Les maladies du cœur tuent plus les femmes que le cancer du sein
De quoi on parle
«Les femmes doivent rester vigilantes. En Suisse, les maladies cardiovasculaires sont, chez elles, la cause de décès No 1», a rappelé la Fondation suisse de cardiologie en lançant une nouvelle campagne baptisée «Femmes et cœur» à l’occasion de la Journée mondiale du cœur, le 29 septembre.L’information semble porter ses fruits. Depuis dix ans, les femmes sont plus nombreuses à se faire dépister.
Les maladies cardiovasculaires ont longtemps été considérées – à juste titre – comme des affections typiquement masculines. Mais ce n’est plus vrai. Elles frappent désormais de plein fouet les femmes, au point qu’elles sont même devenues la première cause de mortalité dans la population féminine, loin devant le cancer du sein. Plus inquiétant encore: alors que ces pathologies ont tendance à diminuer chez les hommes, elles sont en constante progression chez les femmes –surtout les jeunes. La faute au mode de vie.
Les maladies cardiovasculaires résultent d’un resserrement des vaisseaux sanguins qui entraîne un manque d’irrigation, donc des lésions, des organes situés en aval. Elles peuvent affecter non seulement le cœur et les artères coronaires (et conduire à un infarctus), mais aussi les vaisseaux cérébraux (provoquant un accident vasculaire cérébral, ou AVC) ou les artères et veines périphériques.
Les femmes en sont toutefois naturellement préservées par leurs hormones. «Les œstrogènes protègent en effet du «mauvais» cholestérol et dilatent les vaisseaux», explique Danielle Zaugg Longchamp, cheffe de clinique en cardiologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). C’est d’ailleurs pour cette raison que les troubles du cœur et des artères apparaissent le plus souvent après la ménopause qui prive les femmes de ces hormones bénéfiques. «Ils affectent une femme sur trois parmi les plus de 65 ans, contre une sur neuf avant cet âge.»
Ces affections sont toutefois en constante progression et touchent des femmes de plus en plus jeunes. L’explication tient au mode de vie. «L’émancipation féminine a conduit les femmes à adopter un comportement similaire à celui des hommes», remarque la cardiologue. Elles se sont mises à fumer –ce qui est d’autant plus dommageable que la pilule contraceptive augmente de beaucoup les effets nocifs du tabac – et à boire de l’alcool. Faute de temps, elles se nourrissent mal et grignotent, ce qui favorise l’hypertension, l’accumulation dans les artères de «mauvais» cholestérol, l’obésité et le diabète. Surchargées de tâches diverses, elles sont stressées et négligent l’activité physique. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant qu’elles augmentent leur risque de développer des maladies cardiovasculaires.
Les gestes qui sauvent
Les signes annonciateurs d’un trouble cardiaque diffèrent chez les femmes et chez les hommes. En revanche, quand l’attaque cardiaque survient, les représentants des deux sexes présentent les mêmes symptômes: ils perdent connaissance et leur pouls n’est plus perceptible.
Dans ce cas, chaque minute compte et une personne de l’entourage doit s’empresser de «faire un massage cardiaque – c’est le geste qui sauve – pendant qu’une autre appelle les secours», rappelle Danielle Zaugg Longchamp, cheffe de clinique en cardiologie au CHUV. Dans le même temps, si la victime de l’infarctus ne réagit pas et ne respire pas normalement, on doit utiliser un défibrillateur, lorsqu’un appareil est disponible dans les environs.
Pour l’instant, ces pathologies affectent encore très rarement les moins de 35 ans, mais «cela pourrait changer, notamment à cause de l’obésité qui se répand», remarque la spécialiste.
Pourtant les femmes n’ont pas encore vraiment pris conscience de l’ampleur du problème et méconnaissent souvent les signaux d’alerte de la crise cardiaque. Il est vrai que «leurs symptômes sont sournois et peu spécifiques», constate Danielle Zaugg Longchamp. Alors que chez les hommes les signes avant-coureurs de l’infarctus se manifestent souvent par une douleur dans la poitrine irradiant la mâchoire et le bras gauche, ce type de douleur est plus rare chez les femmes. Elles ont plutôt des nausées, un malaise généralisé, une fatigue inhabituelle, un essoufflement à l’effort ou une douleur au milieu du dos. «Du fait de ces douleurs atypiques, les femmes tardent à appeler les secours», remarque la spécialiste du CHUV. Elles hésitent aussi à consulter et, lorsqu’elles le font, leurs généralistes tardent souvent à les envoyer chez un spécialiste. Le diagnostic n’étant pas facile à poser, les médecins de premiers recours se contentent souvent de donner à leur patiente un arrêt de travail ou de lui conseiller du repos. Ou même, estimant qu’il s’agit d’une crise d’angoisse, de l’envoyer chez le psychologue. Danielle Zaugg Longchamp le reconnaît, leur attitude est parfois «un peu sexiste».
Prise en charge tardive
Quoi qu’il en soit, les femmes souffrant de maladies cardiovasculaires sont prises en charge plus tardivement et «elles ne reçoivent pas toujours les traitements adéquats». Conséquence: elles sont plus nombreuses que les hommes à succomber à leur première crise cardiaque (lire encadré).
Une Suissesse sur trois meurt d’une maladie cardiovasculaire
En Suisse comme dans le reste du monde, une femme sur trois meurt d’une maladie cardiovasculaire. En 2009 (d’après les dernières statistiques disponibles de la Fondation suisse de cardiologie), près de 12 400 Suissesses sont décédées des suites de ces troubles (contre 9800 hommes).
Ces maladies sont en constante progression dans la population féminine alors qu’elles baissent dans la population masculine. En France, par exemple, entre 2002 et 2008, le nombre d’hospitalisations de femmes pour un infarctus du myocarde a augmenté de 14,6% chez les 35 à 44 ans et de 17,9% de 45 à 54 ans. Dans le même temps, on enregistrait une diminution chez les hommes: de 5,3% chez les 35 à 44 ans et de 8,2% chez les 45 à 54 ans. «Les chiffres suisses pour la même période confirment cette tendance», constate Danielle Zaugg Longchamp, cheffe de clinique en cardiologie au CHUV.
Les infarctus sont plus mortels chez les femmes: elles ont 50% de risque de succomber à leur première attaque cardiaque (contre 30% pour les hommes). Parmi celles qui ont survécu, 38% meurent au cours de l’année suivante (25% chez les hommes). De même, 11% des femmes qui ont un accident vasculaire cérébral (AVC) décèdent (8,4% des hommes).
Chez les femmes de moins de 60 ans, plus de 60% des infarctus sont attribuables au tabac. Par ailleurs, l’association tabac et pilule multiplie par cinq le risque d’affection cardiovasculaire.
La situation est toutefois en train d’évoluer dans la bonne direction. Depuis dix ans, en partie grâce aux campagnes d’information, les femmes commencent à prendre conscience que les maladies cardiovasculaires les concernent et les généralistes envoient plus rapidement leurs patientes chez le cardiologue. «Mais il faut continuer la lutte», affirme Danielle Zaugg Longchamp, qui s’emploie à sensibiliser les médecins de premier recours. Il faut en finir avec les idées reçues et reconnaître que la crise cardiaque et l’AVC sont aussi –et de plus en plus– une affaire de femmes.
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