Les raisons de la fragile fertilité des humains

Dernière mise à jour 06/12/22 | Article
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Parmi les paramètres de fertilité les plus étudiés, la quantité et la qualité du sperme chez les hommes pourraient avoir diminué au cours des cinquante dernières années. Si les causes sont peu connues, le lien avec une baisse de la fertilité est également peu clair.

Difficile d’éviter les perturbateurs endocriniens

Comme le constate Rita Rahban, chercheuse au Département de génétique et développement de l’Université de Genève, «les perturbateurs endocriniens ont envahi notre environnement. On les trouve dans nos meubles, dans l’air ambiant, dans les produits consommables ou de beauté, par exemple. Sans devenir paranoïaque, il faut développer une attitude consciente, à la fois chez les individus et les systèmes de santé.» Pour réduire le plus possible l’exposition à certaines molécules, il est conseillé de manger des produits variés et peu ou pas transformés, si possible sans pesticides, utiliser des matériaux inertes dans son activité quotidienne (verre, bois, métal) ou en tout cas ne pas chauffer les plastiques, et lire attentivement les étiquettes et les notices d’emballage. Dans le détail, concernant les plastiques, l’idéal est de privilégier ceux de classe 2 (PE-HD), 4 (PE-LD) et 5 (PP). Quant aux perturbateurs endocriniens communs à éviter, citons notamment les phtalates, les bisphénols, certains parabènes, le benzophénone (anti-UV), le PFC (anti-adhésif) et le Triclosan (anti-bactérien).

L’OMS définit l’infertilité comme l’impossibilité de concevoir un enfant spontanément après 12 mois de rapports sexuels non protégés et fréquents. En Suisse, cette maladie touche 10 à 15% de la population. D’un côté, de nombreuses études montrent une péjoration de la qualité et de la quantité du sperme. D’autre part, on constate une augmentation du recours à la procréation médicalement assistée ou PMA, comme la fécondation in vitro (FIV), qui s’est stabilisée depuis 2010 pour atteindre environ 6000 procédures par an. Peut-on pour autant dire que la fertilité est en baisse? Éléments de réponse de deux spécialistes. 

La fertilité, une notion complexe et difficile à évaluer

Pour le Dr Federico Del Vento, médecin chef de clinique au Service de gynécologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), il est difficile d’affirmer que la fertilité diminue par rapport au passé. «Il n’y a pas de paramètre précis pour quantifier la fertilité, explique-t-il. Beaucoup de facteurs influencent la fertilité chez la femme et l’homme, ils ne se limitent pas à la qualité du sperme ou à un utérus en bonne santé.» Le spécialiste rappelle aussi qu’il existe des variations physiologiques naturelles au cours de la vie, tant dans la qualité et la quantité des spermatozoïdes que dans la réserve d’ovocytes. Un couple fertile en bonne santé n’a d’ailleurs que 25% de chances de concevoir un enfant dans le mois. 

La qualité du sperme diminue, est-ce un problème?

«Dans des études rétrospectives, une baisse de la concentration et de la quantité totale de spermatozoïdes a été mise en évidence, explique Rita Rahban, chercheuse au Département de génétique et développement de l’Université de Genève. La notion d’une baisse généralisée reste toutefois controversée dans la communauté scientifique.» Pour Federico Del Vento, «cela vient notamment du fait que nous n’avons pas de données depuis suffisamment longtemps, que les critères et les techniques ne sont pas les mêmes selon les études ou qu’elles ont changé. De plus, la réduction du nombre de spermatozoïdes en cinquante ans, de 99 à 47 millions par millilitre de sperme, selon une étude de 2017, peut être considérée comme négligeable du point de vue de la fertilité: ce nombre reste bien au-dessus de la normale fixée par l’OMS, à savoir 15 millions par millilitre.» Difficile donc d’affirmer que cette diminution a un impact sur la fertilité masculine ou que cela devient pathologique. 

Le rôle des perturbateurs endocriniens

Souvent pointés du doigt, les perturbateurs endocriniens sont des molécules extérieures à l’organisme, naturelles ou synthétiques, qui peuvent interagir avec notre système hormonal et donc avec la fertilité, même si cela est difficile à quantifier. Certains imitent des hormones, les bloquent ou interfèrent avec leur production et leur régulation. On peut par exemple citer les pesticides, les dérivés du plastique, comme les phtalates et le bisphénol A, ou encore les métaux lourds. «Ce qui est problématique, c’est que les effets des perturbateurs endocriniens ne sont pas nécessairement liés à la dose reçue par un individu, constate Rita Rahban. Certains effets peuvent apparaître à de faibles doses. Par ailleurs, une exposition à un mélange de plusieurs perturbateurs endocriniens entraîne un effet cocktail complexe qui peut se révéler différent de l’effet d’une substance seule.» Une étude de l’Université de Genève parue en 2021 a d’ailleurs montré un lien entre l’exposition in utero à des perturbateurs endocriniens et une mauvaise qualité spermatique à l’âge adulte.

Pour la chercheuse, «ces substances agissent principalement durant la grossesse et affectent le développement des testicules, mais elles pourraient aussi affecter celui des ovaires. Les effets sur la femme constituent tout un pan de la recherche qui doit encore être investigué.»

Les facteurs qui influencent la fertilité

Les causes de l’infertilité sont nombreuses et souvent multifactorielles. Il existe des prédispositions génétiques liées à une diminution de la fertilité et des modifications épigénétiques (des changements d’expression des gènes, liés à l’environnement de l’ADN et non à sa séquence) qui apparaissant notamment au cours de la vie utérine. La fertilité diminue aussi avec l’âge. D’un autre côté, l’environnement joue également un grand rôle, comme notre lieu de vie et nos habitudes. Notamment, la pollution de l’air (particules fines par exemple) nuit à la fertilitéféminine et masculine. «Concernant nos comportements, la consommation de tabac et d’alcool, la sédentarité et une alimentation peu variée peuvent avoir un impact sur la fertilité (et la santé de manière générale). En particulier, on sait que l’alcool et le tabac ont un impact sur la qualité du sperme en termes de quantité et de mobilité des spermatozoïdes, et que l’effet dépend de la dose», explique Federico Del Vento, médecin chef de clinique au Service de gynécologie des HUG. Le surpoids est aussi un paramètre pouvant influencer négativement la fertilité, même s’il est difficile à quantifier et dépend des cas. Il faut donc l’utiliser avec précaution, aussi pour ne pas stigmatiser les personnes en surpoids. Quant au stress, le spécialiste se veut rassurant: «Ce n’est probablement pas un facteur déterminant ou une source d’infertilité. Le stress au travail ne va pas provoquer une fausse couche, par exemple.» 

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Paru dans Le Matin Dimanche le 13/11/2022

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