Autisme: la part génétique se confirme

Dernière mise à jour 30/09/20 | Article
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Si l'errance du diagnostic reste le lot de nombreuses familles, les recherches se multiplient pour percer les causes de l'autisme. Et la piste génétique n'est pas en reste: près d’un cas de trouble autistique sur cinq trouverait son origine dans les gènes des jeunes patients.

Facteurs de l’autisme: ce que l’on sait…

Au-delà du terrain génétique qui expliquerait une partie des troubles autistiques, d’autres facteurs sont suspectés, notamment environnementaux. La pollution ou encore les perturbateurs endocriniens font l’objet de nombreuses études mais rien de concluant n’a été démontré à ce jour. «Cela ne veut pas dire que l’on ne trouvera jamais rien», tempère la Pre Marie Schaer, médecin responsable du Centre de consultation spécialisé en autisme (CCSA) de Genève. Mais on ne peut pas affirmer de causalité pour l’instant».

Pour ce qui est du lien entre vaccins et autisme, les scientifiques sont en revanche formels: aucun lien de cause à effet n’a été démontré. «Cette idée ancrée est liée à une ancienne publication, aujourd’hui totalement réfutée, tient à préciser Marie Schaer. Depuis, de nombreuses études menées sur de vastes panels ont démontré qu’il n’y avait en aucun lien entre les vaccins –notamment celui contre la rougeole – et l’incidence de l’autisme, pas même chez des enfants à risques pour des raisons génétiques.»

Nous sommes très loin d’avoir soulevé tous les mystères de notre génome. Mais dans de nombreux domaines médicaux, la recherche avance. C’est le cas notamment pour les troubles psychiques tels que l’autisme. Depuis quelques années, des études tendent à améliorer la compréhension du rôle de la génétique dans leur apparition. «Actuellement, avec les connaissances et les technologies de séquençage dont on dispose, on peut identifier une origine génétique chez 10 à 20% des patients avec autisme», explique le Pr Thomas Bourgeron, professeur à l’Université de Paris et directeur de l’Unité «Génétique humaine et fonctions cognitives» à l’Institut Pasteur (Paris), venu présenter ses travaux à Genève lors d’une conférence grand public en marge du colloque NCCR SYNAPSY. «Mais ce chiffre sera peut-être amené à croître dans les années qui viennent, avec la découverte de nouveaux gènes impliqués», poursuit l’expert.

Le rôle des gènes dans l’apparition de l’autisme est depuis longtemps admis, et la recherche avance vite. Les scientifiques ont suspecté la génétique de jouer un rôle majeur dans l’apparition des troubles du spectre autistique en constatant que les jumeaux monozygotes (avec le même patrimoine génétique) ont un taux de concordance du diagnostic très élevé. Depuis, de nombreuses études ont été menées pour améliorer la compréhension du rôle de la génétique et identifier les plus de 1'000 gènes impliqués dans l’autisme.

Des architectures génétiques uniques

Chacun d’entre nous possède environ 22’000 gènes, constitués chacun d’une série de bases du code génétique. On sait que les mutations (changements d’une ou de plusieurs bases) d’un gène peuvent altérer, voire empêcher, la fonction du gène auquel elles appartiennent. Autrement dit, de petites altérations peuvent avoir de grandes répercussions. «Les gènes impliqués dans l’autisme jouent, pour la plupart, un grand rôle dans le fonctionnement du cerveau, dès le stade embryonnaire ou à différents moments du développement, rappelle le Pr Bourgeron. Une variation génétique peut impacter les protéines impliquées dans le fonctionnement des synapses, ces points de contact nécessaires au développement des réseaux de neurones.»

Selon le gène sur lequel s’opèrent la ou les mutations, les répercussions seront différentes, et plus ou moins importantes. Certaines auront un impact fort, d’autres moins.«On a identifié depuis longtemps des syndromes génétiques spécifiques associés à des symptômes d’autisme, comme le gène appelé “Shank3“, responsable du syndrome de Phelan-McDermid», explique Thomas Bourgeron. Ce type d’autisme est dit «monogénique», c’est-à-dire qu’il est causé par une mutation sur un seul gène. L’altération de ce gène peut être responsable de la très grande majorité, voire de tous les symptômes observés chez la personne (retard de développement psychomoteur, absence ou retard d’acquisition du langage, déficience intellectuelle…).

«Certaines de ces mutations génétiques ne sont pas retrouvées chez les parents, mais apparaissent chez l’enfant, précise le généticien. Ce sont souvent des erreurs de réplication de l’ADN des parents lors de la production des gamètes».

D’autres formes d’autisme résultent en revanche de l’accumulation de variations génétiques dans la population générale. Elles touchent de nombreux gènes, mais n’ont pas d’effet majeur chez la plupart des individus. Ce n’est que le hasard de leur addition à partir des deux parents qui entraîne, chez un enfant, l’apparition de symptômes. On parle alors de formes «polygéniques». Et logiquement, plus le génome comporte de telles variations génétiques, plus la probabilité d’avoir un diagnostic d’autisme est important. La complexité est d’identifier ces mutations multiples, impliquées dans le trouble autistique à différents degrés et menant à une grande hétérogénéité des symptômes du spectre autistique.

La génétique au service de la prise en charge

Pour les patients, la recherche génétique a mené à des applications très concrètes en termes de compréhension de la maladie. «Une fois le diagnostic posé, on oriente systématiquement les familles vers un généticien, explique la Pre Marie Schaer, médecin responsable du Centre de consultation spécialisé en autisme (CCSA) de Genève. Cela permet, d’une part aux parents d’identifier la cause de l’autisme de leur enfant, et d’autre part, de conduire à une prise en charge plus spécifique, selon les atteintes engendrées par telle ou telle mutation». Connaître l’origine génétique de l’autisme chez un enfant peut aussi permettre à ses parents d’obtenir un conseil génétique en cas de désir de nouvelle grossesse.

Au-delà d’une prise en charge plus adaptée, les progrès génétiques ont permis de développer la recherche médicamenteuse. «Des travaux sont menés autour de molécules ciblées susceptibles de traiter un type d’altération en particulier», détaille Marie Schaer. Identifier l’origine de l’autisme pour améliorer la compréhension de ce trouble et personnaliser le traitement, voilà le grand défi de la recherche génétique.

Une «épidémie» d’autisme ?

Les courbes sont assez frappantes: ces dernières décennies, les cas d’autisme dans les pays industrialisés semblent avoir explosé. Aux États-Unis, la prévalence est passée d’une personne sur 150 à une personne sur 54 en quinze ans*. En Suisse, le nombre de diagnostics de troubles du spectre autistique croît chaque année d’environ 12%**. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette augmentation. En particulier, l’élargissement des critères de diagnostic. «On a par exemple réattribué de nombreux cas de déficience intellectuelle au trouble autistique, alors qu’on les considérait, il y a 20 ans, comme des retards mentaux», constate Pre Marie Schaer, médecin responsable du Centre de consultation spécialisé en autisme (CCSA) de Genève. On dépiste donc plus efficacement, mais aussi plus tôt les troubles du spectre autistique aujourd’hui. Par ailleurs, «les médecins et en particulier les pédiatres, ainsi que le grand public, connaissent mieux ce trouble, ce qui a participé à l’augmentation “artificielle“ de la prévalence», poursuit la spécialiste. Une récente étude menée en Suède*** montre ainsi que l’augmentation de la prévalence d’autisme n’est probablement pas la conséquence d’un nouvel environnement mais plutôt d’un changement majeur dans les critères de diagnostic et de dépistage de l’autisme.

Une augmentation «réelle» de la prévalence, non négligeable, est aussi probable. Elle pourrait être liée à l’âge des parents, en augmentation depuis des décennies. «Lorsqu’on vieillit, notre matériel génétique s’altère aussi et est plus susceptible de présenter des mutations qui seront transmises à l’enfant, explique la Pre Schaer. Cela pourrait expliquer jusqu’à 10% de l’augmentation des diagnostics à l’échelle de la société.» La procréation médicalement assistée, dans des proportions plus modestes, entraîne également une modification du matériel génétique de l’enfant à naître et donc un risque accru de variations.

*Autism and developmental disabilities monitoring

**autism.ch

*** “Etiology of Autism Spectrum Disorders and Autistic Traits Over Time”, JAMA, mai 2020

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Paru dans Le Matin Dimanche le 05/07/2020.

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