Être père après 45 ans fragilise la santé de l’enfant

Dernière mise à jour 07/05/14 | Article
Être père après 45 ans fragilise la santé de l’enfant
Dans les pays industrialisés, les hommes ont tendance, tout comme les femmes, à faire des enfants de plus en plus tard.

De quoi on parle?

Les faits

Deux études publiées récemment dans des revues médicales montrent que les enfants conçus par des hommes de plus de 45 ans ont davantage de troubles mentaux et un risque accru de mortalité infantile.

La suite

Ces travaux confirment que l’âge du géniteur a un impact sur la santé physique et psychique des enfants et pourraient conduire à abaisser l’âge limite des donneurs de sperme.

Dans les pays industrialisés, les hommes ont tendance, tout comme les femmes, à faire des enfants de plus en plus tard. Or si les mères bénéficient d’un suivi attentif pendant leur grossesse, les médecins n’ont pas l’habitude de se préoccuper de l’âge du géniteur. Pourtant, il est maintenant admis que lorsque les hommes procréent à 45 ans ou plus, leurs enfants ont plus de risques que les autres de souffrir de troubles physiques ou mentaux.

Cette thèse n’est pas neuve. Il y a plus de cent ans, le médecin allemand Wilhelm Weinberg avançait déjà que l’âge du père pourrait avoir un impact sur la santé de ses descendants. Ce gynécologue qui s’occupait des pauvres avait constaté à l'époque que, dans les familles nombreuses, les derniers-nés souffraient plus fréquemment d’une forme de nanisme que les aînés. Il est depuis établi que le risque d’être atteint de cette maladie génétique augmente avec l’âge du père, indépendamment de celui de la mère.

Mortalité infantile accrue

Le chiffre 3,5

Selon une vaste étude menée en Suède, un enfant né d’un père de plus de 45 ans a un risque multiplié par 3,5 de devenir autiste, par 13 d’être hyperactif et par 24 d’avoir un trouble bipolaire.

Ces dernières années, les enquêtes cherchant à établir un lien entre l’âge du père et la santé de ses enfants se sont multipliées et vont toutes dans le même sens: comme les femmes, les hommes ont une horloge biologique dont ils doivent tenir compte lorsqu’ils se reproduisent. Deux études récentes viennent de le confirmer. La première a été réalisée par des médecins de Copenhague qui ont cherché à savoir ce qu’étaient devenus le million et demi d’enfants nés au Danemark entre 1978 et 2004. Ils en ont conclu que ceux dont le père avait entre 40 et 44 ans à la conception avaient un risque de mortalité infantile (notamment due à des malformations ou à des cancers) accru de 10% par rapport aux enfants dont le père avait de 30 à 34 ans. Quand l’âge du père excédait 45 ans, ce taux passait à 16%.

De leur côté, des épidémiologistes américains et suédois se sont intéressés à la santé mentale des enfants. Ils ont, eux aussi, mené une enquête d’une très vaste ampleur puisqu’ils ont scruté les dossiers médicaux des 2,6 millions de Suédois nés entre 1973 et 2001. Selon eux, l’enfant né d’un père de plus de 45 ans a un risque multiplié par 3,5 de devenir autiste, par 13 d’être hyperactif et par 24 d’avoir un trouble bipolaire.

Ces résultats sont issus d’études statistiques et ils doivent être mis en perspective avec la fréquence de ces troubles dans la population (une personne sur cent souffre de troubles bipolaires, par exemple). Toutefois, ils ne surprennent pas le Dr Dorothea Wunder, chef du service de médecine de la reproduction du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). «Depuis une dizaine d’années, on peut lire des études montrant un lien entre l’âge du père et l’autisme, mais aussi la schizophrénie ou encore les trisomies.»

Cela est aussi vrai pour les fausses couches. Longtemps, ces accidents de la grossesse ont été essentiellement attribués à l’âge de la mère et au fait que «les ovocytes deviennent moins souples à mesure qu’elle vieillit, reprend la gynécologue. Mais aujourd’hui, on sait que l’influence du père n’est pas négligeable. Lorsque celui-ci à plus de 45 ans, le risque est multiplié par trois.»

Les banques de sperme ne sont pas tenues à fixer une limite d'âge

Dons

Sur le plan biologique, un homme peut procréer presque toute sa vie, tant qu’il est fertile. Si chacun est libre de ses choix, les banques de sperme s’interrogent: doivent-elles limiter l’âge des donneurs? Les recommandations officielles «ne fixent aucun âge limite, ni en Suisse, ni en Europe, ni aux Etats-Unis», constate le Dr Dorothea Wunder, chef du service de médecine de la reproduction au CHUV. Toutefois, l’âge limite pour un don à la banque de sperme de l’hôpital vaudois est de 50 ans, précise son responsable Sébastien Adamski: «La grande majorité des hommes que nous recevons sont issus du milieu universitaire et ont entre 25 et 35 ans.» Les donneurs de plus de 45 ans sont très rares, poursuit le médecin, qui reconnaît cependant que «les nombreux articles scientifiques publiés sur l’influence de l’âge du père pourraient nous amener à abaisser l’âge limite de nos donneurs».

Erreurs de copie d’ADN

Pour expliquer l’influence du père, les chercheurs invoquent la génétique. «L’âge paternel est associé à des mutations de novo dans les spermatozoïdes», c’est-à-dire à des erreurs de copie de l’ADN «qui se manifestent au moment de la conception», précise le Dr Sébastien Jacquemont, du service de génétique médicale du CHUV (voir infographie). Contrairement aux ovules qui sont produits dès la naissance de la future mère, l’homme fabrique en continu ses spermatozoïdes. Plus il est âgé, plus ce processus de spermatogénèse accumule des fautes lorsque l’ADN se réplique. On peut maintenant compter le nombre des nouvelles mutations qui apparaissent au moment de la fusion entre les cellules sexuelles mâle et femelle et qui se retrouvent ainsi dans le génome d’un enfant. A mesure que les techniques d’analyse génétique s’améliorent, «on en trouve de plus en plus», souligne le généticien. C’est ainsi que l’on a constaté que «la majorité de ces mutations de novo sont d’origine paternelle».

Avoir des parents de plus de 40 ans n’a toutefois pas forcément que des inconvénients sur la santé. Dorothea Wunder cite une étude qui a montré que les enfants de mères plus «âgées» souffraient moins de blessures involontaires, étaient moins fréquemment hospitalisés que les autres, étaient mieux vaccinés et avaient un meilleur développement du langage. De la même manière, suggère-t-elle, on peut penser que, lorsqu’un homme a de l’expérience, la «relation père-enfant peut en bénéficier», même si cela n’a pas été démontré. Avis aux chercheurs qui voudraient se pencher sur la question.

Spermatogenèse

En collaboration avec

Le Matin Dimanche

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