Les douleurs sexuelles, parlons-en!

Dernière mise à jour 06/12/23 | Article
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La plateforme «Pvssy Talk», en ligne depuis juin dernier, espère lever le tabou qui règne autour des douleurs sexuelles. Comment? En posant le sujet sur la table, en informant et en recensant des professionnels de santé sensibles à la question. Le point sur ses premiers mois d’existence avec sa créatrice, Anne-Soorya Takoordyal.

Difficile de parler des douleurs sexuelles, un sujet intime qui touche au corps et à la sexualité. Mais un sujet qui concernerait près d’une femme sur cinq. «Ce n’est donc pas, contrairement à ce que l’on m’a souvent répété au début de mon projet, un sujet de niche, loin de là. C’est surtout parce que l’on n’en parle pas que l’on pense que cela n’existe pratiquement pas», introduit Anne-Soorya Takoordyal, directrice de l’association No Dolor.

Face au manque d’informations fiables disponibles et à la détresse des personnes qui en souffrent, Anne-Soorya Takoordyal s’est ainsi lancée dans un projet inédit en Suisse romande. D’un prototype de site (lire encadré) réalisé dans le cadre de ses études de Bachelor, elle a créé un site complet dédié à ces questions. Baptisée «Pvssy Talk», la plateforme portée par l’association No Dolor a pour but premier d’informer le plus grand nombre. On y trouve des informations pratiques et des données précises pour que les femmes et personnes à vulve souffrant de douleurs sexuelles se sentent au mieux dans leur corps et leur sexualité.

La plateforme propose des articles sur les nombreuses maladies susceptibles de provoquer des douleurs sexuelles, articles validés par des médecins et des psychologues-sexologues. Elle incite aussi les femmes à effectuer des exercices de relaxation et à bien localiser les endroits qui les font souffrir, notamment pour pouvoir mieux les décrire aux professionnels de santé qui les prendront en charge. «Les femmes et les personnes à vulve ont besoin de mieux connaître et mieux comprendre leur corps pour se le réapproprier, estime Anne-Soorya Takoordyal, mais elles n’ont pas toujours été éduquées à l’observer et le regarder.»

Un important volet de santé mentale

Les douleurs entraînant des répercussions importantes sur le moral, la plateforme d’éducation sexuelle souhaite également parler de santé mentale. «Le soutien permanent de psychologues, lors de la conception puis de l’enrichissement de la plateforme, est pour nous essentiel car il nous permet de bien présenter et mettre en avant les possibles répercussions des douleurs sexuelles sur la santé mentale, explique la responsable. Celles-ci ont bien sûr des conséquences physiques mais aussi psychiques, qui doivent être mieux prises en compte.»

Le site permet aussi aux personnes qui le consultent de réaliser qu’elles ne sont pas seules face à ce problème et qu’elles peuvent partager leur expérience et leur vécu. «Il est important que les questionnements autour de ces thèmes se normalisent, estime la jeune femme. Bien qu’intimes et personnelles, toutes les questions méritent d’être posées et doivent trouver une réponse adaptée.»

Des douleurs qui affectent la qualité de vie

Les douleurs de ces personnes sont parfois minimisées, notamment par le personnel soignant. «Il est fréquent que ce problème ne soit tout simplement pas pris en compte par le corps médical», regrette Anne-Soorya Takoordyal. Et de poursuivre: «Il ne faut toutefois pas accabler les soignants. Notre objectif est plutôt d’avancer ensemble et de travailler conjointement pour faire progresser efficacement la reconnaissance et la prise en charge de ces douleurs.»

Et les choses semblent déjà commencer à bouger. «Certains jeunes médecins s’investissent pour une meilleure communication avec leurs patientes et une meilleure prise en charge de leur ressenti et de ces douleurs qui les handicapent dans leur vie quotidienne et intime mais aussi professionnelle», rappelle Anne-Soorya Takoordyal.

Un projet récompensé par la Croix-Rouge

Dès 2018, Anne-Soorya Takoordyal constate que les douleurs sexuelles ne sont pas un sujet connu du grand public et que les personnes qui en souffrent sont mal, voire pas informées. Elle crée alors un prototype de site d’information, récompensé par le prix du public du Prix Art Humanité de la Croix-Rouge. Trois ans plus tard, elle décide de poursuivre son travail et s’entoure d’autres professionnels. En juin 2023, le site www.pvssy-talk.org, accessible gratuitement, est en ligne. Et quelques mois plus tard, après avoir repéré que de nombreuses personnes ne savaient pas vers quels professionnels se tourner, l’équipe décide de créer un annuaire. «Celui-ci regroupe des professionnels sensibles aux questions de douleurs sexuelles, compréhensifs et bienveillants, l’annuaire se basant sur les recommandations de patientes», conclut Anne-Soorya Takoordyal.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 51 – Décembre 2023