lui-même! «Contrairement à une crainte encore répandue, la personne faisant l’expérience de l’hypnose reste totalement maîtresse de ce qui se passe, à tout moment du processus», poursuit l’experte. À noter que si celui-ci implique trois phases – l’induction (ancrage dans l’«ici et maintenant»), la transe (le travail hypnotique lui-même) et la sortie (retour à la pleine réalité) –, pour les enfants, il s’adapte: «Ils n’ont souvent qu’un pas à faire pour plonger dans le processus et en "sortir" tout aussi naturellement, l’esprit pétillant de solutions.» 

Côté adolescents, un frein peut apparaître: l’ombre de l’esprit critique, assez réfractaire à se laisser embarquer dans un monde imaginaire. «La phase d’induction peut dans ce cas être un peu plus longue, aidée des sensations corporelles et de la respiration, indique le Dr Wosinski. Il est alors intéressant d’échanger avec l’adolescent sur la force de son mental, qui a autant le pouvoir d’exacerber la souffrance… que de l’apaiser si on parvient à dévier certaines pensées. C’est là toute la puissance de l’hypnose.» 

Revers de la médaille souligné par l’expert: «Parce qu’il est potentiellement possible de modifier certaines perceptions et de revisiter nos souvenirs, la prudence s’impose quant au cadre de la pratique et au thérapeute envisagé (lire encadré). Simple mais pas anodine pour autant, l’hypnose peut présenter des contre-indications, comme la présence d’une pathologie psychiatrique instable.»

Frapper à la bonne porte

Si les bienfaits de l’hypnose sont indéniables, la pratique peut aussi s’avérer périlleuse si elle est dirigée de façon inadéquate ou à mauvais escient. En dehors d’un cadre médical strict, la vigilance s’impose quant au thérapeute choisi. Un repère: se référer à la liste des praticiens certifiés en hypnose tenue par la Fondation IRHYS**. Que les séances concernent un enfant ou un adulte, il est également important de tenir compte du ressenti et des résultats perçus. L’hypnose est considérée comme une thérapie «brève», une évolution positive peut être attendue dès les premières séances.

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* Sibylle Gateau, Mon cahier d’autohypnose, Éd. Planète Santé, 2023.

** www.irhys.ch

Paru dans Le Matin Dimanche le 31/12/2023

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