Allergie ou intolérance alimentaire?

Dernière mise à jour 22/09/14 | Article
Allergie ou intolérance alimentaire?
Comment fait-on la différence entre une allergie et une intolérance alimentaire? Petit tour d’horizon des réactions alimentaires les plus fréquentes (ou populaires).

Les allergies et intolérances alimentaires semblent en hausse ces dernières décennies, influencées par des raisons géographiques et culturelles ainsi que par les habitudes alimentaires.

Il existe deux formes de réactions alimentaires indésirables: celles basées sur un mécanisme immunologique (principalement les allergies) ou non immunologique (les intolérances).

Les réactions immunologiques comprennent les réactions allergiques (différents stades de gravité, de l’urticaire au choc anaphylactique), la maladie cœliaque et l’œsophagite à éosinophiles.

Les intolérances sont liées à divers mécanismes, par exemple métaboliques (intolérance au lactose), pharmacologiques (contenu en histamine des aliments), psychologiques ou souvent inconnus.

Allergies alimentaires

On distingue des allergies immédiates et retardées à des aliments.

Les allergies immédiates apparaissent quelques minutes à heures après l’ingestion de l’aliment. Elles sont caractérisées par la présence d’immunoglobulines E (IgE) dirigées contre l’aliment responsable, qui peuvent être mises en évidence par des tests sur la peau ou une prise de sang.

On n’est pas allergique à un aliment par nature, on le devient. Il est donc possible de développer une allergie alimentaire après des années passées à consommer l’aliment en question sans problèmes.

La réaction allergique à l’aliment déclenche une cascade inflammatoire, qui aboutit en particulier à la libération d’histamine dans l’organisme. Les symptômes sont variés en terme de présentation et de sévérité, pouvant aller d’une crise d’urticaire (plaques rouges et démangeaisons généralisées) ou de symptômes digestifs de type crampes, diarrhées, vomissements, jusqu’à un tableau plus sévère avec toux, difficultés respiratoires, voire choc anaphylactique. Ce type d’allergie concerne 6-8% des enfants et 3-6% des adultes. Certaines allergies alimentaires de ce type peuvent se résoudre au cours de l’enfance, en particulier l’allergie aux protéines de lait, aux œufs, au blé et au soja.

Beaucoup de personnes allergiques au pollen ressentent des picotements ou des brûlures au niveau de la bouche et de la gorge en mangeant certains fruits et légumes frais. Il ne s’agit pas d’une allergie alimentaire, mais d’une réaction croisée occasionnée par une ressemblance des protéines contenues dans l’aliment avec celles du pollen. Le système immunitaire réagit de la même manière que si on avait mangé du pollen. On parle de syndrome oral croisé. Il est exceptionnel de développer des symptômes en dehors des picotements de la bouche et de la gorge dans ce contexte.

Pour revenir à l’histamine responsable des symptômes d’allergies, un syndrome d’intolérance à l’histamine contenue dans les aliments fait beaucoup parler de lui ces derniers temps. Il s’agit possiblement d’une difficulté à digérer l’histamine enrichie dans certains aliments, qui engendre alors des symptômes divers, pouvant vaguement ressembler à ceux retrouvés dans une allergie vraie. Ce syndrome demeure encore mal étudié et pour l’instant, beaucoup de spécialistes sont sceptiques quant à son existence.

Il existe également des formes d’allergies alimentaires non-immédiates, comme l’œsophagite à éosinophiles. Il s’agit d’une inflammation de l’œsophage qui se manifeste de manière insidieuse et qui peut occasionner des douleurs et des blocages d’aliments. Le diagnostic repose sur des biopsies répétées de l’œsophage obtenues lors de gastroscopies. Parfois les tests allergologiques sont positifs pour un ou plusieurs aliments. La plupart des personnes atteintes de cette maladie s’améliorent sous un régime d’éviction alimentaire.   

Maladie cœliaque, une «allergie» au gluten

Le gluten est une protéine contenue dans le blé, le seigle et l’orge. Chez certaines personnes génétiquement prédisposées, le gluten provoque une réaction immunitaire anormale dans l’intestin, qui entraîne une inflammation et des dommages à la muqueuse. Ceci mène à la disparition des nombreuses villosités de l’intestin grêle (sortes de petites brosses à la surface des muqueuses permettant de résorber facilement les nutriments, les vitamines et le fer contenus dans les aliments).

La forme la plus classique de la maladie cœliaque, surtout retrouvée chez l’enfant, est caractérisée par un syndrome de malabsorption, avec distension abdominale (ventre gonflé), perte de poids, retard de croissance et irritabilité.

Chez l’adulte, la maladie cœliaque est plus insidieuse et souvent difficile à diagnostiquer. Elle peut se manifester par des ballonnements, des troubles du transit intestinal (alternance de diarrhées et de constipation) ou une carence en fer. Contrairement aux enfants, les adultes atteints de maladie cœliaque perdent rarement du poids. Toutefois, comme chez l’enfant, les adultes peuvent présenter d’autres symptômes comme des troubles de la concentration, une fatigue ou des douleurs articulaires.

La maladie cœliaque se traite par un régime strict sans gluten, qui doit être mené à vie. Le diagnostic repose sur un test de dépistage dans le sang (dosage d’anticorps anti-transglutaminase ou éventuellement test génétique), avec selon les résultats une confirmation par gastroscopie et prélèvement de biopsies de l’intestin grêle.

Intolérance au lactose

Il s’agit de l’intolérance alimentaire la plus commune. Sa fréquence varie selon les régions du monde: elle touche 7-20% des Caucasiens et près de 90% des Asiatiques et Amérindiens. Elle est due à un déficit en lactase, l’enzyme qui scinde le lactose (sucre contenu dans le lait) pour permettre son absorption dans l’intestin grêle. Le lactose non digéré s’accumule dans l’intestin et devient proie aux bactéries, qui en font de l’hydrogène. Ceci provoque des ballonnements, des crampes et des diarrhées. L’intensité des symptômes dépend de la dose de lactose ingérée.

La forme primaire de l’intolérance au lactose s’explique par la diminution physiologique (normale) de l’activité de la  lactase avec l’âge, qui perd environ 90% de sa capacité de digérer le lactose. De ce fait, les  adultes ont généralement plus de difficultés à digérer le lait et ses produits dérivés que les enfants. La forme secondaire de l’intolérance au lactose se voit dans le cadre d’une inflammation de l’intestin (après une gastro-entérite, lors d’une maladie de Crohn, avec la maladie cœliaque).

Le diagnostic d’intolérance au lactose doit être évoqué si le retrait complet des aliments contenant du lactose (durant deux semaines par exemple) améliore nettement les symptômes. La reprise des aliments provoque une récidive des symptômes. Le diagnostic est basé sur un test respiratoire, qui mesure en particulier la production d’hydrogène après la consommation de lactose.

Intolérances plus rares

Les conservateurs et additifs alimentaires sont souvent montrés du doigt, mais jusqu’à présent, leur implication dans les intolérances alimentaires n’a pu être démontrée. Les sulfites font exception, car ils peuvent entraîner des symptômes chez les personnes susceptibles, en particulier les asthmatiques, avec occasionnellement des plaintes digestives. L’intensité des symptômes occasionnés par les sulfites est généralement modérée et là aussi, il ne s’agit pas d’une allergie mais d’une intolérance, qui est dépendante de la quantité de sulfites ingérée.

L’«intolérance au gluten sans maladie cœliaque» est une entité émergente et encore mal comprise, qui se situe à la frontière de l’intestin irritable et de la maladie cœliaque. Les symptômes (difficilement distinguables de ceux d’une maladie coeliaque «vraie») s’améliorent avec un régime sans gluten.

Contrairement à la maladie cœliaque, on ne retrouve cependant pas de marqueurs dans la prise de sang ni de dommages au niveau de la muqueuse intestinale. L’hypothèse d’une intolérance au gluten sans maladie cœliaque ne peut donc qu’être retenue après exclusion d’une maladie cœliaque, d’une autre maladie de l’intestin ou d’une allergie alimentaire aux protéines de blé.

Ce qu’il faut savoir

Les symptômes digestifs attribués à l’alimentation sont de plus en plus fréquents dans notre population et les causes sont très diverses. Il s’agit le plus souvent d’intolérances alimentaires bénignes ou de problèmes psychiques se répercutant sur l’intestin.

Parfois les symptômes peuvent être occasionnés par une allergie alimentaire ou une maladie inflammatoire de l’intestin. Les allergies alimentaires vraies et la maladie cœliaque nécessitent une éviction stricte des aliments en cause.

En cas de problèmes digestifs, parlez-en à votre médecin généraliste qui, en fonction de vos symptômes et des aliments impliqués, évaluera la nécessité ou non d’effectuer des examens complémentaires et/ou un régime adéquat.

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Référence

Adapté de «Allergie ou intolérance alimentaire?», par Drs Sylvie Maître, Christa-Maria Maniu, Guillaume Buss, Camillo Ribi, Pr. François Spertini, du Service d’immunologie et d’allergie, ainsi que Dr Michel H. Maillard du Service de gastroentérologie et d’hépatologie, CHUV, Lausanne. In Revue médicale suisse 2014;10:846-53, en collaboration avec les auteurs.