Naissances prématurées: les défis se multiplient
Les récents rapports de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dressent un état des lieux inquiétant. Partout dans le monde, les naissances prématurées augmentent, jusqu’à atteindre un taux de prématurité1 avoisinant 11,1% des naissances. Et les chiffres à disposition, partiels, ne révéleraient qu’en partie l’ampleur du phénomène.
Les causes des naissances prématurées empruntent deux chemins distincts selon l’endroit du globe où l’on se trouve: infections, malaria, VIH, taux élevé de grossesses chez les adolescentes, dans les pays pauvres; âge maternel avancé et utilisation croissante d’inducteurs d’ovulation à l’origine de grossesses multiples dans les pays à revenu élevé. S’y ajoutent les déclenchements non justifiés du point de vue médical et les accouchements par césarienne avant terme.
Des causes multiples, teintées de la latitude sous laquelle se déroule la grossesse, qui aboutissent chaque année à un million de décès. Et, chez les nouveau-nés survivants, à des complications potentielles à long terme.
Défis majeurs pour la néonatalogie
Face à cette situation alarmante, l’OMS encourage une politique de soins envers la maternité et les enfants nés prématurément. Parmi les actions préconisées: la poursuite des efforts pour évaluer plus précisément l’ampleur de la prématurité à l’échelle mondiale, l’amélioration des soins et le suivi des femmes enceintes, et la prise en charge spécifique des nouveau-nés. L’accent est également mis sur le soutien nécessaire aux liens parents-enfants et sur l’importance de la recherche pour mieux comprendre les nombreux mécanismes en jeu dans la prématurité.
La néonatalogie se retrouve ainsi face à des défis majeurs. Spécialité de la médecine pédiatrique et intensive, la néonatalogie est dévouée à la prise en charge de tout nouveau-né. En Suisse, les enfants nés prématurément représentent 50 à 60% des admissions dans les centres périnataux de référence.
De remarquables progrès ont été réalisés ces cinquante dernières années, avec pour résultat une plus grande survie des enfants nés prématurément et une diminution des séquelles graves à long terme. Un constat qui se limite toutefois aux pays industrialisés.
En Suisse, une apparente stabilité
Les données publiées par l’Office fédéral des statistiques annoncent pour la Suisse des chiffres stables: un taux de prématurité (gestation inférieure à 37 semaines) de 7,5% des naissances, une proportion de grands prématurés (entre 28 et 31 semaines de gestation) de 0,6%, et de très grands prématurés (entre 22 et 27 semaines) à hauteur de 0,3%. Mais cette constance pourrait n’être qu’apparente. Et pour cause, l’âge de gestation à la naissance n’est recensé en Suisse que depuis le 1er janvier 2007. Un délai encore trop restreint pour en tirer des conclusions significatives.
Impact sur le long terme
Si le nombre de naissances prématurées ne cesse d’augmenter, des améliorations cruciales, portées par les nouvelles technologies, sont attendues pour les années à venir. Parmi elles: stratégies de prévention grâce à la découverte de mécanismes précipitant un accouchement prématuré; dépistage précoce et traitement rapide et ciblé d’infections spécifiques aux nouveau-nés; prévention d’un retard de croissance intra-utérin ou postnatal; nouveaux traitements de soutien respiratoire et circulatoire; techniques innovantes d’imagerie médicale; ou encore découvertes dans les domaines de la génétique et de l’épigénétique.
Au-delà des progrès techniques, une véritable révolution de la pensée médicale serait en marche. L’un de ses préceptes: «l’hypothèse de Barker» qui, dans les années 1990, a interpellé la pensée médicale. A l’aide de vastes études épidémiologiques, le chercheur britannique David Barker et son équipe ont démontré qu’un événement survenant pendant le développement prénatal, ou lors de l’adaptation à la vie extra-utérine, a un impact direct sur la santé à long terme de l’individu, en favorisant le développement de maladies chroniques. Ces pathologies recouvrent une grande partie des maux de notre société actuelle: hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires, obésité, diabète.
La recherche se poursuit donc sur les incidences d’une naissance prématurée, pour le nouveau-né et la santé de l’adulte qu’il deviendra. Il n’est ainsi pas impossible que demain, en marge de questions sur nos antécédents familiaux, notre tabagisme éventuel, et notre régime alimentaire, notre médecin s’intéresse aussi à notre développement fœtal, sa durée et les conditions de notre naissance.
1. Le taux de prématurité correspond à une naissance avant 37 semaines de gestation (sur une gestation normale de 39 semaines, soit 41 semaines d’aménorrhée).
«Né trop tôt», un lieu pour en parler
Au début des années 2000 s’est formée en Suisse romande l’association «Né trop tôt». Cette association a pour but de soutenir des parents d’enfants prématurés et œuvre pour ouvrir le dialogue autour de la prématurité.
Association Né trop tôt
Maternité du CHUV, Lausanne
Espace Parents 8° étage
Av. Pierre-Decker 2
1011 Lausanne
Pour en savoir plus:
www.netroptot.ch
Références
Adapté de «Naître trop tôt: un enjeu pour tous les partenaires de la santé, un enjeu de société», Pr Jean-François Tolsa, Lausanne, in Revue médicale suisse, 2014; 10 : 422-3. En collaboration avec l’auteur.