Papillomavirus: la lutte se précise

Dernière mise à jour 19/11/14 | Article
Papillomavirus: la lutte se précise
Après le frottis, le test HPV et l’auto-prélèvement, de nouvelles méthodes permettent de dépister ce virus responsable du cancer du col de l’utérus.

Le papillomavirus infecte les femmes, et les hommes, depuis des millénaires, puisqu’on l’a retrouvé dans des momies égyptiennes. Le papillomavirus (ou HPV pour human papilloma virus), transmissible par voie sexuelle, est d’ailleurs omniprésent dans la population: plus de huit femmes sur dix ont été contaminées au cours de leur vie. Généralement, elles ne se rendent compte de rien et guérissent spontanément dans les deux ans. Cependant, dans 5% des cas, l’infection peut provoquer des lésions précancéreuses qui, dix à quinze ans plus tard, conduisent parfois à un cancer. Fort heureusement, le dépistage ou la vaccination permettent de prévenir ce risque.

Le frottis, grand succès de la médecine préventive

Les femmes qui consultent leur gynécologue connaissent bien le frottis vaginal. Au cours de cet examen, le médecin prélève quelques cellules de la muqueuse à la surface du col de l’utérus. L’échantillon est ensuite envoyé à un laboratoire où la présence éventuelle de cellules anormales est repérée au microscope. Si la réponse est positive et que le col présente des lésions, il est alors possible d’ôter les zones anormales afin d’éviter qu’elles n’évoluent en tumeur.

La méthode est simple et, depuis sa généralisation au milieu du XXsiècle, elle a permis de réduire de 50 à 60% le nombre de cancers du col de l’utérus. Certes, la méthode «est peu sensible: une fois sur deux elle donne des résultats faussement négatifs», constate Patrick Petignat, médecin-chef du service de gynécologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Mais si elles échappent au premier frottis, les cellules anormales seront repérées au cours d’un examen ultérieur (lire encadré). «Bien que médiocre, ce test de dépistage a donc permis de sauver la vie d’un grand nombre de femmes», souligne le gynécologue, qui le considère comme «l’un des plus grands succès de la médecine préventive».

Beaucoup plus précis, le «test HPV» utilise les techniques de la biologie moléculaire qui détectent le virus grâce à son ADN et peuvent même dire si le type de HPV trouvé est associé à un faible ou un fort risque de cancer. Depuis peu, on voit apparaître sur le marché des dispositifs «de la taille des machines à café en capsule, qui effectuent l’analyse et donnent le résultat en une heure, pour un coût beaucoup plus bas que le frottis», précise Patrick Petignat. Déjà adopté aux Pays-Bas et dans les pays scandinaves, le test HPV «devrait donc se généraliser dans le reste de l’Europe, et notamment en Suisse, lorsque l’on sera sûr de son bon fonctionnement».

Dépistage du HPV: quand le faire?

A partir de quel âge faut-il se faire dépister?

Dès 21 ans et jusqu’à 70 ans.

A quel rythme?

En Suisse, il est recommandé de faire un frottis tous les deux ans entre 21 et 30 ans, et tous les trois ans entre 30 et 70 ans.

En cas de résultat positif, que fait-on?

Lorsque le virus HPV est repéré et que le frottis a mis en évidence la présence de cellules anormales, on pratique une colposcopie (examen au microscope du col de l’utérus). Si l’on détecte des lésions précancéreuses, on peut alors ôter les parties malades de la muqueuse.

Dépistage à domicile

Il reste que le frottis ou le test HPV nécessitent l’intervention d’un médecin. Or les enquêtes révèlent qu’en Suisse, 30 à 40% des femmes ne consultent pas régulièrement. Pour elles, la solution pourrait venir de l’auto-prélèvement.

En 2012, l’équipe de Patrick Petignat a lancé une étude, DEPiST, qui vise à évaluer la faisabilité et l’acceptabilité de cette méthode auprès de la population féminine genevoise.

Les volontaires reçoivent par la poste un kit renfermant un tampon-bâtonnet qui leur permet de prélever elles-mêmes, à domicile, les sécrétions vaginales. Il leur suffit ensuite de mettre ces dernières dans un tube prévu à cet effet et de l’envoyer aux HUG à des fins d’analyse.

Actuellement, 500 femmes ont participé à DEPiST – les médecins espèrent pouvoir en compter 1100 d’ici deux ans. Dans leur majorité, elles ont jugé ce test «pratique, facile et rapide, dit le gynécologue. Leur seule inquiétude était de savoir s’il est aussi fiable qu’un dépistage fait par des professionnels. Ce qui est le cas, d’après les études».

L’auto-prélèvement HPV étant destiné aux femmes qui ne se font pas dépister régulièrement, l’équipe des HUG a aussi cherché à connaître la population cible. «Nous pensions qu’ils s’agissait de personnes de milieux défavorisés ou qui craignent d’aller chez leur gynécologue, explique Patrick Petignat. A notre grande surprise, nous avons constaté que nos volontaires étaient surtout des femmes actives qui ont des enfants et qui ne trouvent pas le temps de consulter leur gynécologue».

Dans un prochain avenir, on disposera peut-être de tests urinaires –encore moins invasifs que l’auto-prélèvement– pour dépister le HPV. Une étude a récemment montré qu’ils étaient aussi efficaces que le frottis. Mais il est encore trop tôt pour conclure.

Le vaccin: une grande découverte

L’un des meilleurs moyens de prévenir l’infection par le HPV reste toutefois la vaccination. Depuis 2006, des vaccins sont disponibles sur le marché et ils sont proposés aux adolescentes de 12 à 14 ans, avant le premier rapport sexuel.

Le sujet fait débat, mais Patrick Petignat préconise cette vaccination qui «va réduire de 50% l’apparition de lésions précancéreuses, dont la moitié évolue en cancer».

A Genève, un des seuls cantons qui proposent la vaccination dans les écoles, plus de 60% des jeunes filles sont protégées contre le HPV. Ailleurs dans le pays, les statistiques manquent, mais il semble que le taux de couverture vaccinale soit faible. Au grand dam de Patrick Petignat, qui considère que ce vaccin est «la plus grande découverte de la décennie dans le domaine du cancer».

Et les hommes?

Les hommes peuvent être des porteurs sains du virus HPV. Ils n’en souffrent généralement pas et, actuellement, aucun test de dépistage ne leur est recommandé.

Pour Patrick Petignat, médecin-chef du service de gynécologie des HUG, le dépistage «n’apporte aucun bénéfice. S’il est positif, on ne peut rien faire puisqu’il n’y a aucun traitement». Quant à la vaccination, elle est envisageable lorsque «le taux de couverture des jeunes filles est faible», ce qui semble être le cas en Suisse. En Australie, la vaccination des garçons est déjà recommandée et elle fait l’objet de discussions au Canada.